lundi 25 janvier 2021

The Eurosuite / Hot Off Depress

 

THE EUROSUITE : encore un super-groupe réunissant une poignée de musiciens activistes et suremployés de la foisonnante scène anglaise affiliée noise et autres… Alors allons-y gaiement pour le name dropping avec, dans le désordre, Mike Neaves (ex Nitkowski, actuel Plurals) aux synthétiseurs et également préposé à l’enregistrement, Dan Holloway au chant (plus connu pour être le bassiste de USA Nails ou de Dead Arms mais aussi graphiste et illustrateur – c’est lui qui a fait la pochette de Hot Off Depress), Gareth Thomas à la batterie (habituellement guitariste de USA Nails et également membre de Cower) et pour finir Mike Carey à la guitare (il joue sinon dans Screen Wives, groupe que jusqu’ici je ne connaissais pas mais qui me fait terriblement envie). Soyons prudent : l’exemple récent de Cower et de l’album Boys est là  pour nous rappeler si nécessaire qu’il ne faut jamais se fier aux apparences, que l’on n’est jamais à l’abri d’une surprise et en résumé il serait hasardeux voire péremptoire en considérant tout ce menu gratin de faire le moindre pronostic quant à la musique jouée par The Eurosuite.

 


 


Autant dire tout de suite que nous allons être copieusement servis même si Hot Off Depress est un album très court – à peine vingt-cinq minutes. Mais Hot Off Depress est surtout bourré de déflagrations épileptiques et de décharges électriques urticantes : The Eurosuite fait souvent penser à Doomsday Students et surtout à Psychic Graveyard dans cette façon impitoyable qu’a le groupe de taquiner nos nerfs jusqu’à l’irritation suprême. Mais on y pense aussi à cause du chant souvent très Eric-Paulien de Dan Holloway, piètre vocaliste s’il en est mais là n’est vraiment pas la question parce qu’il a l’air de s’en moquer complètement. Sa voix aigue et bouffée d’effets métalliques sert constamment d’aiguillon, surtout elle dégage une impression de frustration et on sent parfaitement que c’est exactement là où le chanteur voulait en venir, entre invectives robotiques et atonalité revendiquée : gueuler sa race, tout simplement.

Derrière les trois autres musiciens tirent à vue et catapultent des boules puantes aux effets dévastateurs. Une guitare chromée et lapidaire bouillonne constamment tandis que le synthétiseur se cale en mode essorage de particules. Les sonorités des deux instruments des fois se mélangent et se confondent, rajoutant un peu plus à la confusion jubilatoire et à la volonté de défoulement d’un enregistrement volontairement bruyant et éjaculatoire – exception faite, à la toute fin du disque, de Line / Void, de son piano fantôme et de son chant perdu dans sa propre solitude. En gros Hot Off Depress est très punk dans l’esprit mais n’a absolument rien de grossièrement rock’n’roll avec au contraire une touche arty irremplaçable et irrévérencieuse, totalement hors décorum.

Et puis il y a des moments vraiment étonnants comme ce Stimulate, une composition aussi synthétique que cabossée et qui dégage dans un premier temps une certaine retenue, presque de la mélancolie, avant de monter dans les tours, allongeant les distances, lorgnant du côté des autoroutes à choucroute tandis que le chant – toujours aussi difficilement appréhendable – prend des allures de complainte lugubre. Plus que jamais Hot Off Depress sent le refus du refoulement et l’affirmation d’un état d’esprit mi-assombri mi-irrité qui doit s’exprimer d’une façon ou d’une autre (et c’est surement ça que je préfère dans ce disque si intentionnellement difforme et agité).

 

[Hot Off Depress est publié en vinyle blanc par A Tant Rêver Du Roi