vendredi 30 septembre 2022

Cassels : A Gut Feeling

 

Un regret. Je n’ai pas pu assister au concert de CASSELS. C’était au mois de mai dernier au Sonic, le lendemain de celui de E, et je devais choisir entre les deux, forcément. D’un côté la fidélité à un groupe vu à chacun de ses passages par ici – et que je retournerai voir dès que l’occasion se représentera – et de l’autre la découverte d’un groupe nouveau pour moi. Les divers commentaires et descriptions très élogieuses que j’ai récoltés quelques jours après de la part de personnes de bon goût et qui elles étaient au concert de Cassels m’ont un peu dépité, mais pas trop longtemps heureusement : la prochaine fois je serai là.







Cassels est un duo. Deux Anglais. Et deux frères : Jim Beck à la guitare et au chant, son frère Loz à la batterie et aux backing vocals. Deux musiciens seulement mais un désir de volume et un sens de l’occupation de l’espace comparables à ceux d’une formation rock plus classique, à trois ou à quatre membres. C’est ce que l’on découvre avec Gut Feeling, troisième album du groupe, avec sa pochette toujours marquée de ce drôle de logo cryptique (un C et quoi d’autre ?) cette fois-ci taillé dans du gras-gras de bide ou des tripes, gloups. Ça change de l’herbe toute verte et des tresses de roses du précédent The Perfect Ending, un album plus fade, plus inégal. Je ne sais pas quel genre de barbaque les frères Beck avaient mangé sur ce coup là (et je ne tiens surtout pas à le savoir) mais pour A Gut Feeling ils ont donc vu et surtout fait les choses en grand, étoffant leur son, rajoutant parfois un peu de guitare, quelques rares arrangements synthétiques. La musique du duo est la fois directe et compliquée, noisy et mélodique, ne se conforme pas aux structures habituelles type couplet/refrain/etc. mais c’est bien la première fois que le duo se montre aussi consistant et aussi convaincant.
Ce qui me semble étrange c’est que, musicalement, il n’y a pas tant de différences que cela entre ce troisième LP de Cassels et ceux d’avant. Les compositions alternent entre parties dominées par le « chant » presque toujours narratif, fulgurations soniques (Pete’s Vile Colleague), figures mathématiques, moments apaisés – presque comme des comptines douces-amères desquelles perce malgré tout une tension certaine – et quelques passages pop, principalement lorsque la seconde voix vient se placer discrètement en appui de la première (Beth’s Recurring Dream et surtout Michael’s Daily Commute). N’oublions pas non plus que nous avons affaire à un groupe anglais, d’où ce soucis mélodique récurrent. Mais qui n’empêche pas non plus Cassels de cultiver sa différence.
Your Humble Narrator qui ouvre l’album est une sorte de mode opératoire : « nous allons vous raconter des histoires et encore des histoires, vous pouvez éventuellement fermer les yeux pour nous écouter mais vous pouvez également danser ». Cette longue introduction de plus de huit minutes est d’ailleurs particulièrement groovy et fort irrésistible (mais heureusement je sais danser en fermant les yeux, donc c’est encore meilleur). Your Humble Narrator laisse pourtant la place à des compositions plus courtes, plus sèches, encore plus chargée émotionnellement, avec des textes parlant d’un quotidien grisâtre et cafardeux, mettant en scène nommément des personnages fictifs (?) – « Mr Henderson Was Regarded As Affable And Generous / But Since His Cancer Diagnosis He’d Become Irritable And Cantankerous ». Tout aussi paradoxalement que le reste, Gut Feeling ne respire pas vraiment la joie mais n’a rien de dépriment. Et, au final, le résultat est étrange… mais très attachant. Cassels ne manque vraiment pas de caractère ni sa musique d’originalité. Et si le troisième album du duo est placé sous le signe de la tripaille on ne dira pas non plus que cœur et âme lui font défaut. 

[A Gut Feeling est publié en vinyle et en CD par God Unknown records]


mercredi 28 septembre 2022

Chien Bernard + Toru @bar des Capucins [24/09/2022]

 



Nouvelle orga Muzotte au bar des Capucins et sa cave surchauffée (bonjour la buée sur les objectifs photo) avec les Chien Bernard, aussi crétins et joueurs que leur nom pouvait le laisser supposer et TORU, meilleur groupe de noise free form du moment, enfin de retour par ici et dans une forme plus qu’éblouissante. 


































































































dimanche 25 septembre 2022

Osees : A Fool Form

 





On ne touche pas à John Dwyer. Mais j’ai bien envie quand même. C’est plus fort que tout : je lis et j’entends tellement de commentaires positifs ou de critiques hyper élogieuses au sujet du dernier méfait des OSEES que j’ai bien du mal à ne pas aller dans le sens contraire. On appelle ça l’esprit de contradiction et ma psy (coucou Patoche) a beau me répéter qu’il s’agit d’un comportement purement pathologique et que c’est un vilain défaut dont il faudrait absolument que je me débarrasse, je ne peux pas m’en empêcher. Au risque de mourir étouffé dans les turpitudes de mon ego-trip.
Pourtant, à la réflexion, je vais modérer mon propos et atténuer le taux d’acidité de mon fiel malfaisant. Il y a une raison à cela : A Foul Form* n’est pas ce disque formidable ni ce chef-d’œuvre du hardcore et du punk revisités mais ce n’est pas un mauvais disque non plus, juste un disque dont beaucoup se foutraient éperdument s’il n’avait pas été enregistré par les Osees et s’il n’était pas sorti de l’imagination stakhanoviste de Dwyer. Une petite chose sans grand intérêt, si ce n’est celui de donner envie de réécouter ou d’écouter tout court les sources d’inspiration à la base du dit album. Toutes proportions gardées, A Foul Form c’est un peu comme si Dewaere enregistrait un vrai album noise-rock. On n’y croit pas une seule seconde.
A Foul Form c’est donc dix titres (neuf originaux, une reprise) en hommage aux racines musicales de Dwyer et des autres musiciens l’accompagnant actuellement – comme déjà mentionné, hardcore et punk de la toute fin des années 70 et du début des 80’s. L’annonce du projet avait de quoi susciter l’intérêt : enfin un disque des Osees qui n’allait pas se perdre dans les dédales d’un rock progueux et krauteux avec des compositions beaucoup trop longues pour ce qu’elles ont à dire et des instrumentaux bouche-trous pour arriver à atteindre la durée acceptable d’un album. C’est le problème des artistes et des musiciens qui débitent leurs productions à la chaine. Il y a du déchet, de la facilité, des redites. D’un autre côté, je devrais arrêter de m’intéresser à des chroniques de disques écrites par d’autres parce que j’ai quand même lu que A Foul Form était le disque le plus violent sorti par Dwyer. Les personnes qui pensent cela n’ont sans doute jamais écouté les disques de Burmese, Landed ou Dig That Body Up, It’s Alive. Alors on dira plutôt : A Foul Form est le disque le plus violent et sale sorti par Dwyer depuis un paquet de temps. Depuis ses années noise-instru-portnawak (Pink and Brown, absolument génial), garage (Coachwhips) ou la période Chris Woodhouse de Thee Osees (la meilleure à mon goût).
Si les intentions peuvent malgré tout sembler bonnes, le résultat fait quand même sourire et lorsqu’on écoute A Foul Form, ce qui prédomine c’est le côté « bon moment agréable entre potes ». Se faire plaisir est essentiel, j’en suis convaincu. Mais aller au-delà de son horizon communautaire, c’est encore mieux. Le hardcore et le punk version Dwyer n’ont évidemment aucune ambition ni désir d’originalité, ce n’était pas le but de la manœuvre, mais ils n’ont rien d’excitant non plus. Lorsque notre homme force sa voix on a même des fois envie de rigoler. Un peu d’enrobage à la Osees – principalement du synthétiseur parasitaire – tente de donner le change mais cela ne fonctionne toujours pas. Et la double batterie sert plus que jamais à rien. Reste une paire de demi-tubes : Too Late For Suicide et Perm Act sont les compositions non « hardcore » du disque, les plus longues également (trois minutes) et les seules qui arrivent à dépasser un peu le stade de la potacherie et du bas de gamme.
Enfin, il y a le cas du dernier titre de l’album, Sacrifice, qui est une reprise de Rudimentary Peni. Une amie du genre enflammée et radicale (mais adorable à sa façon) m’a dit que personne – non, personne – n’avait le droit de faire ça et que cette reprise n’avait pas lieu d’être. Pour paraphraser le début de cette chronique : on ne touche pas à Rudimentary Peni ! Au départ, je trouvais sa position exagérée, bien que pas forcément injuste ni inexacte. Mais pourquoi pas une telle reprise, si la nouvelle version est bonne ? Le fait est que non et que cette amie a plus que raison. Dwyer et les Osees se tirent doublement une balle dans le pied car non seulement leur interprétation de Sacrifice est lamentable et affligeante mais surtout elle permet de mesurer définitivement qu’en aucun cas A Foul Form ne saurait être digne des musiques auxquelles l’album est pourtant supposé rendre hommage. Echec sur toute la ligne.

* évidemment un disque publié chez Castle Face, avec plein de variantes de vinyles et même en cédé
** si jamais tu veux écouter la version originale par Rudimentary Peni…


vendredi 23 septembre 2022

Angry Silence : Strange Times Call For Strange Measures

 

Plouf. Plouf. Plouf. Je ferme les yeux, j’avale la dernière taffe de ma cigarette, la fumée se mélange dans ma bouche à un reste de café trop sucré et de gueule de bois. C’est le bon moment pour mon jeu préféré. Je prends un disque au hasard pour le faire tourner sur la platine – en bon monomaniaque tous mes disques sont classés par ordre alphanumérique (la logistique et le magasinage, c’est peut-être un métier mais c’est surtout un travail de merde) pourtant il y a un endroit où je mets tous ceux que j’écoute en ce moment, ceux dont je me dis que j’aimerais les réécouter bientôt, ceux que je n’ai pas encore assez écoutés, ceux que j’aimerais chroniquer mais comme je n’y arrive pas je ne me force pas non plus et d’autres que j’ai un peu oubliés, sans raison apparente – mais j’ai déjà raconté tout ça plein de fois, sûrement trop souvent. J’ai donc ressorti Strange Times Call For Strange Measures, le premier album d’ANGRY SILENCE. Un disque précisément beaucoup écouté à sa sortie au Printemps dernier, genre plusieurs fois de suite, à diverses occasions. Et puis plus rien.







Il était peut-être écrit dans le marc de mon café ou alors c’était inconscient de ma part – mais je n’y crois pas une seule seconde –  qu’Angry Silence devait refaire surface au milieu de mon oisiveté dominicale de travailleur, sous ce soleil presque automnal. Le groupe est entre autres composé d’actuels ou anciens membres de Besoin Dead et de Litovsk, un groupe que j’ai revu il y a peu, toujours aussi épatant en live, avec ses deux chanteurs. Et justement l’un des deux est également chanteur d’Angry Silence, auteur des paroles de Strange Times Call For Strange Measures, très personnelles (« dans ma tête » précise t-il dans un petit texte imprimé sur la pochette intérieure du disque) et qu’il dédie à ses ami·es, sa famille, son père. Plus loin on peut lire aussi cette phrase : « Angry Silence ne veut pas de chroniques de disque dans les magazines financés par des pubs pour des entreprises du CAC 40 mais vous encourage à écrire votre propre fanzine ». Le ton est donné mais ce n’est pas tout. Sur la page bandcamp du groupe on trouve l’explication du pourquoi et surtout du comment* de la pochette (sérigraphiée) conçue par Bonjour Grisaille. Ne jamais faire les choses pour rien.
Il y a surtout la musique d’Angry Silence. J’écris « surtout » parce que c’est toujours ce qui m’a intéressé en premier, la musique, bien que j’ai appris et compris depuis longtemps qu’il y a bien des façons différentes d’en faire et que la musique est forcément porteuse de ces façons. J’ai compris qu’il y a des modes de fonctionnement, des idées, des engagements qui me plaisent et me conviennent et d’autres non (le commerce et le spectaculaire). J’écris « surtout » parce qu’avec Strange Times Call For Strange Measures je me suis retrouvé plongé du cœur et de la tête – sans aucune nostalgie pourtant – dans l’indie rock des années 90, ses guitares subtilement dissonantes, ses rythmiques légères, son retrait mélancolique. Une musique connue sur le bout des doigts mais qui – comme tant d’autres – peut se retrouver ressuscitée et même bonifiée par des groupes de maintenant.
Qu’importe le temps passé, qu’importe les modes, les contre-modes, les pauses, les calculs et les stratégies, il y aura toujours je l’espère des groupes tels que Angry Silence, des groupes dont ni la sincérité ni l’implication ne pourront jamais être remises en cause. Ce n’est peut-être pas grand chose, ce n’est peut-être qu’un disque – bien que l’on ne puisse que comprendre que pour les membres du groupe il s’agit de bien plus que cela – mais c’est plus qu’important. Pour moi en tous les cas ça l’est : se confronter à une musique et des personnes qui ne trichent pas, font leur truc à eux. Des personnes qui ont des choses à dire, des luttes (personnelles et collectives) à mener, des personnes qui partagent.

* si tu télécharges (à prix libre) Strange Times Call For Strange Measures sur b*ndc*mp tu pourras également lire ceci mais je ne peux que te conseiller d’acheter ce disque auprès de l’un des nombreux labels qui l’ont publié : Coolax – 6 hent Tanguy Prigent, 22420 Le Vieux-Marché –, Crapoulet, Dans Le Vide,  Emergence records, Epicericords, Les Disques de la Face Cachée, Jarane, Lucane Distro et Red Wig.

 

mercredi 21 septembre 2022

Dandaure : Rude Nada


Attention : grand disque. Musiciens d’exception. Frissons garantis. Bonheur absolu.

DANDAURE est un quartet découvert grâce à Franck Gaffer. D’abord avec un premier EP publié en cassette sur son défunt label en 2018 puis lors de la dixième et dernière édition du Gaffer Fest, en septembre 2019. Un split en compagnie de Chamane Chômeur plus tard, les quatre musiciens sont enfin de retour avec un premier album enregistré en décembre 2019 et intitulé Rude Nada. Il aura fallu bien plus d’une année pour que deux des membres du groupe – en l’occurrence Billy Guidoni (batterie) et Fabrizio Bozzi Fenu (guitare) – se retrouvent et procèdent au mix puis au mastering de l’album. Un travail au long cours, les temps sont difficiles pour les musiciens, spécialement pour les plus pointus d’entre eux.
Mais faisons les présentations. Billy a joué dans Costa Fatal (actuellement en hibernation plus que prolongée…) et joue toujours – du moins je l’espère – avec les excellents Emwewme ; il participe à Bruits Confus, émission musicale incontournable et inclassable, tous les quinze jours sur Radio Grenouille à Marseille. Le bassiste Krim Bouslama est un vieux complice puisqu’il est l’autre moitié du duo Costa Fatal et fait aussi partie de l’équipe Bruits Confus. Par contre je ferai moins le malin en ce qui concerne les deux guitaristes de Dandaure. Fabio Cerina a joué dans énormément de groupes dont seul Uncle Faust me dit vaguement quelque chose. Quant à Fabrizio Fenu, c’est l’inconnu total mais il semblerait qu’il est très investi dans les musiques improvisées non idiomatiques. Petit détail géographique, Cerina comme Fenu sont Sardes alors que Bouslama et Guidoni viennent de Marseille.








Rude Nada. Que, selon quelques vagues et médiocres souvenirs de mes cours d’Espagnol au lycée, je traduirai par « rien de grossier ». Rien de présomptueux non plus dans ce titre. S’il faut opposer simplisme, balourdise, vulgarité et inélégance à finesse, distinction et exigence alors les quatre musiciens ont parfaitement eu raison de choisir un tel nom d’album. Parce qu’il définit parfaitement leur musique, son inventivité permanente, sa richesse et sa profondeur, son esprit aventureux.
Résumer un disque aussi court – beaucoup trop court diront peut-être certain·es – est cependant difficile. Dandaure se présente comme une formation aux horizons multiples, fouinant dans le bruitisme des guitares, alliant blues déconstruit et abstrait, taquinant la freeture, frôlant les excès de la no-wave, aimant les dissonances, les suites d’accords bizarres, les mesures avec des chiffres à virgule (je sais que cela n’existe pas mais tu comprends le principe, non ?), le psychédélisme voyageur, les paysages désertiques... et le groupe d’inventer, semble-t-il spontanément ou en tous les cas d’une manière qui sonne spontanée et sans entraves ni travail d’écriture formelle en amont, une musique rayonnant d’intelligence.
Beaucoup d’intelligence, même. Mais rien non plus de maniéré, d’orgueilleux ou de vaniteux : Dandaure, bien qu’étant composé de musiciens aguerris, imaginatifs, sans peur et sans reproches, n’est pas un groupe élitiste et cérébral s’adressant à un parterre de connaisseurs ne jouissant de la musique qu’avec leur tête. Au contraire, si Dandaure est un groupe ambitieux c’est avant tout par générosité et par sensibilité. Son free noise – appellation du coup un peu courte sur pattes mais bien pratique – est aussi alambiqué et exigeant que lisible, aussi abrupt qu’altruiste, aussi réfléchi que bouillonnant et incandescent, exploratoire mais jamais en vain, épidermique et parfois hallucinatoire, mutant mais limpide et lumineux. Avec en ligne de mire cette volonté authentique de nous prendre par la main, de nous embrasser, nous enflammer, nous enlever, la tête qui tourne et le cœur qui s’emballe, qui s'apaise, plus loin, plus fort. Tout sourire.

[Rude Nada est publié en CD uniquement – pour l’instant ? – par Araki records ; son artwork est signé Federico Orrù et je l’aime beaucoup, dommage que l’on ne puisse pas l’admirer sur une pochette de disque vinyle]




lundi 19 septembre 2022

Massgrav : Slowly We Rock

 

Nul doute que Slowly We Rock devrait remporter le grand prix de la pochette la plus génialement laide et addictive de l’année 2022 avec son artwork fluo digne d’un vieux groupe de hard-rock réac ou même de hair-metal 80’s en provenance directe de Fuckland (voir Los Angeles et mourir). Le truc, c’est que chez MASSGRAV on ne porte pas de vestes à franges, de santiags ni de pantalons moule-burnes ou de bandanas et que le groupe est originaire de Suède. Donc rien à voir : ces quatre garçons ne sont pas là pour rouler des mécaniques devant un miroir sans tain, épater la galerie et amasser de la thune avec des chansonnettes insipides parlant de cul, de coke, d’amours incestueuses, de flingues, de bagnoles, de bière au goût de pisse, de junkfood et de cholestérol.
En fait, je ne savais pas à quoi m’attendre exactement avant d’écouter pour la première fois Slowly We Rock – légèrement contraint et menacé par le service marketing et force de ventes de Lixiviat records, il est vrai particulièrement efficace et offensif dès qu’il s’agit de faire la promotion de l’une de ses nouvelles productions – mais j’ai immédiatement bondi au plafond. De stupeur. Et de joie. De cette joie régressive qui te colle immédiatement un sourire tartignole aux lèvres et te fait regretter de ne plus avoir de cheveux pour headbanguer avec classe et panache pendant que tu fais de l’air-guitar dans ton salon. Ce disque est une bombe. A tel point que j’ai du me retenir de commencer immédiatement une chronique pour en dire tout le bien que j’en pense et même plus encore. Fallait que ça sorte.







Mais de quoi parle-t-on exactement ? Slowly We Rock est un titre complètement ironique puisque en fait de lenteur, on se retrouve avec un disque de vingt trois minutes et vingt et un titres. Mais bien que cela soit l’une des nombreuses spécialités suédoises en matière de musiques extrêmes, Massgrav n’est pas un groupe de grindcore pour autant – on notera juste que le guitariste Jesper Liveröd qui a intégré l’affaire aux alentours de 2018 est un ancien Nasum, oui rien que ça. Un titre tel que (le génialement entrainant) Gasen I Botten représente bien l’état d’esprit d’une musique qui oscille constamment entre fastcore, grind, punk et rock’n’roll. Un mélange complètement hallucinant, époustouflant et bien dégueulasse qui fonctionne de bout en bout et révèle tellement de bonnes surprises. Difficile de trouver des points de comparaison mais Massgrav c’est un peu Zeke (le Zeke de la grande période, quelque part entre les albums Kick In The Teeth et Death Alley) qui aurait mis une bonne dose de grind et de powerviolence dans son hardcorepunk’n’roll. Dans ta face.
Slowly We Rock est ultra rapide, ultra sauvage et, musicalement, complètement hilarant. C’est aussi le disque le plus épais et le plus massif de Massgrav qui jusqu’ici fonctionnait en trio, avec une seule guitare. Quant aux paroles, elles sont exclusivement en Suédois – mais quelle belle langue, über efficace dès qu’il s’agit de brailler des insanités ! – avec des textes anti-patrons, anti-flics, anti-connards de droite, la routine quoi. Entre autres friandises vitriolées on remarquera ce Krossa Högerkukarna que l’on pourrait sobrement traduire par « écraser les bonnes bites » et dont les paroles comportent ces quelques mots doux : « Il est temps d’écraser les bites de droite / Il faut écraser la noblesse / Il est temps de se battre / Il faut écraser la noblesse » (coucou Elizabeth). Tu auras évidemment remarqué que je parle couramment la langue d’Ingmar Bergman.
Blague à part, lorsque on voit le résultat des dernières élections législatives et la coalition qui s’apprête à prendre le pouvoir en Suède, il est certain que Massgrav n’en a vraiment pas fini de gueuler et d’envoyer du pâté… mais par ici nous serions pourtant bien mal inspiré·es de faire les malins, parce que nous ne sommes vraiment plus très loin de connaitre une situation aussi merdique et aussi dangereuse que celle-là.



vendredi 16 septembre 2022

Whoresnation : Dearth

 




Dearth ? Comme je ne connaissais pas ce mot, j’ai bêtement cherché sa traduction dans mon vieux dictionnaire anglais : « Dearth » signifie pénurie, disette, manque… Rien de décevant là dedans, bien au contraire et même si je me suis longtemps imaginé – l’imagination est mon meilleur mauvais défaut – que Dearth ne pouvait être que la contraction de « death » et de « Earth ». Ce qui, tu en conviendras par toi-même, revient à peu près à la même chose et surtout colle parfaitement avec une vision sans compromis de notre petit monde de merde en train de pourrir sur place.
Dearth est donc le titre du troisième album de WHORESNATION, successeur d’un Mephitism qui, depuis sa parution initiale en 2018*, n’en a toujours pas fini de faire des ravages et de tenir le haut du pavé. Actifs dès 2009 (ce sont eux qui le disent, moi à l’époque je ne connaissais pas), les Whoresnation sont, depuis 2020 (2021 ?) et après de nombreuses années passées à trois, revenus à un line-up à quatre avec l’adjonction d’un nouveau bassiste – Anto a ainsi rejoint les  autres membres qui sont, rappelons-le, Pibe (voix, également dans les excellents Civilian Thrower), Lopin (guitare, un garçon très éclectique puisqu’il a joué dans Jack & The Bearded Fisherman et qu’on le retrouve également dans Contractions) et enfin Tonio à la batterie. Un line-up assez classique pour un groupe de grindcore (ou un groupe de deathgrind ?).
Ce qui est beaucoup moins classique, c’est la façon dont les Whoresnation abordent et développent leur musique. Pour Dearth ils auraient pu se montrer gourmands et ambitieux comme des métallurgistes diplômés masterclass et opter pour une production monumentale, sans bavure, coulée dans une moule de compression plastifiée, bref composer et enregistrer un disque superbement surligné et tellement affecté que tous les fans du dernier Wormrot auraient aveuglément crié au chef-d’œuvre absolu. Mais il n’y a rien de tel que l’extrémisme musical lorsqu’il tend vers la vérité, sa propre vérité, et donc une honnêteté certaine. Cette honnêteté avec laquelle tout bon groupe qui se respecte cherche à éclairer son propos. Non, il n’y a rien de tel que des musiciens qui ne cherchent pas à flatter ni à plaire coûte que coûte, qui méprisent la surenchère pour la surenchère, pour qui la violence (musicale) est un moyen et non une fin, un groupe qui préfère l’obscurantisme débridé de l’underground parce que la lumière n’est jamais celle que l’on croit.
De la lumière il n’y en a de toute façon pas du tout sur Dearth, Whoresnation nous livrant un album âpre et claustrophobe au possible. Le son du disque – j’y reviens – est nettement moins ample et ourlé que sur Mephitism, tellement minimal parfois, sec et tendu, musclé mais dégraissé jusqu’à l’os, surtout complètement étouffant, asphyxiant. Là réside sans doute une grande partie du génie d’un groupe – oui, j’ai écrit génie et je pèse mes mots – qui enchaine des parties de plus en plus folles sur fond de riffs incroyables et de blasts monstrueux mais réussit à les propulser dans une tout autre dimension, celle de la désolation absolue (pourtant, en matière de grind, cela fait longtemps que l’innovation n’était plus qu’une vue de l’esprit). Les moments de respiration sont rares mais il y en a, comme le solo de guitare sur Bluthgeld (ce sera le seul du disque) et quelques parties lentes et groovy comme du death metal 90’s putréfié (l’intro et le final de Sunburnt To Death, la partie intermédiaire de Sewage Breath). Et de mentionner le chant, monotone et caverneux comme une litanie mortuaire mais totalement envoutant, qui est la seule chose réellement stable et immuable à laquelle on peut se raccrocher sur un disque aussi fulgurant que dévastateur.
Dearth est donc un véritable carnage. Mieux – et je pèse encore mes mots – il sonne comme un classique instantané, un enregistrement dont on sait qu’il va compter et qu’il va faire date, qu’il est peut-être le digne héritier d’une longue lignée de disques estampillés grind/deathgrind/etc. mais que surtout il apportera sa pierre à l’édifice, marquera durablement les esprits, nous accompagnera, sait-on jamais, jusqu’à la fin de ce monde qui n’en peut plus de se dévorer lui-même.

[Dearth est publié en CD par Bones brigade et en vinyle par le label US Carbonized records et les petits gars de Lixiviat – lesquels se sont également fendus d’une version cassette]

* d’abord publié chez Throatruiner, Mephitism a été réédité en 2019 par Lixiviat


mercredi 14 septembre 2022

Alarm + Litovsk + AFK @Basement [10/09/2022]

 





Coup d’envoi du festival Fear City avec Alarm (de Grenoble, première fois que je les voyais, ahem, honte sur moi), Litovsk – que l’on ne devrait plus présenter – et enfin AFK, des allemands complètement furieux...
La suite du Fear City c’est ce week-end, trois jours de punk et de hardcore en tous genres avec notamment La Hess, Scimmia, Commando, Bombardement, Claimed Choice, Verzet… la programmation détaillée avec tous les groupes et les lieux de concert est sur le site de Fear City. Bravo.