Ce disque est un petit
bijou. Que dis-je : c’est un véritable joyau et je l’adore ! Et… et encore une
fois je viens de me griller tout seul comme un grand. Simplement en écrivant
tout de suite deux phrases que j’aurais été bien mieux inspiré de mettre en conclusion
de cette chronique. Tant pis… Mais si tu as préféré économiser une ou deux
minutes de ton précieux temps au lieu de corrompre ton esprit sain et ton cœur
pur dans les gouffres sans fond des internets, alors je peux aussi espérer que
tu es directement allé écouter Pursue A Less Miserable Life*. Et espérer que tu as ainsi évité, au moins pour
aujourd’hui, le désœuvrement numérique. Est-ce que ta vie en sera un peu moins
misérable ? Je n’en sais rien. Mais la mienne, oui... Enfin, disons qu’elle
s’éclaire différemment dès que j’écoute ce disque. Et que si je me mets à
sourire tout seul c’est uniquement sous l’effet du charme aussi puissant que
raffiné d’une telle musique.
Mais autant recommencer depuis le tout début : SAFFRON EYES est un très
chouette groupe de Saint Etienne. Et au départ le projet du guitariste Cyril
Braga que l’on avait pu entendre il y a quelques années dans Le Parti, un autre
groupe stéphanois où il occupait le poste de bassiste. Pour Saffron Eyes
il a été rejoint par Cédric Ampilhac à la batterie et Thomas Walgraffe à la
basse. Et surtout par Laetitia Fournier au chant, plus connue sous le nom de Raymonde
Howard**. Cela pourrait sembler peu charitable et en fait plutôt injuste pour
ses petits camarades mais lorsque une musicienne et une chanteuse de la trempe
de Laetitia pointe le bout de son nez, tu diminues d’autant tes chances de
tomber dans l’insipide et la banalité.
Ce qui n’enlève rien aux trois autres car Saffron Eyes est
avant tout un groupe. Un vrai beau groupe. Et sa musique est un ravissement
indie pop à l’énergie un peu punk sur les bords. Seulement un peu parce
que sinon ce serait trop restrictif et donc presque faux… il est à la fois
facile et difficile de parler correctement des sept compositions de Pursue A
Less Miserable Life. Les influences sont manifestes et (je le pense)
parfaitement voulues. Il y a un côté aérien et élégant ici – on pense aux
Feelies, ce genre de friandises aristocratiques new-yorkaises post Velvet du
début des années 80 – et une belle aptitude à produire de la limaille finement
électrique et de la délicatesse aigue (la guitare est un enchantement à elle
toute seule). Et sans tomber dans le côté chiatique de la bigoterie pop ni dans
la froideur isolationniste du post-punk. Sans perdre de vue que l’efficacité
dans ce cas précis peut aussi être une excellente chose (écoute un peu ce
couple basse / batterie). Et toujours avec un bon sens de l’énergie, une
énergie bien dosée et réellement solide.
D’un autre côté l’effet de séduction de la musique de Saffron
Eyes, s’il est tout à fait perceptible, reste difficilement définissable –
et comme je n’en suis plus à une banalité près : qu’elle soit indéfinissable
ajoute encore plus à cette séduction. Il y a réellement quelque chose
d’inexplicable, quelque chose peut-être bien d’uniquement quantifiable grâce au
plaisir et à la clarté subtilement joyeuse – j’ai failli écrire optimiste
– que procure Pursue A Less Miserable Life. Un disque sans le moindre
faux-pas ni la moindre faute de goût, une trop courte collection de virevoltes
élastiques, insolites, tubesques et racées***. Si la classe et l’élégance d’une
musique se mesurent aussi en fonction de la dose d’humilité que l’on y a
insufflée alors Saffron Eyes fait partie des champions toutes
catégories. De la noblesse mais sans prétention ni orgueil mal placé. Beaucoup
de générosité mais sans faire de bruit.
* publié en vinyle par We Are Unique ! records
** Raymonde Howard dont il semble bien qu’elle est
enfin en train de donner une suite à S.W.E.A.T.
(sic)
*** comme par exemple Sunset People tout
récemment et non sans humour mis en vidéo par Eric Segelle et Claude Crépet et avec des dessins de Halfbob