mercredi 5 octobre 2022

[chronique express] David Fenech & Pierre Bastien : Suspicious Moon

 



Pas besoin d’être un·e fanatique d’Elvis Presley pour aimer Suspicious Moon. On peut même penser qu’on s’en foutrait presque, bien que l’on reconnaisse sans problème tous les tubes du King repris ici par David Fenech et Pierre Bastien, de Blue Moon à Suspicious Minds – logiquement – en passant par Heartbreak Hotel ou In The Ghetto, en fait il n’y a que ça. Mais à la différence de l’album The King And I des Residents (1989) qui s’attelait ironiquement à la déconstruction d’une musique quasi sacrée et d’un mythe américain, celui des deux Français opte pour une voie ô combien plus poétique et intimiste. Au chant murmuré ou bancal et décalé de Fenech répond la trompette de Bastien sur fond de trames sonores mystérieuses et envoutantes : on ne doutera pas qu’il s’agit d’abord là d’une belle rencontre entre deux personnalités aux horizons concordants et principalement mues par l’envie de jouer ensemble. On pourrait également évoquer un lien de parenté avec le Rock’n’Roll Station de Vince Taylor et Jac Berrocal versus Nurse With Wound pourtant Suspicious Moon se situe encore ailleurs, sur une planète satellite toujours inconnue, à moins qu’il ne s’agisse d’un endroit sur Terre inexploré et non souillé par les activités humaines, un endroit que chacune et chacun placera à sa guise. C’est la plus belle qualité de cette musique magiquement nocturne et suspendue d’affirmer sa force d’attraction onirique, avec humour et avec douceur, toujours dans le bricolage et avec moult trouvailles sonores, sans jamais rien effacer ou négliger de l’intime.