Un regret. Je
n’ai pas pu assister au concert de CASSELS. C’était au mois de mai
dernier au Sonic, le lendemain de celui de E, et je devais choisir entre les deux, forcément. D’un côté la fidélité
à un groupe vu à chacun de ses passages par ici – et que je retournerai voir
dès que l’occasion se représentera – et de l’autre la découverte d’un groupe nouveau
pour moi. Les divers commentaires et descriptions très élogieuses que j’ai
récoltés quelques jours après de la part de personnes de bon goût et qui elles
étaient au concert de Cassels m’ont
un peu dépité, mais pas trop longtemps heureusement : la prochaine fois je
serai là.
Cassels est un duo. Deux Anglais. Et deux frères : Jim
Beck à la guitare et au chant, son frère Loz à la batterie et aux backing
vocals. Deux musiciens seulement mais un désir de volume et un sens de
l’occupation de l’espace comparables à ceux d’une formation rock plus
classique, à trois ou à quatre membres. C’est ce que l’on découvre avec Gut Feeling, troisième album du groupe, avec
sa pochette toujours marquée de ce drôle de logo cryptique (un C et quoi
d’autre ?) cette fois-ci taillé dans du gras-gras de bide ou des tripes,
gloups. Ça change de l’herbe toute verte et des tresses de roses du précédent The Perfect Ending, un album plus fade, plus
inégal. Je ne sais pas quel genre de barbaque les frères Beck avaient mangé
sur ce coup là (et je ne tiens surtout pas à le savoir) mais pour A Gut Feeling ils ont donc vu et surtout
fait les choses en grand, étoffant leur son, rajoutant parfois un peu de
guitare, quelques rares arrangements synthétiques. La musique du duo est la
fois directe et compliquée, noisy et mélodique, ne se conforme pas aux
structures habituelles type couplet/refrain/etc. mais c’est bien la première
fois que le duo se montre aussi consistant et aussi convaincant.
Ce qui me semble étrange c’est que, musicalement, il n’y a pas tant de différences
que cela entre ce troisième LP de Cassels
et ceux d’avant. Les compositions alternent entre parties dominées par le
« chant » presque toujours narratif, fulgurations soniques (Pete’s Vile Colleague), figures
mathématiques, moments apaisés – presque comme des comptines douces-amères desquelles
perce malgré tout une tension certaine – et quelques passages pop,
principalement lorsque la seconde voix vient se placer discrètement en appui de la première (Beth’s Recurring Dream et surtout Michael’s Daily Commute). N’oublions pas
non plus que nous avons affaire à un groupe anglais, d’où ce soucis mélodique récurrent. Mais qui n’empêche pas non plus
Cassels de cultiver sa
différence.
Your Humble Narrator qui ouvre
l’album est une sorte de mode opératoire : « nous allons vous
raconter des histoires et encore des histoires, vous pouvez éventuellement
fermer les yeux pour nous écouter mais vous pouvez également danser ».
Cette longue introduction de plus de huit minutes est d’ailleurs
particulièrement groovy et fort irrésistible (mais heureusement je sais danser
en fermant les yeux, donc c’est encore meilleur). Your Humble Narrator laisse pourtant la place à des compositions plus
courtes, plus sèches, encore plus chargée émotionnellement, avec des textes
parlant d’un quotidien grisâtre et cafardeux, mettant en scène nommément des
personnages fictifs (?) – « Mr Henderson Was Regarded As Affable And
Generous / But Since His Cancer Diagnosis He’d Become Irritable And
Cantankerous ». Tout aussi paradoxalement que le reste, Gut Feeling ne respire pas vraiment la
joie mais n’a rien de dépriment. Et, au final, le résultat est étrange… mais
très attachant. Cassels ne manque vraiment
pas de caractère ni sa musique d’originalité. Et si le troisième album du duo
est placé sous le signe de la tripaille on ne dira pas non plus que cœur et âme
lui font défaut.
[A Gut Feeling est publié en vinyle
et en CD par God Unknown records]