vendredi 4 décembre 2020

Klämp / Hate You


 

KLÄMP TE HAIT. Au moins les choses sont claires dès le départ. Et elles le sont encore plus dès les premières secondes de Hate You, court instrumental inaugural sur lequel le trio est rejoint par Wayne Adams à la bidouille électronique (lequel a également procédé à l’enregistrement de l’album au Bear Bites Horse studio, évidemment). Un vrai gros barrouf mi-théâtralisé mi-industriel qui fait place nette et donne la bave aux lèvres : au bout d’à peine deux minutes on attend déjà la suite avec impatience… et la suite va être encore meilleure avec le phénoménal Arise enchainé directement et qui ressemble à un gros monstre écumant d’acide et dégoulinant de saturation avec en prime l’apparition de Colin Webster* et de son saxophone en mode freeture de l’extrême. Un mur du son infranchissable risquant à tout moment la cacophonie mais réussissant à faire naitre une incroyablement sensation d’envoutement. Ou comment rendre le bruit hypnotique. Là tout de suite, j’aurais bien envie de ranger Klämp dans ma boite à groupes de noise-rock seulement voilà, la bête est particulièrement teigneuse et je sens bien qu’elle ne se laissera pas faire aussi facilement. Donc, non. Et tant mieux, tu me diras.

 


Mais reprenons. Klämp est composé de Greg Wynne à la guitare et au chant (Manatees), de Jason Stöll* à la basse (il joue ou a joué dans Sex Swing, dans Twin Sister en compagnie des deux Dead Neanderthals et dans Mugstar et c’est le boss de God Unknown records) ainsi que de Lee Vincent à la batterie. Une triplette de musiciens qui en ont vu beaucoup d’autres et qui n’ont pas pour habitude de se laisser enfermer. Les deux seules constantes véritables de Hate You sont un chant particulièrement vindicatif et abrasif – et blindé d’effets – et, donc, une tension incroyablement accrue et palpable à tous les niveaux – dans le rouge les niveaux, cela va s’en dire – avec comme corollaire une rage grondante et grandissante qui fédère beaucoup de choses. Mais que des choses dont cette gazette internet est particulièrement friande : noise, psyché, post punk machin, metal (si si… écoute un peu le final grassement électrique de An Orb) et que sais-je encore. Je veux bien admettre que j’ai déjà utilisé cet argument multi-style dans le passé, que je l’utilise même assez souvent ces derniers temps mais je n’y peux rien : sans doute y a-t-il dans l’air pollué un poison violent qui pousse tous les groupes intransigeants du moment à aller encore plus loin, bien au delà des références musicales et des influences, pour donner à chaque fois quelque chose d’aussi passionnant que de pertinent, quelque chose d’unique et de rafraichissant. « Rafraichissant » ? Non rien à voir avec une bonne bière mais disons qu’écouter un groupe tel que Klämp fait réellement du bien.

Et fort logiquement je ne sais rien du tout de ce qui m’attend alors que je retourne le disque pour en écouter la deuxième face. Je tombe nez à nez avec un Big Bad Heart robotique, déglingué et chargé de sonorités électroniques – sûrement encore un coup de Wayne Adams, vraiment en forme sur ce coup là – tandis qu’une voix trafiquée répète toujours le même truc, inlassablement. Même si on ne comprend que confusément ces quelques mots on se les prend directement dans la tête, comme un bon vieux crachat de bile corrosive. Puis débaroule TJ, une composition lente, épaisse, malsaine et très répétitive qui tutoie les maitres du genre, quelque part entre Drunks With Guns et Brainbombs, avec toujours cette voix qui racle dans les tréfonds. La tension et la rage montent encore d’un cran. Mais elles n’iront pas plus loin. Dernière plage du disque No Nerves est de loin la composition la plus humainement acceptable de Hate You, avec son refrain parsemé de lala lala pour chanter en chœur avec quelques compagnons d’infortune. Et puis il y a ce développement à tendance progressive, au bout d’un moment. Oui j’ai écrit « à tendance » parce que ce n’est pas très franc non plus, rien de démonstratif ni de péniblement chiant là dedans… et puis tu dois commencer à me connaitre maintenant : dès que j’entends le mot prog je sors mon hachoir à viande électrique. Alors forcément.
Au final Hate You ne dure que vingt huit minutes mais c’est largement suffisant tant l’auditeur en prend pour son grade. Voilà bien un disque qui n’usurpe pas son nom, tout simplement parce qu’il s’en donne les moyens. Et une fois de plus je suis proprement estomaqué par la vitalité et la diversité de la scène musicale expérimentale et DIY / indé qui sévit depuis quelques années maintenant autour de maisons de disques telles que Riot Season, God Unknown records, Box records, Hominid Sounds ou Rocket recordings (que des labels britanniques, tu l’auras bien remarqué)…

[Hate You est publié en vinyle par God Unknown records]


* dois-je vraiment rappeler que Colin Webster et Jason Stöll jouent ensemble au sein des magiques Sex Swing ?