mercredi 6 avril 2022

Secte : self titled



 




SECTE est une très bonne nouvelle. Le duo nous vient de Bruxelles et est composé de deux musiciens déjà remarqués ailleurs : le guitariste Grégory Duby (auparavant dans K-Branding) ainsi que le batteur David Costenaro (ex-Vitas Guerulaitis et sûrement plein d’autres groupes dont je ne me rappelle pas). Mais on arrêtera là avec les références et on ne fera surtout pas de comparaisons puisque histoires et aventures précédentes n’ont que peu à voir avec actualité présente. Sauf, peut-être, que l’on pourrait insister sur quelques constantes – ou plutôt exigences ? – dont ces deux garçons ont fait preuve au fil des années : je parle d’étrangeté, d’insoumission, de liberté, de voyage… Mais on ne trouvera rien d’obscur, de tordu et de pesant ni rien de baroque ou de flamboyant dans la musique de Secte. C’est même tout le contraire.
Commençons donc par faire la seule chose digne d’intérêt lorsqu’on entreprend d’écouter un tel disque : fermons les yeux. Et laissons-nous bercer par les sons clairs et vibratoires de 332, titre qui sert discrètement d’introduction au disque mais également de mode d’emploi. Il n’y aura pas de surenchère. Les mélodies seront empruntées d’ailleurs – comme le suggèrent les titres Syria et Ethiopia placés juste après – mais sans aucune condescendance ni réappropriation folklorique. Il y aura beaucoup d’espaces, d’intervalles, ces petits moments où les dernières notes ne se sont pas tout à fait éteintes et où celles d’après vont, on peut le pressentir, commencer à se faire entendre. Beaucoup de lumière et de chaleur mais une chaleur généreuse, apaisante et protectrice. Aucune colère et aucune agressivité. Très loin de l’océan tumultueux des musiques trépidantes, submergeantes ou même violentes qui nous assaillent constamment et ne laissent que peu de place à l’indolence et la flânerie, Secte a décidé de proposer tout autre chose.
Mais quoi ? Un hit-parade de ritournelles moyen-orientales ? De L’exotisme en trente six tableaux illustrés ? De la musique mystique sans mysticisme ? Non. L’humilité des deux musiciens n’a d’égales que leur discrétion et leur déférence. Et c’est à peine si, de notre côté, on ose les imaginer jouer, l’un d’une guitare sans saturation envahissante ni utilisation intensive de pédales à fracas, l’autre d’une batterie en constante lévitation. Jouer une musique au milieu d’un désert peuplé de rêves en suspens et de songes indécis – ceux-là pourraient n’appartenir qu’à toi parce que dans ton état à moitié conscient/moitié endormi tu essaies toujours de les réinventer, à ta guise malgré tout –, image après image, évocation après évocation, balades et ballades (ce n’est pas la même chose), ne pas déranger les insectes à dos rond qui dorment tranquillement sous le sable brûlant en attendant la tombée de la nuit.
Je ne l’ai pas fait exprès, je m’en aperçois uniquement en l’écrivant mais Secte est précisément un disque de fin de journée et de début de nuit, au milieu d’un immense nulle part peuplé d’invisibles, ce moment où tout n’est pas encore terminé et où la suite n’a pas encore tout à fait commencé (et tels les espaces sonores et musicaux évoqués plus haut). Il s’agit donc d’un disque contemplatif et même romantique : par là je veux dire qu’il n’exprime, même fugitivement, que des états d’âme et privilégie le sentiment à la raison. Il s’emballe parfois, épaissit rarement le trait, s’emmêle d’horizons parallèles western/eastern (Longa D) mais revient toujours à son point de départ-arrivée, développe a minima – discrètement – ses microcapsules, tente de capturer une temporalité suspendue qui ne peut qu’échapper à la logique et éclate doucement telle une bulle de quiétude, une plongée dans les sables émouvants de nos psychés libérées.

[Secte est publié en vinyle par Araki, Attila Tralala, Cheap Satanism, Do It Youssef, Les Clampins D’Abord, Les Disques De La Face Cachée et Whosbrain records]