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mardi 2 mars 2021

Bleakness / A World To Rebuild


Commençons par un moment de vérité : j’ai appris à aimer BLEAKNESS alors qu’au départ je n’appréciais pas le groupe plus que cela. Pendant longtemps le trio coincé entre Paris et Lyon me laissait une drôle d’impression avec sa musique à la fois séduisante et revigorante mais qui pouvait aussi à la longue se révéler un peu trop lassante. Et puis le line-up s’est stabilisé avec l’arrivée de Jake à la batterie – détail amusant : Jake est un anglais et réfugié politique installé à Lyon depuis de nombreuses années maintenant et surtout il est l’un des batteurs / percussionnistes des très protéiformes Action Beat. Comme je trouvais que la batterie était l’un des points faibles de Bleakness je ne pouvais que me réjouir de son arrivée. Un problème de résolu. Merci beaucoup Jake.
Parallèlement la musique de Bleakness est devenue de moins en moins punk-rock et de plus en plus post-punk. Une évolution que le groupe revendique clairement. Et qui a éveillé en moi un intérêt grandissant. Intérêt qui s’est cristallisé autour de Functionaly Extinct,
un premier LP paru en décembre 2019 et bien supérieur au 7’ Ruined Fate (2017) et au 12’ Frozen Refuge (2018). Pourtant j’ai laissé filer toute l’année 2020 sans me décider à chroniquer cet album. J’ai fait mon gros flémard.

 


 

A World To Rebuild est le dernier des enregistrements publiés du trio et constitue la suite logique de Functionaly Extinct parce qu’il présente quatre titres mis en boite en même temps que l’album, plus deux remix. On y retrouve tout ce qui fait la force et l’intérêt de la musique de Bleakness, à commencer par les lignes de basse de Phab, résolument énormes et toujours très présentes. Ainsi que des parties de guitare ciselées comme des diamants noirs, de plus en plus fines, de plus en plus fouillées. C'est l’œuvre de Nico qui il y a très longtemps officiait au sein des immenses Amanda Woodward mais que l’on a également croisé dans Better Off Dead ou Karysun (à la batterie) et qui s’occupe du label Destructure records.
Les quatre « nouvelles » compositions d’A World To Rebuild – en fait deux titres alors tout juste terminés au moment de l’enregistrement et deux titres plus anciens et retravaillés pour l’occasion – sont des petits bijoux de post-punk dynamique et tendu, bien loin du coté chichiteux-arty de trop de groupes revivalistes bon chic bon genre. Ça transpire comme il faut et ça donne envie de danser. En particulier les deux titres de la face A lorgnent intelligemment du côté d’un Crisis, une influence ici bien digérée. Rien que l’introduction du morceau-titre me donne des frissons. Et que dire de Remedy The Unease ? C’est un vrai tube ! Mais il y a mieux. Jusqu’ici ce qui me refroidissait le plus chez Bleakness c’est le chant de Nico : trop bourrin, pas assez nuancé et pas assez fin pour être à la hauteur des aspirations post-punk du groupe. On notera donc que le chant s’améliore sur A World To Rebuild, qu’il est moins mixé en avant (du moins me semble t-il) et surtout avec quelques effets bien placés qui en atténuent la rugosité tout en en conservant le mordant. Et puis il y a toujours cette basse que j’adore et ces parties de guitare étoilées, de plus en plus soutenues.
Les deux remix inclus ne sont pas à négliger. En particulier celui de The Closing Door et sa ligne de synthé particulièrement envoutante qui habille le tout d’une magnificence à la fois glacée et irrésistible. Over And Over suit un peu le même genre de traitement mais en plus musclé : une mélodie au saxophone (puis reprise par la guitare) lance les débats et c’est une vraie vacherie tant elle reste dans la tête. Comme presque tout le disque, en fait, à l’exception de Discarded Tales que je trouve trop simpliste. A World To Rebuild permet même de réévaluer à la hausse les précédents enregistrements de Bleakness – après tout, la première version de Remedy The Unease apparait sur une cassette démo de 2018 – et surtout promet de belles et bonnes choses pour demain.



[A World To Rebuild est publié en vinyle par Destructure records et Sabotage records  – comme toujours avec Bleakness la présentation est aussi belle qu’impeccable et l’identité visuelle du groupe est immédiatement reconnaissable]

 

 

dimanche 28 février 2021

Comme à la radio : Jean-Pierre Marsal (et 202project)

 




Dire que j’ai suivi de près et avec une attention grandissante les aventures musicales de Jean-Pierre Marsal aka 202project depuis maintenant une bonne dizaine années serait en dessous de la vérité.
Une rencontre à rebondissements puisque la première fois que j’ai vu 202project en concert je n’avais guère gouté à sa musique… jusqu’à ce qu’un jour je reçoive un disque promo avec une demande de chronique*. A ma grande surprise ce disque – il s’agissait de l’album Total Eclipse – m’avait énormément plu et j’avais tenu à en faire l’éloge.
Je ne vois que deux conclusions possibles à cette vieille histoire qui n’intéressera pas grand monde. Tout d’abord en matière de musique(s) il faut savoir se laisser faire et se laisser surprendre. Et surtout c’est la récompense du chroniqueur que de découvrir des musiques, des musiciennes, des musiciens, des groupes, d’en parler, de se faire accompagner par elles / eux pendant des années et de leur réserver une place à part – ce qui est très loin d’arriver tous les jours.

 

Mais 202project n’existe plus en tant que tel. JEAN-PIERRE MARSAL a décidé que dorénavant il allait continuer d’enregistrer et de diffuser sa musique uniquement sous son propre nom. C’est ainsi qu’est né Distance EP :



 



  

Enregistré pendant le premier confinement Distance EP présente une autre grande « nouveauté ». Désormais Jean-Pierre Marsal est seul avec sa voix et avec sa guitare, acoustique. Exit l’électricité, exit les machines et la boite-à-rythmes. Un dégraissage et un apurement drastiques dont on avait déjà pu constater quelques prémices sur le bien-nommé L’Age De Pierre, l’un des derniers enregistrements encore publiés sous l’appellation de 202project. L’Age De Pierre comportait encore de la guitare électrique, des synthétiseurs et des rythmes digitaux mais on y décelait comme une volonté d’en faire beaucoup moins avec l’intention d’en dire toujours plus.

Avec Distance Jean-Pierre Marsal va jusqu’au bout de cette logique. Une logique intime et personnelle à la fois en forme de renaissance et de continuation. On retrouve ici tous les éléments primordiaux et toutes les émotions qui jusqu’ici nous avaient fait profondément aimer 202project. Et il n’y aura aucun doute à avoir, il s’agit bien de la même musique, une musique qui nous parle exactement de la même façon mais juste avec des moyens différents. Cette façon de chanter si particulière qui colle au plus près des mélodies et des mots (le titre éponyme). Ces mots qui nous racontent des histoires souvent avec moult détails et beaucoup d’éléments que l’on devine très intimes mais qui, paradoxalement, évoquent ou même éveillent en nous tellement de choses qui nous sont propres.

En éliminant tous les effets superflus et en choisissant l’acoustique pur et dur Jean-Pierre Marsal ne fait pas autre chose que ce qu’il a toujours fait : être lui-même. Sauf qu’il n’a plus besoin de se rassurer en utilisant des machines, un ordinateur et une guitare électrique. Et je crois qu’il a encore beaucoup de choses à dire, à nous dire. Si un jour il n’y a plus d’électricité en flot continu et que les internets s’effondrent comme tout le reste tu ne pourras plus lire cette chronique. Mais Jean-Pierre Marsal, lui, pourra toujours continuer à faire de la musique**.


* j’en profite pour repréciser ici les conditions pour se faire chroniquer dans INSTANT BULLSHIT :

1 - je n’accepte aucun envoi de disques promotionnels et autres supports physiques donc ce n’est pas la peine de me demander mon adresse postale
2 - à la place il suffit de m’envoyer un message en utilisant le formulaire de contact situé en bas et à droite de cette page – si comme il se doit on consulte et lit Instant Bullshit dans sa version web et en utilisant un ordinateur – ou en m’écrivant à beatoccult[arobase]gmail[point]com avec un lien de téléchargement ou de streaming de l’enregistrement en question
3 - je ne promets rien par contre j’écoute tous les liens que l’on m’envoie parce que c’est la moindre des choses
4 - si je ne fais pas de chronique c’est tout simplement que le disque ne m’intéresse pas, même pour en dire du mal

 

** d’ailleurs Jean-Pierre Marsal réfléchit et travaille actuellement sur un nouvel album… à suivre