La première fois que j’ai
entendu parler de GARBAGE COLLECTOR c’était grâce à
une compilation CD éditée par un fanzine parisien devenu périodique (et vendu
en kiosque avec isbn et tout ça). Entre 1988 et 1990 Out Of Nowhere comblait en
partie mes désirs de musiques nouvelles, ici plutôt orientées cold, indus et expé
mais pas seulement, tout comme l’a fait un peu plus tard Hello Happy Taxpayer de
Bordeaux puis surtout le fanzine Sonik – la bible made in France du noise-rock
et affiliés, entièrement rédigée par la personne qui désormais et depuis plus
de quinze années maintenant sévit sur le webzine Perte Et Fracas. C’est grâce à
Out Of Nowhere que j’ai découvert les Beatnigs, Rapeman, Slab! ou Gore, que
j’ai appris plein de choses sur les Swans, Wiseblood et les Young Gods en
lisant un interview de Roli Mosimann, etc… Bon, j’arrête tout de suite là avec
mes souvenirs d’ancien combattant.
Sur cette compilation Out Of Nowhere sortie en 1990 – sous-titrée « one
hour of music, 16 pages of wank » – et au milieu de Sprung Aus Den Wolken,
Dazibao, The Grief, Borghesia, Treponem Pal ou Nox on trouvait également le titre This Is My Life de Garbage Collector qui ressortira en 1993 sur un EP posthume (?) via le label
Permis De Construire. Je connaissais l’existence d'un premier album publié par
ce même label quelques années auparavant mais je ne me suis jamais vraiment intéressé à ce groupe de
Longwy, sûrement par bêtise crasse, peut-être par paresse, et aussi parce
qu’en 1990/1991 la place dans mon cœur était prise par les incroyables Davy
Jones Locker de Thionville, que les Deity Guns faisaient désormais parler d’eux
et que les Thugs n’avaient pas encore mis trop d’eau dans leur vin.
Il convient pourtant de remonter un peu le temps et de replacer les choses dans
leur contexte : comme son nom l’indique cet unique album de Garbage Collector a été publié en 1988…
et je ne saurais exagérer en affirmant que le groupe était alors terriblement
en avance sur son temps, sans doute beaucoup trop pour un gamin de mon âge
qui n’y connaissait vraiment rien en matière de no-wave et autres foutraqueries
noise à base de guitares dissonantes et de rythmiques tribales. Alors tu penses
bien, rétrospectivement, qu’en 1988 Garbage
Collector ne pouvait que me passer au dessus de la tête : je venais juste
l’année précédente de découvrir Sonic Youth avec l’album Sister (très bon et très beau disque mais pas non plus le plus
expérimental des new-yorkais) et je commençais à peine à me libérer de mes
automatismes musicaux hérités du heavy metal, du punk, du thrash et du rock
alternatif.
En écoutant la récente réédition vinyle de 1988,
je mesure enfin toute l’importance de Garbage Collector, un groupe aussi essentiel que bizarre, du moins
pour l’époque… j’irai même allègrement jusqu’à le qualifier de novateur. L’album est bruyant
et tendu au possible – mis en boite par le désormais légendaire François Dietz au
studio du Centre Culturel André Malraux à Vandœuvre-Lès-Nancy (là même où se
déroulait le festival du même nom) – mais surtout il n’a pas tant vieilli. On
peut affirmer que la musique de 1988 est facilement datable et
assurément elle l’est – tout comme, dans un tout autre genre et des années
auparavant, les deux albums de Marquis De Sade le sont – mais elle est
tellement représentative et à la hauteur d’un esprit musical qui depuis a fait
florès que cela en donne le tournis. Les Garbage
Collector n’avaient alors rien à envier à leurs homologues américains, que
ce soit Live Skull, les déjà nommés Sonic Youth et même Pain Teens. Que des
jeunes gens de Longwy aient eu l’idée d’une telle musique alors que les années
80 touchaient à peine à leur fin et que l’ambiance musicale dans les cours de
lycée et même les facs se partageait entre variété new-wave et alterno
franchouillard restera toujours pour moi comme un petit miracle et un vrai
mystère.
Spécialisé dans la réédition d’enregistrements hexagonaux essentiels mais
devenus difficilement trouvables – de Dashiell Hedayat à Ich Bin en passant par
Fall Of Saigon ou The Dreams – et succursale des Disques de la Face Cachée, Replica records a été
plus que bien inspiré de déterrer 1988… Et ce n’est que justice d’avoir rendu à Garbage Collector la place que le
groupe aurait toujours du occuper, enfin.