FOXEAGLE c’est
le groupe d’Emilie Célarier. Ou plutôt son projet solo, à elle et rien qu’à
elle. Elle y chante (magnifiquement), y joue de la guitare, assure toute l’instrumentation
et compose des chansons sombres et profondes, terriblement remuantes,
définitivement abyssales et en même temps ondulantes et fascinantes, un peu
comme les vagues noires de l’artwork et le titre de son disque, Waves On Water. Peut être bien que cette
eau est dangereusement trouble et nous dissimule à peine des gouffres un peu
effrayants mais ces gouffres là – donc – se révèlent en définitive terriblement
attirants, comme pris dans la lumière et la réverbération d’un soleil de plomb.
Qu’il y ait du romantisme et de la mélancolie dans la musique de Foxeagle n’étonnera ainsi personne. On
note la référence à Stendhal via le court extrait d’un récit de voyage plus ou
moins romancé de l’auteur intitulé Rome,
Naples et Florence et imprimé à l’intérieur du digipak… La deuxième
composition de Waves On Water
s’intitule elle Stendhal (Syndrom) et
Emilie ne saurait être plus claire dans l’affirmation qu’au delà des ombres et
des ondulations d’une eau mystérieuse et intimidante le plus important reste la
fascination, le saisissement, la beauté. Et toutes les émotions que l’on éprouve
face à une beauté aussi inconditionnelle. Un absolu difficile à définir et à expliquer
clairement.
La musique de Foxeagle ne s’embarrasse pas de chichis inutiles. Ce n’est donc pas la
peine de faire référence ici à des postures pseudo-musicales qui théâtralisent
création et expression et diffusent du dark uniquement par principe ou, pire encore,
par jeu. Pas de relents gothoïdes acnéiques. Pas de gémissements auto-apitoyés.
Pas de dramaturgie évidemment lacrymale. Pas de volonté de représentation ni de
liturgie mais une réelle sincérité, entière, farouche, brute (brutale, même,
parfois) qui confine aussi à la délicatesse, la pudeur, la retenue avec les
choses importantes à exprimer et donc à la pureté – Suits, seul titre de Waves On
Water où Emilie est accompagnée d’un autre musicien, Geoffroy Pacot, par
ailleurs bassiste du groupe Don Aman. La pureté de la musique de Foxeagle n’a pourtant pas grand-chose
avec à voir avec l’innocence, la facilité et la banalité. Sa nature profonde dévoile
les contradictions de l’âme et résonne avant tout comme un bel aveu d’authenticité.
Et de lumière.
On peut rapprocher la musique de Foxeagle
de celle d’une Chelsea Wofle mais pas de n’importe laquelle, principalement
celle de l’album Apokalypsis,
c’est-à-dire avant que l’américaine ne se prenne pour une diva goth et cloutée.
On peut également déceler un soupçon de Slint, un peu de Angels Of Light et un peu de Swans – lorsqu’ils
ne dorment que d’un œil – dans les
moments les plus pudiques mais poignants du disque. On retrouve la même
simplicité dénudée, presque masquée par des guitares imparablement noisy et des
rythmiques oppressantes (How Long). Mais arrêtons là avec les
comparaisons. Sûrement que toutes ces références musicales parlent énormément à
Emilie. Mais ce ne sont pas elles qui font que la musique de Foxeagle nous parle à nous. Rien ne
peut remplacer l’irréalité magnétique d’une poésie aussi intense et aussi subjuguante.
Rien ne peut remplacer la musique lorsqu’elle est aussi belle et aussi forte.
[Waves On Water
est publié en CD uniquement – mais il s’agit d’un beau CD, dans un cartonnage
sobre et élégant, pas dans une boite en plastique non recyclable – par le label
Last Disorder, au départ une
association organisant des concerts sur Dijon]