mercredi 20 janvier 2021

Cower / Boys


Tu dois commencer à bien me connaitre maintenant : dès que j’entends le mot « goth » je sors ma lotion anti-acnéique pour la peau. Parce que rien que ce simple mot me renvoie à ma lointaine adolescence, me donne vraiment envie de m’habiller en noir, de passer mon temps à regarder par terre lorsque je marche dans la rue et de répondre par d’infâmes borborygmes inintelligibles dès qu’un être humain plus ou moins adulte ose m’adresser la parole. Tu me diras, il n’y a pas grand-chose de changé dans mon attitude actuelle. Sauf qu’officiellement je ne suis plus un adolescent depuis longtemps et que mes propres filles qui elles ont l’âge de s’habiller en noir, de grommeler en solitaire dans leur chambre, de raser les murs et de se désespérer du temps qui passe n’en font absolument rien mais par contre me prennent sincèrement pour un sociopathe gentiment inadapté et cyclothymique. « Goth » c’est donc le premier mot que j’ai entendu et lu à propos de la musique de COWER et de Boys, premier album de ce groupe britannique très intrigant. Tout ça avant même d’en avoir entendu la moindre note.
Le bouche à oreille fonctionnant à plein, surtout en ce moment, nul ne pouvait ignorer que Cower est l’association d’une poignée de musiciens déjà fort occupés par ailleurs. A ma gauche : Gareth Thomas, auparavant dans Mayors Of Miyazaki, ex-batteur de Silent Front, membre de USA Nails et désormais dans The Eurosuite*. A ma droite : Wayne Adams, bassiste de Death Pedals et également membre de ShitWife / Big Lad, Petbrick, Deafbrick, etc… et surtout grand wizzard du son avec son studio Bear Bites Horse et œuvrant au passage pour le label Hominid Sounds. Au centre : Thomas Lacey, chanteur et guitariste des excellents Yards. Que de noms prestigieux, n’est-ce pas ? Et beaucoup de formations très appréciées par ici. 

 



Les trois Cower se qualifient eux-mêmes de groupe de Gothic Noise. Une étiquette comme une autre mais qui a le double avantage de me plaire énormément, pour les raisons adolescentes largement évoquées ci-dessus et aussi pour celles, peut-être plus profondes et encore plus irraisonnées, qui me lient à ce foutu noise-rock et dont Instant Bullshit n’est jamais que l’écho complètement subjectif et très répétitif. Cependant, je t’arrête tout de suite, en fait Cower n’est ni vraiment goth et pas vraiment noise. Du gothique et des musiques sépulcrales ancrées dans le début des années 80, le trio a gardé cette propension à torcher et manipuler des atmosphères sombres et glacées. Du noise le groupe possède cette faculté énergétique à envoyer la sauce à tout faire péter quand ça lui prend. Mais il y a de la marge et entre les deux il faut bien dire que la musique de Cower propose un large éventail qui ressemble plutôt à un fourre-tout ne répondant qu’à une seule règle, celle des envies de trois musiciens aguerris.
Boys peut être des plus déconcertants, passant du coq à l’âne avec le très classieux (mais énervé) Enough puis le très romantico-dark Saxophones By The Water, avant d’enchainer avec un Midnight Sauce aux relents post-industriels ou un Fog Walker electro-rock plutôt arty. Mais même tous ces qualificatifs ne me conviennent guère. Toutes les compositions de Boys diffèrent et chacune ne se contente pas non plus d’aborder une seule direction musicale. Si donc on s’attendait avec Cower à un groupe magnifiant uniquement tension et noirceur on ne pourra être que déçu. Mais si on espérait quelque chose de plus contrasté, du plus intimiste (For The Boys) au plus virulent (Proto-Lion Tamer) ce premier album est un met pour les fins gourmets et une pièce de choix pour les esthètes. N’ayez pas peur de vous laisser surprendre ni de vous laisser faire : la surprise n’en sera que meilleure.

Pour finir, et comme pour faire écho au caractère pluridimensionnel de la musique de Cower, Boys existe en plein de versions différentes avec tout un éventail de couleurs (photo et nuancier non contractuels : moi j’ai opté pour une version en noir, évidemment, mais que l'on ne voit pas ici). L’objet est à la fois très beau et très simple, emballé dans une pochette transparente qui laisse apparaitre un vinyle marbré noir et doré. Publié par le label Human Worth, une partie des bénéfices de Boys ont été reversés à une organisation caritative gérant une banque alimentaire pour les plus démunis. 

* groupe dont cette gazette reparlera à l’occasion