Juste à côté Nico s’occupe des synthétiseurs (un Moog et un Yamaha, d’après ce que j’ai vu sur des photos en concert plus récentes que celles que j’ai prises il y a trop longtemps), accompagne parfois le chant en le doublant plus ou moins. Mais ça c’est quand il ne joue pas au premier plan des ritournelles qui creusent profondément des sillons dans la tête avec une fausse naïveté mélodique et quand il ne nappe pas la musique de Taulard d’une bonne couche d’acidité mélodique qui finit elle aussi par glisser en plaçant des notes qui surprennent et provoquent l’écart. Ce qui est frappant c’est la schizophrénie du chant comme du synthétiseur, entre mélodie et dérapage mais aussi entre punk et… et en fait je ne sais pas trop ; à chaque fois que surgissent ces phrases mélodiques qui dévient, ces notes auxquelles on ne s’attend pas, cette logorrhée, ces flots de mots qui ne s’arrêtent pas et qui deviennent musique je ne peux pas m’empêcher de penser que Taulard est un groupe vraiment à part. Mais j’entends bien également que Taulard est un groupe de punk. De post punk te dirait le spécialiste voulant pointer du doigt la froideur énergétique de cette musique : la rythmique basse/batterie (respectivement Jérôme et Nico) joue beaucoup l’urgence, malgré quelques coquetteries (le rythme chaloupé de Fixation, le dub réverbéré de Mon Embarras). Mais là encore il n’y a toujours pas de règles et le groupe n’est jamais aussi bon que lorsqu’il mélange un peu de tout et que l’on ne peut alors que s’attendre à l’inattendu (Disquette).
Je n’ai parlé que de musique, pour l’instant. Chez Taulard les textes sont en français et le groupe fait partie de ceux qui ont réussi à me rabibocher avec ma langue maternelle, en lui donnant une forme chantée qui correspond à l’énergie électrique de leur musique avec des paroles qui ne sont ni une succession de jeux de mots plus ou moins foireux, ni une suite de mots balancés parce qu’ils seraient choquants – d’ailleurs, qu’est ce que cela signifie ? – et encore moins la traduction d’une ambition de poète maudit tendance romantisme mortifère. Josselin n’hésite pas à répéter inlassablement J’Trouve Pas Mes Mots… et pourtant. Ses textes sont simples et directs, descriptifs (behaviouristes, peut-être ?) et ils racontent des petites histoires, des trucs plus ou moins intimes, en développant un sens de la poésie du quotidien chargée en petites choses importantes, une poésie que je ne retrouve que très rarement ailleurs. Pas de loufoquerie, pas d’effets de style outrancier mais de l’intime sans impudeur, de la vie en tranches plus ou moins épaisses et des rêveries solitaires à partager (Sur Les Hauts Plateaux).