Loin d’être le
disque le plus novateur, le plus excitant ou le plus génial de l’année 2021, For The First Time avait au moins le
mérite d’être consensuellement confortable et gentiment lumineux, du genre à
finir chroniqué dans les pages culturelles d’un magazine de centre-droit pour
petits bourgeois chrétiens poliment conservateurs ou d’une revue de
centre-gauche à couverture en papier recyclé pour bobos modérément clairvoyants
(comme j’ai très mauvais esprit, j’ai de plus en plus de mal à différencier les
deux). Moins d’une année après, BLACK COUNTRY, NEW ROAD publie déjà
un deuxième album, toujours chez Ninja Tune, et il s’agit un double LP… est-ce
une bonne nouvelle ?
Inutile de revenir sur la débauche graphique et stylistique du contenant – pochette
gatefold, livret démesuré, photos arty et tout ça – et concentrons-nous
uniquement sur le contenu musical de Ants
From Up There : l’orchestration est la même qu’avant (guitare, piano, saxophone,
violon, etc.) mais les accents post-rock et cérébraux ont laissé la place
à un cabaret en rockyrama débordant d’arrangements luxuriants, plus théâtralisé
et davantage maniéré bien que parfois encore teinté d’intimisme et, trop
rarement, de finesse. Tandis que la voix a abandonné tout mode narratif pour se
muer durablement en chant véritable, un chant très appuyé mais assez
horripilant sauf lorsque on est un fan de Jarvis Cocker et de Neil Hannon – pour
la petite histoire, quelques jours seulement avant la parution de Ants From Up There, le chanteur et guitariste
Isaac Woods a soudainement annoncé que pour des raisons très personnelles il quittait
Black Country, New Road et le groupe
a alors du annuler tous ses concerts prévus pour 2022 et notamment sa première
tournée nord-américaine.
Le premier album des anglais ressemblait à la bande-son d’un film d’auteur US
sorti de l’imagination douce-amère d’un arrière petit-fils d’immigrés
originaires des Balkans ayant fui la menace mortelle de la double mâchoire
totalitaire stalino-hitlérienne. Le deuxième serait plutôt la musique d’une
comédie musicale à portée pseudo-sociologique pour trentequarantenaires
hésitant entre reproduire le confort matériel et illusoire hérité de leurs
parents ou tout foutre en l’air (comment ce dilemme sera-t-il résolu ? un
indice : l’histoire finira bien). Bref, c’est un peu comme si Ray Davies et
Richard Curtis avaient collaboré ensemble pour nous expliquer à la fois le sens
profondément caché de la vie et la marche inexorablement chancelante d’un monde
difficilement appréhendable. L’ambition affichée et la sophistication
grandissante de la musique de Black Country,
New Road ne parviennent pas à éviter un certain ennui, ennui qui – fort logiquement
– tend à disparaitre sur les passages les plus simples et les plus ténus, où
l’émotion peut reprendre un peu plus de place, mais qui s’accentue sur les compositions
les plus grandiloquentes et les plus lourdingues. Et malheureusement Ants From Up There n’en manque
vraiment pas, rien que l’écoute du deuxième disque (trois titres pour une durée
totale d’une demi-heure) devient un véritable calvaire.
Epilogue : malgré le départ de son chanteur le reste du groupe s’est
empressé d’annoncer qu’il souhaitait malgré tout continuer l’aventure. Encore
une bonne nouvelle ?