En 2020 le premier 12’ de PERVITIN avait fait quasiment
l’unanimité au sein du comité rédactionnel d’Instant Bullshit. Un fait suffisamment
rare pour être signalé puisqu’il s’agit d’un disque plutôt éloigné des
habituelles pitreries bruitistes et des bizarreries arty généralement défendues
par cette gazette internet (non sans mauvaise foi ni un sens de l’humour particulièrement
détestable). Mais ne voilà t-il pas que la bande des quatre – que l’on situera
géographiquement quelque part entre Lyon et Vienne – a décidé de remettre ça en
2022 avec cette fois un mini album de six titres, toujours sur les labels Dangerhouse Skylab et Teenage Hate records… Le
phénomène va-t-il se répéter ?
Disons le tout de suite, on apprécie tout autant si ce n’est davantage ce nouveau disque, sûrement
parce qu’il nous rappelle certains trucs que l’on avait découverts pendant notre
adolescence au siècle dernier, des musiques que depuis on a toujours énormément
aimées. Pervitin nous
conforte dans cette idée qu’on s’en tape complètement de savoir si c’était
mieux avant (ou pas) : l’important est qu’il existe des groupes de cette
trempe qui arrivent toujours à jouer ces musiques là, à les faire vivre, à leur
apporter quelque chose. Que les défenseurs de l’innovation à tout prix et les chasseurs de mirages en plastique augmenté aillent se faire foutre.
Il n’y a donc rien à jeter sur II, y compris sa pochette aussi cryptique et détachée du
contenu musical que celle du premier EP – il est vrai fort peu appréciée en son
temps – mais qui, bizarrement et en absence de toute rationalité, fonctionne du
coup parfaitement bien et donne vraiment envie d’écouter ce nouvel
enregistrement. Ces teintes d’un orangé plus que vif et brûlant ne pouvaient
augurer que du bon. Comme quoi il n’en faut des fois pas beaucoup pour
convaincre les vieux râleurs d’ordinaire allergiques aux couleurs trop
explosives.
Mais parlons musique, hein, on est là pour ça. Dès que l’on creuse un peu le
sujet on s’aperçoit que les line-ups des deux disques sont différents. Bien
qu’il ait intégré Pervitin depuis longtemps, II marque l’arrivée de Raúl à la basse –
il est également guitariste et hurluberlu-chef-glousseur au sein de The
Rondells* – et ce changement revêt quelque importance, transformant sensiblement le son du groupe tout en lui apportant une nouvelle dynamique (le mix ample et énergique du disque n’y est pas non plus pour rien). On ne
peut que remarquer les lignes de basse rondes et vives qui sur II font énormément de bien à la musique de
Pervitin, solidifient la section
rythmique et donnent encore plus de latitude aux deux guitares qui ne s’en
privent pas pour mettre le feu aux poudres.
L’autre évolution significative se situe d’ailleurs au niveau de celles-ci
: en insufflant des bonnes doses de wah-wah et quelques rasades de tremolo au
milieu de ses torrents de fuzz, le groupe a également introduit du
psychédélisme dans son punk garagiste, ombrageux et tempétueux. Il suffit
d’écouter No Hope qui termine le
disque, son riff tournoyant et sa guitare lead stratosphérique : on n’est
plus très loin du premier Stooges (tu as remarqué aussi ce court « refrain »
en forme de mantra nihiliste ? tout est dit). Et lorsqu’on a affirmé que
tout est bon sur II, ce n’était pas
une vue de l’esprit. Over Now est une
formidable entrée en matière, croisement réussi entre le Velvet et les Cramps –
mention spéciale pour le chant en mode crooner mélancolique – mais se laisserait
presque supplanter par un Searching For
You aussi implacable qu’impérial. Lent, poisseux et marécageux Wailing Wall élargit la palette, convoquant les démons d’un
blues vénéneux avec encore une fois les Cramps en ligne de mire. That Gut Feeling et surtout l’imparable Tank Top sont deux brûlots que rien ne
semble pouvoir arrêter. Tout le monde est à genoux.
Mais… Mais six titres c’est beaucoup trop court, non ? Alors maintenant il
n’y a plus qu’une seule chose à ajouter : la prochaine fois on veut un vrai album
de Pervitin. Un disque complet et bourré jusqu’à la gueule de
cette rage et de cette profondeur électriques. Et rien d’autre !
* pour les
Lyonnaises et les Lyonnais : Pervitin, The Rondells (l’autre groupe de
Raúl, donc) mais aussi The Segments (avec Pierre, également batteur de
Pervitin) seront en concert gratuit le 20 septembre – c’est pour le 25ème
anniversaire d’une salle de concert locale spécialiste en dégueulis
multicolores et en gueules de bois