mardi 1 décembre 2020

USA Nails / Character Stop


  


 

Si on récapitule toute leur discographie, les anglais de USA Nails en sont déjà à leur cinquième album en sept années (c’est le deuxième avec le batteur Tom Brewins, transfuge de Death Pedals) et moi j’en suis toujours à m’émerveiller de la musique du groupe. Ces quatre types là jouent bien plus que du simple punk noise / noise rock / post punk / et plus si affinités, ils jouent du USA Nails et uniquement ça. Avec sa pochette toute bariolée et très réussie Character Stop me semble même être l’album le plus personnel et le plus impliqué du groupe, le disque sur lequel il affirme avec le plus de conviction et de force son identité propre. C’est aussi un enregistrement sur lequel les quatre musiciens ralentissent toujours plus la cadence – ce qui ne les empêche pas de nous gratifier malgré tout de quelques ruades punk bien épicées et frénétiques – et se concentrent toujours plus sur leur son, notamment celui des guitares, reconnaissable entre mille, et l’intelligence acétique de leurs compositions. On se sent comme naviguant au cœur d’un générateur d’énergie renouvelable mais sans se coltiner les déchets dont on ne sait jamais quoi faire.
Revolution Worker et son mid tempo touffu donne ainsi la tonalité principale d’un album placé sous le signe d’une colère sourde et qui n’explose qu’à bon escient, froidement mais avec un maximum de résultat – les paroles ne laissent elles guère de doutes sur ce que veut exprimer le groupe. Un palier supplémentaire est franchi avec le morceau-titre qui déborde de guitares dissonantes tandis que la rythmique fait place nette : la basse est encore plus énorme que d’habitude, sèche et tendue, elle claque aux côtés d’une batterie très volumineuse. On a alors vraiment le sentiment que USA Nails n’a vraiment plus besoin de se précipiter et de jouer contre la montre pour partager avec nous l’urgence impérieuse de sa musique. Et finalement Character Stop est bien un album plutôt lent, ou disons plutôt un album axé majoritairement sur des mid-tempos ravageurs – citons également
How Was Your Week-end ? et sa partie de batterie étourdissante – et lorsque le groupe accélère le rythme on assiste plus à un incroyablement étoffement de sa musique qu’à un passage en force et en cinquième vitesse (See Yourself, I don’t Own Anything). Une bonne dose de précision rigoureuse doublée d’une bonne dose d’acuité.

Et puis il y a le chant, toujours très caractéristique chez USA Nails, en mode parlé mais pas vraiment non plus, presque robotique, entre égrenages acides proches de la récitation et cris rageux mais toujours avec cette froideur apparente qui caractérise si bien le groupe et sa musique. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a aucune trace de vie là dedans, bien au contraire. Les deux voix sont très complémentaires et l’association des deux fonctionne mieux que jamais – soit en alternance, soit à l’unisson – et c’est l’un des autres points fort de USA Nails, cette capacité à faire passer autant de choses sans faire le mariole ni son intéressant.
La fin du disque est occupée par deux compositions un peu à part. J’ai beaucoup ri la première fois que j’ai entendu Temporary Home, titre le plus groovy, le plus dansant et à la limite de l’injonction à remuer son popotin comme un débile jamais composé par USA Nails et certainement aussi le titre du groupe le plus influencé par les années 80. N’oublions pas qu’en 2017 USA Nails s’était attaqué à la reprise du Eisbear de Grauzone ni que sur l’un de leurs t-shirts les anglais ont joyeusement détourné le logo de Devo. Bien que fonctionnant différemment des autres compositions de l’album, Temporary Home est une chanson qui développe beaucoup plus d’idées et de profondeur musicale qu’elle ne semble le faire au départ et pour moi elle constitue l’une des grandes réussites de l’album*. Quant à Wallington qui clôt magnifiquement Character Stop nous avons là le titre le plus ralenti et le plus sombre de l’album, presque mélancolique. Une lente et longue – pour USA Nails s’entend, c’est-à-dire au delà des quatre minutes – descente en forme de chemin subtilement escarpé, une voix quasi murmurée accompagnée d’une guitare crissant dans la nuit, une atmosphère proche du basculement avant la disparition. La preuve que USA Nails sait également s’y prendre pour nous émouvoir.


[Character Stop est publié en vinyle noir par Bigoût records pour l’Europe – le noir ça fait des pressages de bonne qualité avec lesquels on a rarement de mauvaises surprises – et par Hex records pour l’Amérique du Nord et qui lui a préféré multiplier les versions en couleurs]


* et ainsi j’espère deux choses : la première c’est qu’USA Nails comme tous les autres groupes que j’aime et que j’écoute puisse à nouveau refaire des concerts ; la deuxième c’est qu’USA Nails joue Temporary Home en live, pour que je puisse secouer mes vieux os comme un éternel gamin