Pas besoin d’être
un·e fanatique d’Elvis Presley pour aimer Suspicious
Moon. On peut même penser qu’on s’en foutrait presque, bien que l’on
reconnaisse sans problème tous les tubes du King repris ici par David Fenech et Pierre Bastien, de Blue Moon à Suspicious Minds – logiquement – en passant par Heartbreak Hotel ou In The
Ghetto, en fait il n’y a que ça. Mais à la différence de l’album The King And I des Residents (1989) qui
s’attelait ironiquement à la déconstruction d’une musique quasi sacrée et d’un
mythe américain, celui des deux Français opte pour une voie ô combien plus poétique
et intimiste. Au chant murmuré ou bancal et décalé de Fenech répond la
trompette de Bastien sur fond de trames sonores mystérieuses et envoutantes :
on ne doutera pas qu’il s’agit d’abord là d’une belle rencontre entre deux
personnalités aux horizons concordants et principalement mues par l’envie de
jouer ensemble. On pourrait également évoquer un lien de parenté avec le Rock’n’Roll Station de Vince Taylor
et Jac Berrocal versus Nurse With Wound pourtant Suspicious Moon se situe encore ailleurs, sur une planète satellite toujours
inconnue, à moins qu’il ne s’agisse d’un endroit sur Terre inexploré et non
souillé par les activités humaines, un endroit que chacune et chacun placera à
sa guise. C’est la plus belle qualité de cette musique magiquement nocturne et
suspendue d’affirmer sa force d’attraction onirique, avec humour et avec douceur, toujours dans le bricolage
et avec moult trouvailles sonores, sans jamais rien
effacer ou négliger de l’intime.