Tu as envie de profiter opportunément
de cette énième accalmie sanitaire pour pouvoir à nouveau danser et transpirer
toute la nuit ? Te mettre des races et te droguer, transformer ta
déchéance individuelle en œuvre d’art éphémère ? Tu veux oublier que le
monde entier te ment effrontément et par intérêt, que si tu vas voter aux
prochaines élections présidentielles tu n’auras finalement le choix qu’entre
fascisme rance et suprémaciste et technocratie libérale, hypocrite et
méprisante ? Entre fierté nationaliste et narcissisme républicain ?
Tu en as marre que tes prétendus amis te traitent de paranoïaque délirant, de révolté sans
idées et de débile archaïque ? D’inadapté social ? De pantin pathétique ? Tu veux oublier que ta vie
c’est de la merde mais que tu préférerais en décider par toi-même ?
Oublier demain parce que demain n’existe pas ? Ce split est fait pour toi.
D’un côté nous avons donc RRAOUHHH!,
un duo franco-belge avec des gros bouts de Mr Marcaille dedans (ce n’était pas la peine de porter un masque pour la photo
de la pochette, tout le monde t’avait reconnu) et une chanteuse à la voix aux
envoutements acidulés – Sophie de ¡Duflan Duflan!. Le groupe a déjà publié deux albums que l’on ne saurait
trop recommander et dont Cardio s’inscrit comme une suite logique :
boite-à-rythmes cheap, nappes synthétiques urticantes, interventions régulières d’une
guitare ou je ne sais quoi de chelou (?) perturbante, mélopées psychopompes, répétitivité aliénante, déglingue
réverbérée, résidus de méthylamphétamine coupée à l’acide, hallucinations
finalement très confortables. Cardio est un titre plutôt long (douze
minutes) et rabâcheur mais c’est le principe même de la chose : terminer
comme cela avait commencé, sans réel début ni fin véritable, le même enivrement/étourdissement
jusqu’à l’écœurement, in vomi veritas. Puer d’un bonheur épuisant et courbaturé.
De l’autre côté du disque on découvre LR666, un autre duo dans
lequel on retrouve des morceaux de Crabe Marseillais (non, c'est juste une légende urbaine...) et dont si je ne m’abuse En Vrai Ça Va
constitue la première véritable publication en dur. Ici la méthode est
différente et beaucoup plus punk et minimale dans l’esprit : cinq titres
oscillant tous aux alentours des trois minutes et aussi dépouillés que
radicaux. Encore de la boite-à-rythmes – sèchement actionnée par Jean Mehdi –, encore des synthétiseurs mais, cette
fois, un chant bilieux qui éructe des textes nihilistes et volontairement
pesants. La musique est aussi corrosive que les mots sont crus, version
complètement désabusée du Fier De Ne Rien Faire des Olivensteins – mauvais
en tout et bon à rien, j’ai tout raté pour tout oublier, tout raté pour tout
recommencer, etc. – et d’un Suicide définitivement anti romantique (remplace
Alan Vega par GG Allin et tu comprendras mieux).
A ce qu’il parait, les deux
groupes ont récemment donné quelques concerts ensemble afin de fêter dans la
joie et la douleur la parution de leur disque en commun mais je n’ai pas vu de
date du côté de mon petit chez-moi… une prochaine fois, peut-être ?
[Cardio
/ En Vrai Ça Va est publié en vinyle par 666 La Chasse, Coolax
records (le label monté par Pascal après Et Mon Cul C’est Du Tofu ? et
avec lequel on ne peut communiquer que par voie postale et transmission de
pensée, comme au siècle dernier), Les Disques De La Face Cachée,
Rockerill records et Urgence disk]