Difficile de croire que cette gazette internet
s’apprête à causer de l’actualité d’un groupe qui n’existe plus depuis au moins
une vingtaine années (séparé en 2001 je crois…), sauf si on excepte une tournée
de reformation aux alentours de 2013 et la parution, toujours en 2013, d’un 7’ inédit
comprenant deux reprises du Gun Club – un disque que je n’ai jamais écouté.
Nous vivons quand même une époque assez étrange où les maisons de disques –
principalement les majors mais aussi quelques labels pseudo indés peu
scrupuleux – rééditent à tour de bras leur back catalogue et en profitent pour
vendre leurs vinyles de plus en plus chers alors qu’il n’y a pas si longtemps ce
format était déclaré mort et enterré par ces mêmes maisons. Tout ça après des
années passées à arnaquer le consommateur de musique en lui vendant des CD,
aujourd’hui ringards et obsolètes mais plus pour très longtemps, et après avoir
porté au pinacle le streaming, nouvelle vache à lait de l’industrie du
divertissement musical de masse. Tant qu’il y a des profits, il y a de
l’espoir, mais uniquement pour le capitalisme.
Heureusement, au milieu de tout ce gaspillage de
plastique et parmi les rééditions déjà mille fois rentabilisées par les
producteurs, on trouve des disques qui possèdent un réel caractère d’archives
et revêtent donc un réel intérêt artistique et même affectif. Les Peel Sessions de COME
en font partie. Come était,
rappelons-le, le groupe de la grande Thalia Zedek et de l’incomparable Chris
Brokaw – sans oublier la section rythmique au départ composée de Sean O’Brian à
la basse et Arthur Johnson à la batterie. Résultat : quatre albums ou mini
album entre 1990 et 1998, plus une grosse poignée de singles et de EP. Et surtout,
rien à jeter. Come fait partie de
ces groupes culte et adorés par une faction de fans indécrottables.
L’édition par Fire records pour la première fois en vinyle des Peel
Sessions enregistrées par Come en
1992 et 1993 est donc du pain béni. La première face propose un enregistrement
datant d’avril 1992 avec quatre titres qui allaient figurer quelques mois plus
tard sur le tout premier et déjà formidable LP Eleven:Eleven* –
Dead Molly, Bell, William et enfin Off To
One Side. La seconde face comporte deux titres de mon album préféré de Come, Don’t Ask, Don’t Tell** avec Wrong
Side et surtout Mercury Falls,
chef d’œuvre s’il en est. Sont également exhumés Sharon Vs Karen (un titre un peu rare que l’on connaissait déjà en
version live) et City Of Fun, une reprise des Only Ones, chantée par
Chris Brokaw, s’il vous plait. Enfin,
cerise sur le gâteau, Clockface est
un enregistrement en concert (1991) d’un titre complètement inédit à ce jour.
Un cadeau malgré le son un peu aléatoire de l’enregistrement : même
si composé de musicien·nes déjà expérimenté·es, Come était alors un groupe encore relativement récent et sa musique
fait preuve d’une maitrise et d’une maturité assez hallucinantes. Tout Come est déjà contenu dans ces quelques
cinq minutes tendues et sombres. Un vrai miracle en
provenance du passé.
Mais ce n’est pas tout. Tu connais mon aversion et mes bougonnages au sujet des
groupes qui se reforment vingt ou même parfois trente années après leur
séparation et vendent de la nostalgie à un public de vieux et de vieilles qui
veulent absolument les revoir ou à des plus jeunes qui ne les ont jamais vus,
comme si cela démangeait les gens d’accrocher tel groupe ou tel·le musicien·ne
à leur petit tableau de chasse perso, comme si cela flattait leur ego de
consommateurs de biens culturels. Dans les deux cas je trouve cela absurde :
soit tu as déjà vu ce groupe et donc pourquoi ne pas rester sur tes souvenirs ?
soit tu ne l’as jamais vu parce que tu n’étais pas né·e ou juste trop jeune à
l’époque et je me demande à quoi cela peut bien servir – n’y a-t-il pas
suffisamment de bons groupes de maintenant à découvrir et à soutenir ? Et
je trouve cela encore pire lorsqu’il ne reste presque plus de membres (et des
fois qu’un seul) issus du line-up original. La volonté artistique et le plaisir
de partager sa musique sont-ils toujours plus forts que les impératifs économiques ?
Souvent, j’en doute.
C’est là où je veux en venir : Come
a annoncé une tournée européenne pour l’automne 2022. Un vrai cas de conscience
pour moi. Je crois que le groupe de Thalia Zedek et Chris Brokaw n’a joué
qu’une seule fois par ici, en 1998 au Pezner, au lendemain d’un concert retentissant
d’Oxbow et que sa venue était donc passée un peu trop inaperçue.
Que faire ? Il n’y a que trois dates françaises sur cette tournée
2022 : Rennes, Paris et – pour une fois – Lyon, au Sonic le 4 octobre avec les locaux et excellents T-Shirt en première partie… Alors je vais
faire une exception et surtout faire une croix sur mes principes de gardien du temple et aller voir et entendre ce groupe qui n’a plus rien à
prouver depuis longtemps, que j’adore et qui représente tellement pour moi. Ça
m’apprendra.
* réédité en 2013 par
Matador records
** réédité lui en 2021 par Fire records