J’ai déjà longuement écrit et déblatéré sur
ce disque, ailleurs*. Parlé de son affirmation nietzschéenne, de sa rage
passionnelle, de ses explosions noise, de ses tempêtes blues, de ses textes volontairement
explicites, crus et poétiques, de sa révolte, de sa colère brute, de son
caractère entier mais multiple, de sa nature charnelle, sexuelle, de sa grâce
impudique, de sa violence farouche, de son intégrité, de sa noblesse, de sa
liberté, de sa beauté incandescente, de cette façon qu’il a de se poser abruptement
au milieu, de jeter un bref coup d’œil en arrière (mais vraiment pas longtemps
– quel intérêt ?) et de regarder devant, autour, loin. Et de regarder de
si près, également.
Alors pourquoi en reparler
aujourd’hui ? HELIOGABALE
est depuis longtemps l’un de mes groupes préférés. Et Ecce Homo, septième album d’Heliogabale, est devenu, au fil des
mois et au fil des écoutes, sans que je ne m’en aperçoive vraiment mais finalement
avec tout mon consentement, mon album préféré du groupe. Cependant je ne
saurais pas et je ne pourrais pas expliciter exactement ce qui m’attire autant dans ce
disque. Un disque qui me fait également violence. Un disque qui me malmène mais
qui me parle, donc. Profondément. A chaque écoute – et je l’écoute très
régulièrement, dès que l’envie s’en fait trop pressante – Ecce Homo semble se dévoiler un peu plus en entier et s’offrir à moi.
Mais il garde toujours quelque chose en lui, pour lui, que je découvrirai une
autre fois. Peut être.
J’ai bien conscience que dans ce monde
de paraitre superficiel et de suffisance narcissique avouer son attachement
viscéral à un bout de plastique contenant neuf chansons (ou avouer son
attachement à toute forme de création artistique, dans le sens le plus élevé du
terme) pourrait être interprété comme une facilité simpliste, une tentative de
déni de soi face à une exemplarité magnifiée et donc pourrait être interprété comme un
signe d’abandon et de lâcheté. Mais dans les faits il s’agit très
exactement de tout le contraire : en nous renvoyant à nous-mêmes sans pour
autant nous donner la permission ou même simplement l’occasion de nous identifier même partiellement à quelque
chose qui ne nous appartient pas, Ecce Homo fait partie de ces œuvres qui
donnent toute la force nécessaire. Un disque qui montre et dit,
finalement : « voilà, maintenant démerde-toi, sinon tant pis pour
toi ».
Je ne vais donc pas m’ériger en
intégriste d’Heliogabale et d’Ecce Homo.
Pas de leçons à attendre ni de leçons à recevoir. Après tout chacun fait ce
qu’il veut et c’est précisément ce qu’Heliogabale a fait avec ce disque (et ce que le groupe a de toute façon toujours fait). Un
disque que rien au monde ni personne ne m’empêchera de qualifier de magnifique
– avec entre autres une mise en son qui me parait d’une telle justesse, d’un
tel à propos (le fond et la forme main dans la main) – et de merveilleux –
parce ce n’est pas tous les jours que je découvre et redécouvre sans cesse un
disque, au point de le mettre en très bonne place dans mon tout petit firmament
personnel, intemporel (et partial, cela va se soi). Une telle évidence que toutes
les vérités ne sauraient la contenir. Sauf celle-ci : que faire d’un monde
sans musique et, surtout, que faire d’un monde sans cette musique là,
précisément ?
[Ecce
Homo a été publié en CD par Les Disques Du Hangar 221 tandis que Atypeek music s’est occupé de la version numérique – pour
l’instant aucune édition vinyle ne semble se profiler à l’horizon]
* ailleurs c'est juste là