vendredi 9 septembre 2022

Primtive Man : Insurmountable

 




Il semblerait que 2020 ait été une année particulièrement insupportable. Pour les nantis habitant de ce côté ci de la planète, tous les autres sachant déjà à quoi s’en tenir, la privation de toute forme de vie sociale et de leurs libertés individuelles pendant de longs mois de confinement a laissé quelques traces. Tu me diras que l’on a peut-être connu pire depuis mais que l’on ne le sait pas encore et que le calme relatif et presque insouciant qui règne actuellement n’est qu’une forme de vaste déni collectif et suicidaire.
2020 c’est aussi l’année où les Américains de PRIMITIVE MAN ont publié ce que beaucoup considèrent comme leur meilleur enregistrement : Immersion allait encore plus loin dans la misanthropie et le dégout absolu de l’espèce humaine que le double album Caustic (2017), surtout il revenait au format beaucoup plus raisonnable et donc beaucoup plus efficace d’un simple LP. Lorsque tu joues une musique aussi lourde, lente, massive, saturée, grésillante et haineuse que celle de Primitive Man, peut-être qu’il reste malgré tout quelques limites infranchissables et que la durée de tes compositions en est une (dans le même genre d’idée mais un tout autre style musical, un album de grind dépassant la demi-heure a vraiment toutes les chances de devenir imbitable).
2022 : Primitive Man est de retour avec ce qui est considéré comme un EP de trente huit minutes (!) intitulé Insurmountable et comprenant quatre titres, dont une plage d’ambient pas super intéressante et une reprise des Smashing Pumpkins, groupe beaucoup trop fadasse à mon goût et ne méritant pas grand-chose d’autre qu’un bon coup de pied au cul. Et cela tombe bien : le traitement extrême que fait subir le trio de Denver / Colorado à Quiet défigure tellement la composition originale de la bande à Billy Corgan et James Iha que ce serait du pareil au même. Car honnêtement, si je n’avais pas lu quelque part que Quiet était une reprise, j’aurais simplement pris ce titre pour un original de Primitive Man.
On peut reprocher deux choses à Insurmountable. La première étant que, sans dévier de la ligne esthétique de base chère au groupe, la musique est moins inspirée. En gros c’est la même chose qu’avant, mais en un peu moins bien, Je n’irai pas jusqu’à dire que le résultat me semble plus mou, en tous les cas je le trouve beaucoup moins radical et plus pâteux. Avoir enregistré des titres très longs (seize minutes pour This Life et onze pour Cage Intimacy) pose quelques questions, à croire que Primitive Man a vraiment un problème de chronomètre et que le groupe confond endurance et malveillance. Une impression également renforcée par le son trop sourd et pas assez ample à mon gout. Un manque d’envergure certain. Une connaissance davantage compréhensive et ultra-fan du trio a bien essayé de m’expliquer que c’est fait exprès mais je n’en démordrai pas : Insurmountable se traine parfois, comme si la haine incommensurable de Primitive Man pour l’espèce humaine avait cédé la place à la nausée, se déversant en un gros vomi malodorant. Si tel était bien le but au départ, je dois alors admettre que le résultat est réussi, même si je ne l’apprécie pas plus que cela.
Paradoxalement, alors qu’il s’agit du disque le moins réussi de Primitive Man, Insurmountable est aussi le plus beau. Le label new-yorkais Closed Casket Activities a vraiment mis les bouchées doubles : illustration dark et flippante à souhait, pochette gatefold, double insert, obi imprimé et une variété de pressages en vinyle qui fait rêver par ces temps de pénurie de plastique polymère : du transparent, du blanc, du noir, du doré et du splater pour autant de combinaisons possibles et imaginables, youpi. Là aussi la misanthropie a ses limites.