vendredi 12 août 2022

Pervitin : II

 

En 2020 le premier 12’ de PERVITIN avait fait quasiment l’unanimité au sein du comité rédactionnel d’Instant Bullshit. Un fait suffisamment rare pour être signalé puisqu’il s’agit d’un disque plutôt éloigné des habituelles pitreries bruitistes et des bizarreries arty généralement défendues par cette gazette internet (non sans mauvaise foi ni un sens de l’humour particulièrement détestable). Mais ne voilà t-il pas que la bande des quatre – que l’on situera géographiquement quelque part entre Lyon et Vienne – a décidé de remettre ça en 2022 avec cette fois un mini album de six titres, toujours sur les labels Dangerhouse Skylab et Teenage Hate records… Le phénomène va-t-il se répéter ?
Disons le tout de suite, on apprécie tout autant si ce n’est davantage ce nouveau disque, sûrement parce qu’il nous rappelle certains trucs que l’on avait découverts pendant notre adolescence au siècle dernier, des musiques que depuis on a toujours énormément aimées. Pervitin nous conforte dans cette idée qu’on s’en tape complètement de savoir si c’était mieux avant (ou pas) : l’important est qu’il existe des groupes de cette trempe qui arrivent toujours à jouer ces musiques là, à les faire vivre, à leur apporter quelque chose. Que les défenseurs de l’innovation à tout prix et les chasseurs de mirages en plastique augmenté aillent se faire foutre.









Il n’y a donc rien à jeter sur II, y compris sa pochette aussi cryptique et détachée du contenu musical que celle du premier EP – il est vrai fort peu appréciée en son temps – mais qui, bizarrement et en absence de toute rationalité, fonctionne du coup parfaitement bien et donne vraiment envie d’écouter ce nouvel enregistrement. Ces teintes d’un orangé plus que vif et brûlant ne pouvaient augurer que du bon. Comme quoi il n’en faut des fois pas beaucoup pour convaincre les vieux râleurs d’ordinaire allergiques aux couleurs trop explosives.
Mais parlons musique, hein, on est là pour ça. Dès que l’on creuse un peu le sujet on s’aperçoit que les line-ups des deux disques sont différents. Bien qu’il ait intégré Pervitin depuis longtemps, II marque l’arrivée de Raúl à la basse – il est également guitariste et hurluberlu-chef-glousseur au sein de The Rondells* – et ce changement revêt quelque importance, transformant sensiblement le son du groupe tout en lui apportant une nouvelle dynamique (le mix ample et énergique du disque n’y est pas non plus pour rien). On ne peut que remarquer les lignes de basse rondes et vives qui sur II font énormément de bien à la musique de Pervitin, solidifient la section rythmique et donnent encore plus de latitude aux deux guitares qui ne s’en privent pas pour mettre le feu aux poudres.
L’autre évolution significative se situe d’ailleurs au niveau de celles-ci : en insufflant des bonnes doses de wah-wah et quelques rasades de tremolo au milieu de ses torrents de fuzz, le groupe a également introduit du psychédélisme dans son punk garagiste, ombrageux et tempétueux. Il suffit d’écouter No Hope qui termine le disque, son riff tournoyant et sa guitare lead stratosphérique : on n’est plus très loin du premier Stooges (tu as remarqué aussi ce court « refrain » en forme de mantra nihiliste ? tout est dit). Et lorsqu’on a affirmé que tout est bon sur II, ce n’était pas une vue de l’esprit. Over Now est une formidable entrée en matière, croisement réussi entre le Velvet et les Cramps – mention spéciale pour le chant en mode crooner mélancolique – mais se laisserait presque supplanter par un Searching For You aussi implacable qu’impérial. Lent, poisseux et marécageux Wailing Wall élargit la palette, convoquant les démons d’un blues vénéneux avec encore une fois les Cramps en ligne de mire. That Gut Feeling et surtout l’imparable Tank Top sont deux brûlots que rien ne semble pouvoir arrêter. Tout le monde est à genoux.
Mais… Mais six titres c’est beaucoup trop court, non ? Alors maintenant il n’y a plus qu’une seule chose à ajouter : la prochaine fois on veut un vrai album de Pervitin. Un disque complet et bourré jusqu’à la gueule de cette rage et de cette profondeur électriques. Et rien d’autre !

* pour les Lyonnaises et les Lyonnais : Pervitin, The Rondells (l’autre groupe de Raúl, donc) mais aussi The Segments (avec Pierre, également batteur de Pervitin) seront en concert gratuit le 20 septembre – c’est pour le 25ème anniversaire d’une salle de concert locale spécialiste en dégueulis multicolores et en gueules de bois