jeudi 28 janvier 2021

Foxeagle / Waves On Water

 


 

FOXEAGLE c’est le groupe d’Emilie Célarier. Ou plutôt son projet solo, à elle et rien qu’à elle. Elle y chante (magnifiquement), y joue de la guitare, assure toute l’instrumentation et compose des chansons sombres et profondes, terriblement remuantes, définitivement abyssales et en même temps ondulantes et fascinantes, un peu comme les vagues noires de l’artwork et le titre de son disque, Waves On Water. Peut être bien que cette eau est dangereusement trouble et nous dissimule à peine des gouffres un peu effrayants mais ces gouffres là – donc – se révèlent en définitive terriblement attirants, comme pris dans la lumière et la réverbération d’un soleil de plomb.
Qu’il y ait du romantisme et de la mélancolie dans la musique de Foxeagle n’étonnera ainsi personne. On note la référence à Stendhal via le court extrait d’un récit de voyage plus ou moins romancé de l’auteur intitulé Rome, Naples et Florence et imprimé à l’intérieur du digipak… La deuxième composition de Waves On Water s’intitule elle Stendhal (Syndrom) et Emilie ne saurait être plus claire dans l’affirmation qu’au delà des ombres et des ondulations d’une eau mystérieuse et intimidante le plus important reste la fascination, le saisissement, la beauté. Et toutes les émotions que l’on éprouve face à une beauté aussi inconditionnelle. Un absolu difficile à définir et à expliquer clairement.
La musique de Foxeagle ne s’embarrasse pas de chichis inutiles. Ce n’est donc pas la peine de faire référence ici à des postures pseudo-musicales qui théâtralisent création et expression et diffusent du dark uniquement par principe ou, pire encore, par jeu. Pas de relents gothoïdes acnéiques. Pas de gémissements auto-apitoyés. Pas de dramaturgie évidemment lacrymale. Pas de volonté de représentation ni de liturgie mais une réelle sincérité, entière, farouche, brute (brutale, même, parfois) qui confine aussi à la délicatesse, la pudeur, la retenue avec les choses importantes à exprimer et donc à la pureté – Suits, seul titre de Waves On Water où Emilie est accompagnée d’un autre musicien, Geoffroy Pacot, par ailleurs bassiste du groupe Don Aman. La pureté de la musique de Foxeagle n’a pourtant pas grand-chose avec à voir avec l’innocence, la facilité et la banalité. Sa nature profonde dévoile les contradictions de l’âme et résonne avant tout comme un bel aveu d’authenticité. Et de lumière.
On peut rapprocher la musique de Foxeagle de celle d’une Chelsea Wofle mais pas de n’importe laquelle, principalement celle de l’album Apokalypsis, c’est-à-dire avant que l’américaine ne se prenne pour une diva goth et cloutée. On peut également déceler un soupçon de Slint, un peu de Angels Of Light et un peu de Swans – lorsqu’ils ne dorment que d’un œil  – dans les moments les plus pudiques mais poignants du disque. On retrouve la même simplicité dénudée, presque masquée par des guitares imparablement noisy et des rythmiques oppressantes (How Long). Mais arrêtons là avec les comparaisons. Sûrement que toutes ces références musicales parlent énormément à Emilie. Mais ce ne sont pas elles qui font que la musique de Foxeagle nous parle à nous. Rien ne peut remplacer l’irréalité magnétique d’une poésie aussi intense et aussi subjuguante. Rien ne peut remplacer la musique lorsqu’elle est aussi belle et aussi forte.



[Waves On Water est publié en CD uniquement – mais il s’agit d’un beau CD, dans un cartonnage sobre et élégant, pas dans une boite en plastique non recyclable – par le label Last Disorder, au départ une association organisant des concerts sur Dijon]