Je consulte
avec toute la fausse monchalence dont je suis capable mon agenda culturel favori pour trouver des concerts qui pourraient m’intéresser prochainement : j’essaye tant bien que mal de m’organiser en conséquence parce que depuis quelques temps je suis un peu, vraiment, vraiment lent (mais toujours aussi flippé). Je tombe sur le nom de TACHYCARDIE*
et là j’ai comme une sorte de double flash, me rappelant précisément d’un
excellent concert d’il y a presque deux ans à Grrrnd Zero et d’un album, Probables, le
tout premier enregistrement jamais publié par ce projet sorti de
l’imagination semble-t-il intarissable de Jean-Baptiste Geoffroy.
Je ne vais pas encore refaire les présentations, les mondanités et les
accolades ce n’est toujours pas mon truc et pas du tout mon genre. Mais
je préciserai malgré tout que, depuis la dernière fois où je me suis intéressé
au cas d’un garçon que tout le monde connait surtout comme le batteur foutraque
de Pneu ou de Papaye, celui-ci n’a pas arrêté de multiplier les collaborations. Je
citerai deux formations qui ont chacune publié un album cette année : Institutrice avec Eric Bentz (ex-Electric Electric) et, surtout, United
Colors Of Black Metal, un autre duo cette fois-ci en compagnie de Guillaume
Brot de Llamame La Muerte et Tu Brules Mon Esprit (et même Ânes Et Bateaux,
rappelle-toi…). Encore un stakhanoviste à la cool.
JB est connu pour sa frappe de caisse claire très particulière, très sèche,
très rapide et perçante, au point de rendre les batteurs de grind forcément un
peu jaloux face à tant de dextérité du poignet et tant de persévérance au
service de la transe électrique. Inutile de polémiquer : on aime ou on
n’aime pas ce jeu dense et épileptique. Moi j’aime, c’est tout. Et toute cette
science physique du chargement spatio-temporel à grands coupes de rafales
percussives et de cascades rythmiques se retrouve évidemment dans Tachycardie.
A la différence de Probables qui était pour moitié consacré à
la musique très répétitive et minimale (presque contemporaine) du Tachycardie Ensemble, Sommé·e est
entièrement dédié à l’exercice en solo. Et des fois je me demande vraiment
comment JB arrive à faire autant de trucs en même temps – touk tak tik touk
takatak tok – et surtout avec une telle constance. Il ne joue pas d’une
batterie classique (une quoi ?) mais de multiples percussions, parfois
plus étonnantes les unes que les autres, comme de la céramique, du bois et même
des coquilles d’huitres (?). Il y rajoute des sons extérieurs – je veux dire
non percussifs – avec notamment un synthétiseur analogique bricolé et quelques
autres trucs indéfinissables.
Le propos reste essentiellement pulsatif, la musique de Tachycardie remplit
inlassablement tout l’espace disponible mais pas à la façon d’un robinet de
baignoire que l’on aurait malencontreusement oublié de fermer (genre c’est la
catastrophe mais surtout l’ennui), plutôt comme une machine à laver en pleine
surchauffe d’essorage qui ferait un concours d’atomisation du cosmos avec un
four à micro-ondes bourré à l’aluminium (après tout, pourquoi pas ?). Et
le monde rythmique a priori très ordonné, millimétré et séquencé de Tachycardie finit fatalement par se
détraquer, se dérégler et se reconstituer autrement, peu à peu submergé par des
vagues circulaires et hypnotiques, s’échappant d’une logique de rouages et
d’articulations pour s’engouffrer dans un univers parallèle où la lévitation et
la télékinésie deviendraient le nouveau langage commun. Sommé·e c’est
donc un peu comme si Brian Chippendale réinterprétait le Ryanji de John
Cage à la sauce centrifugeuse. On peut difficilement faire aussi proche de la
surchauffe permanente et aussi proche du zen rassurant.
[Sommé·e est
publié en vinyle par Un Je Ne Sais Quoi]
* pour info et pour
les habitant·e·s de Lyon et alentours, Tachycardie est en concert ce
mercredi 15 septembre au Périscope