lundi 28 mars 2022

Black Country, New Road : Ants From Up There

 






Loin d’être le disque le plus novateur, le plus excitant ou le plus génial de l’année 2021, For The First Time avait au moins le mérite d’être consensuellement confortable et gentiment lumineux, du genre à finir chroniqué dans les pages culturelles d’un magazine de centre-droit pour petits bourgeois chrétiens poliment conservateurs ou d’une revue de centre-gauche à couverture en papier recyclé pour bobos modérément clairvoyants (comme j’ai très mauvais esprit, j’ai de plus en plus de mal à différencier les deux). Moins d’une année après, BLACK COUNTRY, NEW ROAD publie déjà un deuxième album, toujours chez Ninja Tune, et il s’agit un double LP… est-ce une bonne nouvelle ?
Inutile de revenir sur la débauche graphique et stylistique du contenant – pochette gatefold, livret démesuré, photos arty et tout ça – et concentrons-nous uniquement sur le contenu musical de Ants From Up There : l’orchestration est la même qu’avant (guitare, piano, saxophone, violon, etc.) mais les accents post-rock et cérébraux ont laissé la place à un cabaret en rockyrama débordant d’arrangements luxuriants, plus théâtralisé et davantage maniéré bien que parfois encore teinté d’intimisme et, trop rarement, de finesse. Tandis que la voix a abandonné tout mode narratif pour se muer durablement en chant véritable, un chant très appuyé mais assez horripilant sauf lorsque on est un fan de Jarvis Cocker et de Neil Hannon – pour la petite histoire, quelques jours seulement avant la parution de Ants From Up There, le chanteur et guitariste Isaac Woods a soudainement annoncé que pour des raisons très personnelles il quittait Black Country, New Road et le groupe a alors du annuler tous ses concerts prévus pour 2022 et notamment sa première tournée nord-américaine.
Le premier album des anglais ressemblait à la bande-son d’un film d’auteur US sorti de l’imagination douce-amère d’un arrière petit-fils d’immigrés originaires des Balkans ayant fui la menace mortelle de la double mâchoire totalitaire stalino-hitlérienne. Le deuxième serait plutôt la musique d’une comédie musicale à portée pseudo-sociologique pour trentequarantenaires hésitant entre reproduire le confort matériel et illusoire hérité de leurs parents ou tout foutre en l’air (comment ce dilemme sera-t-il résolu ? un indice : l’histoire finira bien). Bref, c’est un peu comme si Ray Davies et Richard Curtis avaient collaboré ensemble pour nous expliquer à la fois le sens profondément caché de la vie et la marche inexorablement chancelante d’un monde difficilement appréhendable. L’ambition affichée et la sophistication grandissante de la musique de Black Country, New Road ne parviennent pas à éviter un certain ennui, ennui qui – fort logiquement – tend à disparaitre sur les passages les plus simples et les plus ténus, où l’émotion peut reprendre un peu plus de place, mais qui s’accentue sur les compositions les plus grandiloquentes et les plus lourdingues. Et malheureusement Ants From Up There n’en manque vraiment pas, rien que l’écoute du deuxième disque (trois titres pour une durée totale d’une demi-heure) devient un véritable calvaire.

Epilogue : malgré le départ de son chanteur le reste du groupe s’est empressé d’annoncer qu’il souhaitait malgré tout continuer l’aventure. Encore une bonne nouvelle ?