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dimanche 15 janvier 2023

Comme à la radio : Blacklisters

 




BLKLSTRS
 ? Oui, Blacklisters : il aura fallu attendre un peu plus de deux années pour que les Anglais sortent enfin de leur silence et fassent à nouveau parler d’eux… et deux ans c’est beaucoup trop long ! Le nouvel EP du groupe s’intitule Leisure Center, un titre prometteur et particulièrement sarcastique pour un enregistrement jamais avare en grosses déflagrations. Attention.









Quatre titres seulement, une publication uniquement au format cassette (encore cette putain de crise ?) chez Exploding In Sound records mais douze minutes gavées de noise-rock roublard et épais. De l’étourdissement bien gras et visqueux avec une nette tendance aux rythmes ralentis et appuyés. Si on peut encore penser aux Jesus Lizard et autres Pissed Jeans, on trouvera malgré tout que les quatre Blacklisters tirent de mieux en mieux leur épingle du jeu question originalité et qu’ils ne doivent finalement plus grand-chose à personne. Le poisseux leur va si bien. Ainsi le morceau titre qui ouvre le bal se montre particulièrement corrosif et grinçant mais dommage que mon niveau d’Anglais Langue Vivante 1 acquis au milieu des années 80 ne me permette pas de comprendre toute la subtilité acide des paroles du braillard éclairé Billy Mason-Wood. Lequel se paie aussi de luxe de nous surprendre sur un The Wrong Way Home avec ce chant tellement gouailleur qu’il en devient drolatique.

Pourtant la principale singularité de Leisure Center réside dans la présence d’un saxophone perturbateur sur la moitié des compositions. Parfois facétieux (la toute fin de Why Deny ?, une véritable pépite), souvent free et même bruyant, Rob Mitchell – un musicien au pedigree totalement inconnu des services d’Instant Bullshit – donne un sacré coup de fouet à la musique de Blacklisters. En bon adorateur éternellement à genoux de Fun House, voilà une caractéristique qui ne pouvait que me convaincre et me plaire.
Pour le reste, on reste évidemment en terrain connu mais on saluera l’excellence traditionnaliste d’un groupe qui connait les règles d’or du noise-rock sur le bout des doigts : guitare acérée coupante et lignes de basse aussi imposantes que possible, etc. Rappelons d’ailleurs que le poste de bassiste est toujours occupé par Steven Hodson, par ailleurs chanteur et guitariste de USA Nails, qui en plus s’est occupé du mix de Leisure Center. Bien lui en a pris et en espérant que ces quatre titres soient surtout les prémices d’un véritable quatrième album.
 


vendredi 13 janvier 2023

Valve : Thermoclines

 



Tout est question de profondeur. Les toutes premières secondes de XXXIII ressemblent à une chute vertigineuse et inévitable, un espace-temps suspendu, un faux silence précurseur et annonciateur des masses sonores monstrueuses qui bientôt vont nous écraser, l’appel du chaos qui va nous emporter. VALVE est un groupe parisien : un chanteur très présent et diversifié – il n’a rien d’un simple beugleur sans imagination –, deux guitares tout aussi inventives et une rythmique de plomb et implacable dont on appréciera également la souplesse, via des lignes de basse distinctes et évoluées. Un groupe à la présence forte, particulièrement efficace en concert et dont Thermoclines est le premier véritable enregistrement long format. Quatre compostions dont la plus courte avoisine les sept minutes et la plus longue flirte avec le quart d’heure.
Autant dire tout de suite que Valve est un groupe qui préfère l’épaisseur, la densité et les contrastes aux bavardages sans fond. Des bifurcations et des changements, Thermoclines ne propose pratiquement que ça, mais sans aucune hésitation ni errance – changements de rythmes, d’atmosphères, de volumes, de hauteur, de textures et de couleurs, toutes les nuances et toutes les densités de noir y passent. Puisant aussi bien dans le sludge, le (post) hardcore que le doom, les cinq musiciens savent tirer parti des matières offertes et des langages déjà connus pour capter l’attention, dans le bon sens du terme : il ne s’agit pas se la raconter mais – tout simplement et on ne peut plus humainement – de raconter. Lorsqu’il y a de la double pédale, ce n’est pas juste pour le plaisir d’en rajouter. Lorsque tout s’accélère au milieu de Schism, ce n’est pas par coquetterie. Lorsque le chanteur s’époumone si violemment que l’on finit nous-mêmes par en avoir mal, ce n’est pas par volonté de montrer ses muscles. Lorsque les guitares alternent modes atmosphériques et blocs de saturation, ce n’est pas pour le décorum du chaud et du froid. Tout dans la musique de Valve a un sens et, surtout, fait sens.
La narration est donc un élément primordial. Chacun des titres, possède un vrai début et une vraie fin – vrai car on y croit immédiatement – avec entre les deux un fil conducteur tortueux mais lisible, Valve ayant, on l’a déjà dit, cette capacité hautement estimable, pour un groupe qui a choisi les difficultés des longues distances et des mouvements massifs, de nous tenir de haleine. Ecouter Thermoclines c’est accepter de nager dans des eaux troubles et sombres, quitter la surface des choses, plonger dans l’obscurité pour y chercher la lumière, trouver ce à quoi on ne s’attendait pas, des réelles surprises – la montée des guitares en mode noise entre les quatrième et cinquième minutes de Kabuki par exemple, un vrai bonheur, parce que fulgurant – et la musique de Valve de s’imposer de la meilleure des façons, syncrétique et viscérale. Une musique qui fait corps avec expertise et personnalité et qui surtout donne envie de faire corps avec elle.

[Thermoclines est publié en vinyle doré, blanc ou transparent, en cassette et même en CD par Itawak records, Moment Of Collapse, Poutrage et Yoyodyne records – l’artwork très psychémétaphorique est signé Ëmgalaï]