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vendredi 19 avril 2019

Trombe / self titled






TROMBE est un duo bouillonnant qui baigne dans la freeture et composé uniquement de deux ingrédients complémentaires, Tom Bodlin au saxophone et Erwan Cornic à la batterie : les travaux en solo du premier nont cependant rien à voir avec la musique de ce nouveau duo et je ne te parle même pas de Café Flesh, son groupe d’encore avant qui possède aucun rapport non plus avec les goujons jazzophiles et autres ablettes de l’improvisation ; quant au second, sa fiche anthropométrique qui m’est parvenue en même temps que le premier album de Trombe m’indique qu’il a auparavant joué dans Djud, un groupe dont l’unique trace que je connais est un split single aux côtés de Gorge Trio et que je n’ai pas réécouté depuis des lustres (j’ai perdu ce disque… en tout cas je ne le retrouve plus mais on s’en fout). Le nom du groupe semble avoir été choisi pour ne laisser aucun doute ni faux a priori sur les intentions des deux musiciens et effectivement Trombe ne ment pas en faisant preuve d’urgence et de vigueur, de tension et de précision.

Question freeture il y a grosso-modo deux écoles principales : celle de l’énergie folle et libertaire qui éclabousse et en fout de partout et celle de la poésie qui fait rêver (de partout également). En fait il y a une troisième école mais je préfère faire comme si elle n’existait pas vraiment, c’est celle de la prise de tête et du caca cérébral sans casque antichocs ni lunettes de protection – donc oui on oublie tout de suite. Parfois l’école du barouf et celle du rêve font de dangereuses et intrépides alliances et c’est sûrement ce que je préfère dans toutes ces histoires d’instantanés et d’aimantations mutuelles, en particulier lorsqu’il est question de duos saxophones/binious turluttés et batterie/percussions (non, n’insiste pas, je ne citerai ici et maintenant aucun duo sax/batterie de légende, ce n’est pas ce qui manque et sinon tu n’as qu’à essayer de lire dans mes pensées). Donc ce disque de Trombe arrive à point nommé tant il correspondant à quelque chose qui arrive presque toujours à me toucher mais en même temps je dois avouer qu’au départ j’avais quand même un tout petit peu peur : comment deux petits blancs-becs marinant depuis des années du côté du pays nantais allaient pouvoir s’en sortir dans un tel registre, difficile s’il en est ? Mais très bien mon brave monsieur… quel idiot je fais. Voilà encore la démonstration que si les musiques libres possèdent des origines (voire des racines) elles peuvent aussi s’affranchir de toutes les frontières et de toutes les géographies et c’est précisément ce qui fait toute la beauté et toute la force de l’action musicale improvisée.

De la poésie, donc. Plutôt que de jouer la carte du gros bordel incandescent qui vrombit en continu, Trombe privilégie les micro-échanges constants et pointillistes, toute la palette ou presque y passe et le contenu de la caisse à outils est entièrement renversé par terre (tûts et pouêts, virevoltes et saltos, souffles ténus ou claquements d’un côté ; caresses de cymbales, cryptage en morse des percussions, etc. de l’autre). Mais surtout le duo ne s’appesantit pas, sûrement conscient que dans son cas la longueur n’est pas forcément synonyme de qualité et n’est donc pas son meilleure allié. Tout ça est exécuté sans l’aide d’additifs ou de colorants chimiques (pas de pédales et autres effets électroniques, rien que du naturel) et les cinq plages sans titre du disque sonnent avec rudesse, vérité et toute l’épaisseur de l’organique. Autant dire, que mine de rien, l’exercice était aussi périlleux que rare et que le résultat en est d’autant plus épatant.
Le premier disque du duo est donc ramassé et d’une courte durée – il tourne en 45 tours mais libre à toi de l’écouter en 33, tu verras ça peut être une expérience intéressante bien que sans lendemain – et c’est exactement ce qu’il fallait faire : donner ce sentiment de fulgurance, la persistance rétinienne plutôt que l’envahissement et l’étouffement tout en (se) laissant suffisamment d’espaces de liberté pour respirer et pour arpenter les petits chemins impromptus. Tournoyer le nez en l’air ; lancer un galet sur la surface de l’eau sans trop compter son nombre de ricochets ; souffler sur les aigrettes de pissenlit puis les regarder voleter ; taper sur une vieille souche de bois et en faire naître mille échos. S’arrêter. Renifler. Fermer les yeux. Et sourire.

ps : la pochette est un magnifique dessin de Nylso, également très poétique…

[ce premier album sans titre de Trombe est publié en vinyle uniquement par STNT, à l’origine site de chroniques musicales bien pointues ténu par Erwan qui se lance donc dans l’édition phonographique, le genre de chose que moi je ne ferai jamais, je suis bien trop paresseux et bien trop peureux pour ça]