Le retour des patrons en
matière de noise-rock trigonométrique et autres foutraqueries multidimensionnelles.
Dire que j’ai failli oublier l’existence de MICROWAVES, un groupe que pourtant je suis depuis ses débuts,
il y a plus de vingt ans. Mais les choses sont bien faites, des fois : un
abonnement à une newsletter – celle du label Three One G –, un mail qui
atterrit un beau soir sur l’ordi et cette phrase magique qui clignote
violemment en rose et bleu, comme la pochette du disque : le trio de
Pittsburg revient avec un nouvel album, son septième, et il s’intitule Discomfiture Atlas (un titre qui colle
tellement bien à notre époque).
Le noyau dur de Microwaves est
composé du guitariste et chanteur Dave Kuzy ainsi que du batteur John Roman.
Ces deux là étaient présents dès le départ et ont déjà épuisé quelques
bassistes – ils ont même fini par enregistrer un disque à deux mais sous la
houlette de Weasel Walter (Psionic
Impedance, en 2012). C’est là que l’affaire se corse ou plutôt qu’elle devient
intéressante. Sur Discomfiture Atlas
ce n’est pas un mais deux bassistes qui jouent alternativement, un par face,
sept titres chacun. Sur la Pyroclast Side
on retrouve Adam Macgregor qui avait déjà fait partie de Microwaves, c’était en 2006 et pour le troisième album du trio, Contagion Heuristic (l’un de mes
préférés, au passage). Sur la Plasma Side
c’est le bassiste originel qui reprend du service et ce bassiste n’est autre
que… Steve Moore. Oui, on parle bien de celui de Zombi*, le musicien, compositeur
et producteur que tout le monde connait et même, pour certains, adulent. Lequel
Steve Moore a également assuré la partie technique de l’enregistrement de cette
Plasma Side, a mixé tout l’album tandis que James Plotkin
s’est occupé du mastering – ce qui, au moins sur le papier, permet de se faire
une idée de la puissance de feu et de la précision sonore à l’œuvre sur Discomfiture Atlas.
Ce n’est pas tout. Quelques invités parsèment le disque : Rebecca
Burchette de Multicult (dont on a parlé il y a peu) à la basse sur Hammerspace,
Eric Paul de Psychic Graveyard (etc.) et Sarah Quintero de Spotlights au chant
additionnel sur Clinical Horizon et
enfin – mais pas des moindres – Todd Rittmann de US Maple et Dead Rider à la
guitare sur Your Dumb Guts. Un beau
ramassis de joyeux drilles et de malades irrécupérables. Mais un casting aussi
prestigieux est-il forcément synonyme de réussite ? En choisissant de
démarrer Discomfiture Atlas par The Last Planet, Microwaves nous fait le coup du vice et du traquenard. Le titre
semble long à démarrer, prend un peu son temps, s’affole au milieu, re-ralenti
sur la fin et bien que The Last
Planet soit une excellente composition, on reste assez éloigné du groupe totalement
frénétique et fou-furieux que l’on a toujours connu…
La suite du disque déroule un programme sans faille : de la maitrise, une
meilleure définition des angles et des arrêtes et surtout, comme on pouvait s’y
attendre, un son d’une netteté loin de tous débordements bruitistes. La basse
est parfaitement en place, ronde et féline. Pourtant ce qui frappe encore plus
c’est le chant de Dave Kuzy plein de variabilité et de frivolité. L’heure demeure
à la déconnade – les rires débiles à la toute fin de Our Flagship Product ou les titres des morceaux qui sont des poèmes
à eux tous seuls et je ne te parle même pas des paroles, que l’on peut
déchiffrer sur l’insert. Le glacis en surcouche qui recouvre l’enregistrement
ne fait pas oublier les ingrédients perturbateurs et dérangeants qui ont
toujours fait la musique de Microwaves :
la batterie épileptique qui n’hésite pas à sortir la double dès que c’est
nécessaire, une guitare qui virevolte entre inventivité et sonorités
artificialisantes, cette basse rondement terrassière et ce chant mi-mélodique
mi-fantasque dont on a déjà parlé.
La dernière question qui se pose est : y a-t-il une différence
fondamentale entre Pyroclast Side et Plasma Side ? entre le Microwaves avec Adam Macgregor et celui
avec Steve Moore ? Si j’osais, je dirais que la deuxième version du groupe
est plus mélodique, plus progressive, plus clinique, plus chimique, presque
plus froide et plus technique que jamais, qu’elle fait appel à encore plus de
sophistication sonore (surtout au niveau de la guitare – le solo tout niqué de Your Dumb Guts) mais j’ai bien peur
aussi que toutes ces appréciations soient sous influence, celle justement de
savoir que c’est Steve Zombi Moore
qui joue de la basse et qui a enregistré les titres en question. Une influence
et une impression mises à mal avec Stench
Of Earth, en toute fin de face et donc d’album**. L’un des titres les plus voltigeurs
de Discomfiture Atlas. Le grand écart
avec le plus sournois The Last Planet
qui lui commençait le disque mais une concordance des thématiques comme pour
nous dire qu’il n’y a qu’un Microwaves
et que tout le reste n’est que détails et question de finasserie d’enculeurs de
mouches. Il n’empêche que c’est la formation avec Adam Macgregor qui assurera
la prochaine tournée du trio aux U.S. Et j’aimerais tellement voir ça.
[Discomfiture Atlas est publié en
vinyle rose et bleu
ou en vinyle noir – mais c’est moins drôle – par Three One G]
* si jamais et juste au cas où
** les numéros de matrice gravés sur le disque permettent d’affirmer que
l’album commence par Pyroclast Side et
se termine avec Plasma Side