mardi 11 août 2020

Ganser / Just Look At That Sky



Je n’y croyais pas du tout à cet album… ou disons plutôt que les précédents enregistrements de GANSER ne m’avaient pas tourneboulé plus que ça. Un joli et gentil petit groupe en provenance de Chicago, pourtant l’un des points chauds du noise-rock US. Et voilà donc que débaroule Just Look At That sky à grand renfort de moyens de communication sur les internets, de murmures positifs dans les milieux autorisés et de louanges auto-réalisatrices. Tout ce qu’il faut pour me donner envie de me méfier, me dégouter par avance et me donner l’occasion de me complaire une fois de plus dans mon petit péché mignon : la détestation quoi qu’il arrive.
Et bien non. Contre toute attente et malgré toutes ses autorisations préalables Just Look At That sky n’a rien de fondamentalement désagréable. Il faut juste passer outre les quelques moments de facilité qui parsèment l’album, plus exactement ces moments qui envahissent une bonne partie de la seconde face du disque – avec en première ligne I Told You So et Shadowcasting dont les relents new-wave me ramènent directement à mes années de collège et de lycée et mes voyages linguistiques en Angleterre. Tout un apprentissage. C’est lorsque Ganser joue ainsi ouvertement la carte de la séduction arrangeante et l’élégance mi-arty mi-pailletée que j’ai envie de fuir en courant, à toutes jambes. Mais il y a toujours dans la  musique de ce groupe quelque chose qui m’accroche malgré tout et qui m’empêche de m’échapper du côté obscur des années 80. Ce quelque chose c’est la guitare de Charlie Lansdman. Non seulement j’aime énormément comment elle sonne, dispensant des petites notes acides et arides avant – cela arrive quelquefois, comme sur Lucky – d’exploser littéralement. Mais en plus j’adore les idées de Charlie, même lorsqu’il met la pédale douce en version picorette sur l’instrumental et très lounge [No Yes]. Et lorsque les cuivres s’invitent sur Bags For Life je n’entends malgré tout que lui et sa guitare presque maladroite au milieu de toute cette débauche de musicalité et de sensualité un peu kitsch. L’âme de Ganser c’est lui.

Une âme beaucoup plus à son aise sur la première face du disque, dotée de compositions plus brutes, plus noisy et moins arrangées dans les grandes largeurs. C’est ce côté-là de Ganser que je préfère parce que non seulement il permet de se délecter de la guitare de Charlie Landsman mais aussi de sa confrontation avec Nadia Garofalo qui possède une sacrée voix et une sacrée personnalité de chanteuse (elle joue également du synthétiseur). Le côté darko-lyrique et post-punk/new-wave, elle y est pour beaucoup mais c’est un côté que je trouve bien plus réussi lorsque Ganser ne s’encombre pas trop de décorum – en gros Nadia je suis en train de te dire que tu n’as pas besoin de rajouter des trucs qui brillent de trop pour bien chanter et me faire frissonner. Enfin signalons la bassiste Alicia Gaines dont le jeu tout en souplesse (et aux doigts, sans médiator) combiné à la batterie de Brian Cundiff insuffle une souplesse assez incroyable à l’ensemble, parfois jusqu’à la virevolte.

Ganser
affirme avoir beaucoup travaillé sur Just Look At That sky, une année complète de composition, de répétitions, de questionnements et d’enregistrement et honnêtement cela s’entend : je ne doute pas une seule seconde que le groupe ait atteint son but et je ne chercherai pas à critiquer cela, au moins personne ne pourra enlever à ces quatre jeunes gens qu’ils savent ce qu’ils veulent. Et moi je sais ce que j’aime. Des compositions telles que Bad Form ou Self Service, par exemple. Et je sais aussi que j’adorerais voir Ganser en concert. Non, en fait j’en suis certain.

[Just Look At That Sky est publié en vinyle – d’une couleur indéfinissable – et en CD par Felte records]