« American
rock & roll quartet from Buffalo, New York ». C’est ainsi que se
présente ALPHA HOPPER et on va dire que ces quatre jeunes gens – Irene
Rekhviashvili au chant, John Toohill à la guitare et à l’électronique, Ryan
McMullen à l’autre guitare et Douglas Scheider à la batterie – ne prennent
ainsi pas beaucoup de risques. Les risques c’est plutôt toi qui va te les taper
à l’écoute d’Alpha Hex Index : pourtant
tu pouvais bien te douter qu’avec un tel nom de groupe, un tel titre d’album et
un tel artwork tu n’allais pas découvrir un énième ersatz de musique à
papa-maman. Résumé grossièrement, Alpha Hopper serait plutôt à coincer
entre un Melt Banana en moins scrupuleusement ludique et un Arab On Radar /
Doomsday Student en beaucoup plus grassouillet.
Alpha Hopper est donc ce que les spécialistes en musiques
toxiques et autres coloscopistes diptérophiles appellent un groupe de art-rock
à tendance noise. Avec une pointe élargie de post hardcore moderne et
hystérique, si tu veux. Un truc qui aurait fait fureur
sur un label comme Skingraft et dont la musique d’Alpha Hopper est incontestablement l’héritière car très représentative
de son fond de commerce d’antan. Des groupes tels que celui-ci il y en a déjà eu
énormément et fut un temps l’overdose type branlitude bozardeuse n’était pas
loin, je pense à des formations pas forcément mauvaises mais très vite lassantes
parce que finalement très prévisibles dans leurs délires arty, telles que Aids
Wolf ou Pre (deux signatures Skingraft au début des années 2010, comme par
hasard). Mais le temps a passé. Et mon énervement et ma lassitude aussi.
Aujourd’hui, lorsque j’écoute Alpha Hex
Index j’y trouve une fraîcheur non feinte et si je hurle comme un débile ce
n’est pas pour râler et crier à l’arnaque facile mais pour accompagner les
vocalises d’Irene Rekhviashvili, stridentes comme le bruit d’un ongle retourné
sur une surface plane. Oui ça peut faire un peu mal.
Alpha Hex Index est l’album le plus extrémiste
et le plus paroxystique d’Alpha Hopper. Un disque apparemment
sans grandes concessions et gavé de bruits consciencieusement furieux. C’est
aussi drôle que débordant de naturel. Entrainant – l’introductif In The Desert Of The West et son refrain
à tout péter – mais cela reste mordant. Et surtout – finalement, oui – il y a
bien un peu de ce rock’n’roll revendiqué par le groupe : les structures
des neuf compositions (je ne compte pas les trois instrumentaux/interludes) restent
assez traditionnelles, les riffs de guitares n’ont rien de trop expérimental et rien
de dissonant (The Goods est même
fichtrement classique) et ce qui fait tout le truc ici, c’est l’enrobage. La
façon de chanter d’Irene, donc, et les quelques ajouts de zigouigouis électroniques.
Plus quelques guitares un chouïa neo-prog (Enskin)
et parfois même quelques tentatives de solos pyrotechniques.
Je pourrais écrire qu’avec Alpha Hopper
on est en terrain connu et qu’Alpha Hex
Index peut s’écouter tranquillement un verre de Daïkiri à la main, les
doigts de pieds à l’air, uniquement vêtu d’un bermuda informe et vautré sur une
chaise longue mais surtout je trouve très amusant qu’une musique comme celle-ci
qui il y a quelques années aurait pu sembler irritante n’a aujourd’hui rien de
dérangeant. Alpha Hex Index est donc
ce que l’on appelle un bon petit disque, un disque qui fait tout simplement du
bien par où il passe... Pas tout à fait dans le même genre – mais sur le même label – je
conseillerais également Ritualistic Time
Abuser de Post/Boredom, plus massif et finalement plus hardcore. La relève
est assurée.
[Alpha Hex Index est publié en vinyle transparent doré ou argenté façon nuages de
fumée par Hex records – le label
appelle ça « sun haze » et « moon haze » et dans les deux
cas c’est très réussi]