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samedi 24 avril 2021

[chronique express] CCR Headcleaner : Street Riffs

 



 

Enregistré pendant la seconde moitié de l’année 2018 mais publié seulement en octobre 2020 par In The Red, Street Riffs est le quatrième album de CCR Headcleaner, groupe de Los Angeles dont le guitariste Ned Meiners a dans le passé été membre des terrifiants The Hospitals… voilà un petit début d’explication à tout le barrouf étalé en grandes largeurs durant dix compositions dopées à la fuzz réverbérée et au cholestérol magnétique. Mais a-t-on affaire à du punk rampant ? du garage psychédélique ? du hard-rock sous acide ? Un peu tout ça à vrai dire, le groupe ne craignant pas de balancer du très gras et du très lourd mais capable également de nous plonger la tête la première dans les égouts de la ville pour un bon trip régressif. Avec quelques réminiscences héritées du Mudhoney des débuts et ralenties à la sauce californienne, CCR Headcleaner me fait penser à une bande d’éternels délinquants juvéniles, des occultistes plutôt doués dont le plaisir suprême reste de tout saloper en mode multi-dimensionnel. Un disque sale et visqueux mais aussi un disque psychotropique et pâteux qui s’écoute forcément très fort.

mercredi 9 décembre 2020

Lamps / People With Faces

 

Cela faisait un moment que l’on n’avait pas trop eu de nouvelles de LAMPS*, en fait depuis l’année 2012 et le troisième album Under The Water Under The Ground, formidable déflagration garage en forme de mur du son primal et tribal, guitare gorgée de fuzz et de feedback, batterie aussi binaire que possible et chant de zombie sous amphétamines à la clef. Un grand disque du genre et jusqu’ici le meilleur album de Lamps, taillé dans la lave en fusion par l’alors hyperactif Chris Woodhouse (oui, l’homme responsable des meilleurs enregistrements de Thee Oh Sees, bien avant la déconfiture post prog) dans le rôle de l’ingénieur du son de tous les dangers.
Huit années plus tard le trio californien toujours emmené par le guitariste / chanteur Monty Buckles et le batteur (et cinéaste et vidéaste) Josh Erkman sort de sa torpeur et est enfin de retour avec son quatrième album People With Faces et avec une nouvelle bassiste : Denée Segall est je crois la troisième à occuper ce poste depuis les débuts de Lamps et si son patronyme ne t’est pas si inconnu que cela c’est parce que Ty Segall – encore un hyperactif californien** – a un beau jour eu la bonne idée de l’épouser. Au passage c’est ce même héro blondinet qui a procédé à l’enregistrement et au mixage de People With Faces pour un résultat assez bluffant, disons-le.

 



L’aspect mur du son transgressif avec empilades de guitares qui semblent tronçonner des plaques de vieux métal rouillé sur fond de rythmiques monomaniaques est toujours bien présent mais dorénavant Lamps a ajouté d’autres cordes à son arc avec l’alternance des chants (Denée Segall est également préposée au micro et c’est même elle qui lance les hostilités sur un Confirmed Frenchman *** délicieusement pervers), une place plus importante laissée aux synthétiseurs (c’est Monty Buckles qui s’en occupe) et des compositions, disons, plus pop. Pop ? Arf… en fait Lamps manie le rock’n’roll arty-chaud comme si Jesus And Mary Chain faisait des reprises des Ramones sous l’égide des Cramps – le désopilent God Gave Me This Haircut, le davantage réfrigéré Monster Magazine – et arrive à donner des saveurs synthétiques extrêmement goûteuses à sa musique, soit comme simple surlignage (Chest, Dr Magic ou I Need A Freak) soit en flirtant entre bontempi maléfique et tempête magnétique (Comedian).
Lorsque Lamps se montre plus classiquement conforme à l’image musicale que le trio nous avait toujours renvoyé jusqu’ici (GNATS ou I Owe It To All The Girls, une reprise de Eddy And The Frat Girls rageusement chantée par Denée) on est bien forcé là encore d’applaudir des deux mains de se rouler par terre sans modération tant le trio arrive à réveiller cette saine et libératrice ferveur élégamment animale qui manque à tellement de groupes de « garage » punk. Bien que différent, le quatrième album de Lamps peut ainsi égaler Under The Water Under The Ground dans mon petit cœur électrique et sensible. PS : moi aussi j’aime beaucoup les chiens.

[People With Faces est publié en vinyle noir ou fuchsia par In The Red records]

 

* apparemment le site du groupe n’a pas été mis à jour depuis un petit paquet de temps… merci les réseaux sociaux
** c’est quand même marrant que Lamps qui un groupe tellement velléitaire s’entoure à chaque fois de personnes qui sont elles tout le contraire 
*** dont je n’arrive pas à savoir si les paroles ne seraient pas partiellement écrites en français…


mardi 29 janvier 2019

Jon Spencer / Spencer Sings The Hits


Bon alors JON SPENCER est un type éternellement jeune et sexy. Il pourrait sans difficulté faire l’acteur dans un remake de Dorian Grey dirigé par Roger Corman (avec comme scène centrale une attaque de la Terre par des pizzas géantes pilotées par des poulpes arc-en-ciel) parce qu’il a l’air d’avoir dix ans de moins que moi alors qu’il en a quatre de plus, gnagnagna. Il est pourtant loin le temps de la splendeur de Jonathan, l’époque où avec le Jon Spencer Blues Explosion il affolait les compteurs et les libidos grâce aux albums Extra Width (1993), Orange (1994) et Now I Got Worry (1996). Est-ce que je suis nostalgique ? Non, pas du tout.
Jon Spencer a de tous temps sacrifié au bon goût et à la bienséance en exacerbant tout ce que le rock’n’roll – au sens historique et  hystérique du terme – possède de plus exhibitionniste et de plus outré. Avec une bonne dose de bizarreries musicales, Spencer étant dans sa jeunesse fan d’indus puisque à ses débuts il avait même monté Shithaus en compagnie de Todd A. (futur Cop Shoot Cop), un groupe très influencé par Einsturzende Neubauten et c’est un parrainage que l’on peut également retrouver dans les percussions métalliques de Bob Bert (ex Sonic Youth) et le premier groupe marquant de Jon Spencer, l’irremplaçable Pussy Galore – qui, pour boucler la boucle, a enregistré une excellente reprise du Yü Gung de Neubauten en 1988. Le chaos a toujours été l’un des credos de Jon Spencer et même lorsqu’il a commencé à mettre de bonnes grosses doses de hip-hop cracké dans la musique du Blues Explosion, le bordel était plus présent que jamais.






Comme tous les énergumènes qui se moquent des conséquences du temps et qui refusent non seulement de vieillir mais aussi de mûrir (ce en quoi il a parfaitement raison), Jon Spencer est devenu prisonnier de son propre système, n’échappant à la routine qu’en s’enfonçant dans davantage de tradition avec Heavy Trash, en soutenant R.L. Burnside et ou en enregistrant avec les frères Dickinson (Luther et Cody, fils de Jim, frères de Chris et Rich des infâmes Black Crowes, Luther ayant même participé à la reformation de ces derniers mais ça n’a rien à voir et donc on s’en fout complètement).
Toi je ne sais pas, mais en ce qui concerne le Blues Explosion cela ma de plus en plus fatigué d’écouter le même nouveau disque tous les trois ou quatre ans et d’assister au même concert dans la foulée. Tout ça pour quoi ? Pour à chaque fois acheter le t-shirt officiel de la tournée et ensuite le laisser pourrir dans le placard aux côtés de ceux d’Iron Maiden et des Pixies ? Pitié… Lorsque le Jon Spencer Blues Explosion s’est séparé non sans avoir publié deux mauvais disques (Plastic Fang en 2002 et Damage en 2004) pour mieux se reformer en 2012, j’ai préféré bouder. Oui, bouder c’est ce que je sais faire de mieux. Et j’en étais toujours là, à bouder et à ronchonner dans mon coin lorsque In The Red a annoncé la publication de Spencer Sings The Hits, premier album en solo de Jon Spencer
Tout avec ce disque renifle le fameux système Spencer décrit un peu plus haut : déjà le titre très outrecuidant de l’album, son sous-titre « The World Most Beloved Melodies On One Long-Playing High Fidelity Recording » (nota : toutes les compositions sont de Spencer), le dessin de la pochette intérieure avec la pin-up qui se trémousse forcément en écoutant la musique de Jon, la photo du recto sur laquelle Spencer se la joue dandy rock’n’roll version monstre des marais grâce à cette main droite reptilienne/alien aussi repoussante quintrigante, les couleurs pailletées qui explosent l’artwork de partout dans un kitsch absolu. Et pourtant… Je dois tenir de la mouche à miel uniquement guidée par son estomac parce que rien que la présentation de Spencer Sings The Hits m’a donné très envie d’écouter le disque. Sans oublier qu’In The Red est l’une des premières maisons de disques à avoir soutenu le Blues Explosion en publiant les premiers singles du groupe en 1992 et 1993 (ces singles et autres titres ont été compilés en 2007 sur l’excellent Jukebox Explosion : Rockin’ Mid-90s Punkers !). Non, j’ai déjà dit que je ne suis pas nostalgique...

Il y a au moins deux points sur lesquels Spencer Sings The Hits ne ment pas. Le premier est qu’il s’agit d’un réel album solo de Spencer, il n’y en a que pour lui, il prend toute la place et ses deux acolytes (Sam Goomes aux synthétiseurs et M. Sord à la batterie) ne sont que des faire-valoirs, certes de qualité, qui ne sont là que pour servir le maitre. Et Jon Spencer s’en donne à cœur-joie, affirmant une fois de plus sa suprématie sur I Got The Hits et surtout réactivant pour la millième fois l’esprit du Blues Explosion sans rajouter de fioritures inutiles, retrouvant toutes ses envies et tout son allant. Bien sûr il y a certaines compositions qui sonnent comme du Blues Explosion un peu trop classique voire presque scolaire et plan-plan (Hornet, Love Handle ou Overload) mais dans l’ensemble Spencer Sings The Hits est une bombe à fragmentation – deuxième point sur lequel il n'y a pas tromperie sur la marchandise, on assiste avec ce disque à un réel retour aux sources. Jon Spencer n’usurpe pas son surnom d’Elvis punk*, appellation d’origine incontrôlée à nouveau méritée dès le titre d’ouverture Do The Trash Can, un vrai tube bien plus sexy et mille fois plus dangereux que la danse des palourdes.
Je regrette toutefois que les synthétiseurs ne prennent pas plus de place sur les compositions de Spencer Sings The Hits. Ghost est l’un des meilleurs titres du disque uniquement parce qu’on les y entend davantage mais qu’en plus ils jouent un rôle moteur après chaque refrain, relançant la machine comme il faut. Souvent je me dis qu’il s’agit simplement d’une question de mixage puisque la voix de Spencer est en toute logique largement prioritaire… bon alors OK mais il me semble que si les synthétiseurs avaient tenu un rôle moins accompagnateur et moins rythmique et avaient donc été plus présents tout en soulignant toujours plus l’exubérance du chef, Spencer Sings The Hits aurait été encore meilleur. Ce sera peut-être pour la prochaine fois, sauf si je décide de me remettre à bouder. Sait-on jamais.  

* comme tous les surnoms il est aussi adéquat que ridicule

vendredi 28 décembre 2018

Ty Segall / Fudge Sandwich





Amusons nous un peu en attendant la mort avec un petit quizz rigolo de fin d’année : quel est le point commun entre Télérama et les Inrockuptibles ? Les programmes TV bien sûr ! Deuxième question, un peu plus difficile : le rapport entre les deux journaux déjà cités et le Figaro ? L’âge de leurs lecteurs, évidemment ! Troisième et dernière question, encore plus compliquée : le lien entre Télérama, les Inrockuptibles, le Figaro, France Inter, Gonzaï, Arte et la gazette internet que tu es précisément en train de lire ? Ty Segall, à n’en point douter !
TY SEGALL ? Je suis d’avis que ce blondin a tendance à publier un peu trop de disques chaque année – que ce soit sous son nom ou avec l’un des nombreux groupes dans lesquels il joue ou avec lesquels il collabore – comme s’il faisait un concours de bite avec John Dwyer. Mais je suis également bien obligé d’admettre que ce garçon se plante assez rarement ; tout au plus inspire t-il cet inévitable sentiment de lassitude et de déjà entendu… En 2018 Ty Segall m’avait cependant déjà épaté avec le très réussi double album Freedom’s Goblin sur lequel il devenait presque méchant (arrrghh) et je m’étais alors surpris à espérer dautres nouvelles de sa part, toutes aussi bonnes et bientôt si possible. Ce « bientôt » est donc arrivé encore plus rapidement que je ne le pensais sous la forme d’un album intitulé Fudge Sandwich et publié par In The Red records au mois d’octobre dernier. 

Ce « sandwich au caramel » (ahem) appétissant – il manquerait peut-être une bonne dose de fluff pour couronner le tout – a d’abord attiré mon attention parce qu’il s’agit exclusivement d’un album de reprises. Impossible même de l’ignorer (gros plan marketing sur les internets) et si le cover album est le passage obligé de beaucoup de groupes en manque d’idées nouvelles ou pressurés par leurs maisons de disques trop gourmandes ce n’est pas le cas de Ty Segall et de son Fudge Sandwich : comme on l’a vu notre homme est hyper prolifique et souvent inspiré donc on peut en déduire que cet énième disque est effectivement un bel hommage et le catalogue non exhaustif de ses goûts musicaux. C’est déjà ça.
Il y a malgré tout un côté très appliqué et très scolaire dans la démarche de Ty Segall puisque au verso de la pochette du disque le groupe ou musicien ayant enregistré la version originale de chaque titre repris sur Fudge Sandwich est mentionné comme il se doit. Ainsi Funkadelic et le Spencer Davis Group côtoient Rudimentary Peni, les Sparks et Gong. La présence de certains noms n’est absolument pas étonnante (John Lennon et Neil Young), d’autres laissent davantage songeur (la liste est longue, en fait…) et la seule conclusion que l’on peut en tirer est que Ty Segall est un garçon aux goûts et aux influences absolument variés – pour en terminer avec l’énumération des artistes repris ici : War, The Dills, Amon Dull II et le Greatfull Dead. Dans strictement tous les cas, il ne fait aucun doute que Fudge Sandwich est un véritable album de Ty Segall puisqu’on y retrouve nombre des qualités des enregistrements originaux du musicien ; beaucoup de ces reprises (mais paradoxalement pas celle du Isolation de John Lennon) renvoient même directement à Twins (Drag City, 2012) qui est mon album préféré de Ty Segall et à mon sens s’il fallait n’en posséder qu’un de toute sa discographie pléthorique ce serait celui-ci.

Le principal reproche que l’on peut faire à Fudge Sandwich revient à reprendre l’argumentaire ci-dessus et l’inverser : certaines et certains trouveront que Ty Segall a trop bien repris les chansons de cette collection, qu’il se les est trop réappropriées et qu’ainsi il les a presque vidées de leur substance au risque de les dénaturer. On remarque que parfois il a tenté d’apporter un traitement à contre-courant des versions originales, accélérant les chansons lentes, ralentissant les chansons rapides, transformant les machins hippie en bourrades rock’n’roll, etc. L’art de la reprise est un art difficile et beaucoup s’y sont cassés les dents mais ce que l’on peut se demander avec Fudge Sandwich c’est : est ce que Ty Segall a choisi ces titres là précisément parce qu’il savait qu’il allait en faire qu’une seule bouchée (haha) ? Car trop souvent sur ce disque tout semble si facile, si évident, indiscutable…
S’approprier la composition d’un autre c’est aussi parfois souffrir et on sent ici aucune difficulté ni aucune résistance ; tout coule de source et, passé le plaisir de découvrir un tel album, on regrette que ces reprises paraissent autant phagocytées et, donc, ajustées, rentrant trop parfaitement dans le « cadre » Ty Segall. Pour ma part je suis autant conquis par le savoir-faire du musicien que je peux être exaspéré par son côté lisse et parfait…  donc Fudge Sandwich reste un bon disque mais n’en devient pas un indispensable pour autant. A titre de comparaison (et de conclusion) Kicking Against The Pricks, album de reprises publié par les Bad Seed en 1986, transpirait nettement plus le tiraillement et même le doute tout en affirmant sa beauté propre mais il est vrai également que Nick Cave était une âme autrement plus torturée que Ty Segall qui lui a tout de l’ange chérubin. Autre époque…