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lundi 3 août 2020

[chronique express] Protomartyr / Ultimate Success Today



Ultimate Success Today était l’un des disques les plus attendus de l’année 2020 et il n’y aura aucun suspens, Protomartyr remplit parfaitement le cahier des charges avec ce cinquième album regorgeant de moments très forts, de moments très beaux et de textes sombrement poétiques ou violemment amers, le tout avec cette immense classe, cette générosité désinvolte et cette intelligence engagée qui jusqu’ici ont fait toute la réussite du groupe de Joe Casey et de Greg Ahee. Seulement il n’y a rien de réellement nouveau et malgré leurs qualités indéniables les compositions de Ultimate Success Today possèdent presque toutes un air de déjà entendu, comme si Protomartyr au sommet de son art depuis l’album et chef d’œuvre Relatives In Descent était désormais incapable d’aller encore plus loin et incapable de surprendre davantage. Mon problème est que je ne veux pas choisir entre le bonheur incroyablement intense d’avoir retrouvé ce groupe que j’aime particulièrement et la déception de me sentir condamné à l’aimer encore, pour exactement les mêmes raisons qu’avant… à moins que comme le chante Joe Casey (sur le poignant Worm in Heaven) Ultimate Success Today ne soit le dernier disque de Protomartyr, au titre plus que prémonitoire : « So it’s time to say goodbye. I was never keen on last words ».

lundi 3 juin 2019

Comme à la radio : Protomartyr


Il est grand temps de réécouter plus attentivement et plus consciencieusement le tout premier album de PROTOMARTYR. Initialement paru en 2012 via Urinal Cake (un tout petit label basé à Detroit / Michigan) puis réédité une première fois en 2013 par ce même label, No Passion All Technique n’avait connu qu’une diffusion limitée et pour beaucoup – moi y compris – la découverte de ce premier LP s’est faite sur le tard, via d’informes fichiers mp3 qui en ont découragé.e.s plus d’un et plus d’une. 




C’est Domino records – l’actuel label de Protomartyr sur lequel a été publié le génial Relatives In Descent en 2017 – qui s’est chargé d’exhumer No Passion All Technique de la fosse à purin numérique et qui a très bien fait son boulot : le disque a été remasterisé sans que l’on ait l’impression d’écouter une accumulation de fréquences aigues et graves baveuses poussées dans leurs derniers retranchements, l’artwork originel a été respecté (comme d’habitude avec Domino la pochette est faite d’un carton bien épais contribuant ainsi à l’anéantissement de forêts centenaires), un livret de vingt pages incluant textes des chansons et illustrations diverses a été ajouté (tous les albums de Protomartyr comportent un tel livret) et pour les curieux un coupon joint au disque permet de télécharger l’album soit au format mp3 pas trop limité (320 kbits/s) soit au format wave avec en prime quatre titres supplémentaires issus des mêmes sessions d’enregistrement.





Cette réédition permet de connaitre enfin toute l’histoire. Laquelle n’a donc pas commencé par le fracassant Under Color Of Official Rite (2014) et le magnifique The Agent Intellect (2015), les deux albums que Protomartyr a publiés chez Hardly Hat et toujours disponibles sur ce même label. La progression du groupe – en termes de réussite artistique comme de reconnaissance publique – a été fulgurante et demeure exemplaire : Protomartyr est exactement le genre de groupe que l’on aime suivre avec dévotion et dont on attend la suite des aventures musicales avec impatience.
Mais il manquait donc le point de départ et l’écoute de No Passion All Technique est des plus éclairantes. L’album est le plus basiquement punk et le plus rugueux du groupe. Certaines compositions peuvent désarmer l’auditeur par leur simplicité et leur environnent presque garage (le poussiéreux Principalities) ; la guitare de Greg Ahee est loin d’être aussi inventive qu’elle le deviendra par la suite (mais elle est déjà d’une efficacité redoutable) ; le couple rythmique n’est pas encore imprévisible (la basse ne possède pas cette ampleur fantasque qui lui fait aujourd’hui jouer un rôle moteur dans la musique du groupe) ; et le chant de Joe Casey est encore trop calqué sur celui d’un Mark E. Smith éthylique, incapable de ce lyrisme bancal qui désormais place le frontman faussement nonchalant de Protomartyr aux premiers rangs des poètes électriques et déglingués.
Il n’empêche que la plupart des éléments qui font la richesse de la musique de Protomartyr sont déjà présents dans un enregistrement qui gagne en profondeur au fil des écoutes. La capacité du groupe à donner différents niveaux de lecture de sa musique tout en gardant son immédiateté est déjà flagrante. Plus qu’une redécouverte, No Passion All Technique se mue donc en exploration – certes moins aventureuse et bien moins complexe que celle d’un Relatives In Descent – mais pose les principes fondateurs de la musique du groupe. Des titres qui au premier abord semblent posséder un caractère trop banal et linéaire se révèlent être des petites boules d’émotions (3 Swallows). D’autres sont des tubes en puissance (Ypsilanti ou Feral Cat). Et puis il y a le cas des chansons grises comme Jumbo’s, des chansons en forme de diamants bruts qui révèlent la nature profonde de Protomartyr : un groupe aussi viscéral que noisy et aussi commotionnant qu’émouvant. L’histoire est en marche. 

vendredi 29 juin 2018

Protomartyr / Consolation EP








Jusqu’ici les américains de PROTOMARTYR ont eu tout bon. Trois* albums en constante progression les uns par rapport aux autres (rien que les deux derniers, The Agent Intellect (2015) et Relatives In Descent (2017) sont des indispensables absolus) ; la fierté d’avoir renvoyé tous les apprentis revivalistes du post-punk anglais dans les jupes de Mark E. Smith et de Ian Curtis ; des concerts largement à la hauteur de la musique du groupe. Il s’agit précisément ici d’un point crucial : si les albums de Protomartyr sont de plus en plus arrangés, affinés, célestes et funambules, le groupe a su garder en live toute sa morgue ironique et toute sa rugosité prolétarienne sans rien perdre de sa puissance émotionnelle. Ces types là ressemblent vraiment à rien et c’est sans doute ce qui rend leur musique encore plus belle et encore plus forte.

Et puis voilà que débarque ce Consolation EP et ses quatre inédits. Encore une pochette très visuelle et arty, un livret (gatefold) toujours aussi démesurément étendu par rapport au contenu strictement musical du disque, bref une présentation soignée voire luxueuse. Quatre titres dont les deux premiers ne réservent absolument aucune surprise. Du Protomartyr pur jus et rien d’autre. Wait comme Same Face In A Different Mirror manquent toutefois d’un petit quelque chose qui fait toute la différence. Ce sont deux titres plutôt courts et ils sont trop linéaires et trop monobloc, ils n’ont pas ce second pallier presque impromptu et ce basculement à la limite de la fissure qui rendent la musique du groupe si exaltante et si attractive. On pourrait même penser que Wait et Same Face In A Different Mirror n’auraient du être utilisés que comme morceaux-transition au milieu d’un album, sorte de trampolines et d’introductions à des compositions plus consistantes et plus enlevées. Mais Protomartyr n’a visiblement pas su trop quoi en faire si ce n’est nous les livrer tout crus et comme bouche-trous. Rien de déshonorant, toutefois.

L’intérêt de Consolation est donc ailleurs. La face B du disque contient deux autres titres inédits qui arrivent enfin à relever pertinemment le niveau. Wheel Of Fortune et You Always Win possèdent plusieurs degrés de composition et se révèlent autrement plus passionnants. On y retrouve précisément ces fêlures qui se transforment en jaillissements et qui sont l’une des marques de fabrique de la musique de Protomartyr. Des arrangements pas trop envahissants viennent rehausser le tout : violon alto et violoncelle mais aussi de la clarinette basse sur le final très poignant de You Always Win. Sans oublier la participation de Kelly Deal au chant additionnel. Oui, je parle bien de la Kelly Deal des Breeders. Je n’ai jamais été trop fan du groupe des sœurs Deal (à l’exception peut-être du presque sombre Title TK) et j’avais un peu peur de ses interventions vocales et de ses youyous si caractéristiques mais je dois bien admettre que la présence d’un chant alternatif apporte un réel plus à la musique de Protomartyr qui ne délaisse pas pour autant son côté acide et névrosé. Depuis le début les mélodies ont toujours été à l’honneur dans la musique du groupe et aujourd’hui avec Wheel Of Fortune et You Always Win Protomartyr semble se diriger vers encore plus de sophistication. Mais je veux un nouvel album pour avant l’année prochaine, OK ?

[Consolation est un 12’ qui tourne en 45 tours et il a été publié par Domino records]

* en fait il y en a quatre mais à l’écoute du premier d’entre eux (No Passion All Technique – 2012) on peut souvent douter qu’il s’agisse bien du même groupe et d’ailleurs Protomartyr ne l’a pas mis en ligne sur son bandcamp – CQFD