C’est écrit tel
quel dans la chronique
de 35 : 35, le tout premier
album de DUG qui avait
fini par me persuader durablement de tous ses bienfaits et par m’avoir à l’usure.
A force d’écoutes, n’importe quand ou presque, dans toutes les positions et
même en faisant parfois n’importe quoi d’autre. Un vrai travail de sape dont je
me suis demandé si je n’en subissais pas encore les conséquences urticantes,
plus d’une année après, en découvrant le deuxième LP du duo – Pain Machine a été publié au
Printemps dernier et également chez The Ghost Is Clear.
Certes mis en confiance dès le départ par un nom d’album des plus alléchants,
il ne m’a cette fois pas fallu plus d’une seule écoute pour tomber amoureux d’un
enregistrement pourtant encore plus difficile et plus obtus que son
prédécesseur.
Apparemment rien n’a vraiment changé. DUG
c’est toujours le binoclard Travis Kuhlman (ex-Buildings) à la batterie
pachydermique, à la voix et aux effets sonores ainsi que Mike Baillie à la
guitare, au chant et aux samples. Une musique ultra lourde, grésillante quand
ça lui prend, sans volonté précisément narrative, souvent déconstruite à
l’envie – pas de couplet/refrain/gnagnagna – et presque expérimentale, qui joue
avec les sensations d’inconfort et d’irritation, qui ne peut être écoutée que très,
très, fort. Une musique tellement sombre, oppressante et anxiogène qu’elle en
devient maléfique, complètement addictive, pouvant flirter avec l’atroce et en
même temps exercer une fascination assez déplacée.
Sauf qu’à la différence de 35 : 35,
tout semble évident avec Pain Machine.
Immédiat. Y compris lorsque le duo décide d’arrêter un titre en plein milieu et
de l’achever à coups d’empilements de textures improbables ou de motifs
rythmiques répétitifs et décharnés. Ou d’inclure un passage à peine marqué par
des sifflements lointains avant que ne débaroule un grand fracas percussif. Comment
magnifier l’attraction irréversible d’un trou noir et souligner toujours davantage
le nihilisme d’une musique qui n’a rien pour séduire et dont cela n’a de toute façon jamais été le but. Il sera possible de se raccrocher à quelques riffs
charcutiers (le début de Death Bell)
ou a quelques passages un peu plus balisés que la moyenne (Sulk) qui permettront de se sentir à peu près rassuré et sain et
sauf en rangeant, faut de mieux, DUG
dans la catégorie des groupes de doom-sludge – la lourdeur et la crasse en même
temps. Alors on reprendra son souffle sur le final de Tear Out The Mind dont il se dégagerait presque une sorte de poésie
sombrement lumineuse… d’ailleurs il était temps puisque c’est déjà la fin du
disque, aussi mystérieuse que possible.
On pourrait donc également affirmer, comme souvent dans ce genre de cas, que Pain Machine c’est 35 :35 en beaucoup mieux parce qu’en plus efficace et en plus
pertinent. Alors qu’en fait, me semble-t-il, DUG n’a pas tant cherché à s’améliorer mais que le duo est
simplement allé encore plus loin dans ses idées mortifères et sa volonté de déconstruction
(destruction ?). J’ai déjà employé le terme de nihiliste dans cette
chronique et je ne pourrai définitivement pas trouver mieux. Et, n’en déplaise
à ce cher Friedrich Wilhem N., avec un disque tel que Pain Machine et une musique telle que celle de DUG, la vie n’est que pure terreur.