Mode d’emploi à
l’attention de celles et ceux qui utilisent encore l’objet-disque pour
écouter de la musique : ce nouvel enregistrement de CHERUBS
est censé tourner en 45 tours. Et il ne contient que cinq titres, ce qui en
fait un EP de dix huit minutes et demi. La précision est essentielle. Parce que
– attention, divulgachage 2.0 – on peut aussi s’amuser à le jouer en 33 rpm.
Mais surtout parce qu’écouter Slo Blo 4
Frnz & Sxy à la « bonne vitesse » (en 45, donc) c’est comme se faire
prendre par la main par le guitariste/chanteur Kevin Whitley et sa voix
inimitable, suraigüe et éventuellement agaçante, parfois complètement à côté de
la plaque, toujours bien perchée, psychotique, insupportable. Alors que la (sur)production,
le mix gonflé et la faiblesse de trop de titres du précédent
album Immaculada High finissaient
par souligner toutes les limites du chant de Whitley, Slo Blo 4 Frnz & Sxy fait exactement l’inverse. Comme si les
trois Cherubs avaient retenu les
leçons de leurs erreurs passées et que surtout ils avaient arrêté de se poser
trop de questions.
Avec Slo Blo 4 Frnz & Sxy on retrouve
enfin totalement les Cherubs que l’on a toujours aimés
et, pour la première fois depuis la reformation du groupe en 2014, on ne sera plus
tenté de faire les inévitables comparaisons avec les enregistrements de ses
débuts, ceux des années 90 sur le label Trance Syndicate. Et c’est une sacrée
bonne nouvelle. Pour un groupe maudit qui avait explosé en plein vol, laissant
le pilote automatique bloqué en mode autodestruction après un album tout simplement
gigantesque – le sinistrement nommé Heroin
Man – on ne pouvait rêver mieux, même si cette résurrection providentielle
ne touchera sans doute que les déjà fans du groupe et que je me doute bien que
dans les chaumières personne d’autre n’en aura grand-chose à foutre d’un petit
groupe d’Austin / Texas dont l’héritage musical n’est essentiel que pour les
amateur·trices de noise-rock.
J’exagèrerais
malgré tout un peu en affirmant que dans Slo
Blo 4 Frnz & Sxy tout est du même niveau. La première face est de très
haute volée avec le très visqueux mais imparable Die Robbin’ ainsi que les très courts A Pair Of Pear Tarts et Lazy
Snakes et son riff de guitare irrésistiblement tournoyant. Cherubs
est littéralement au top de sa forme, la batterie est implacable, la basse
monstrueuse, la guitare fait des carnages, ça groove à mort, ça fait mal aux
oreilles, c’est complètement le bordel… bref c’est tout simplement parfait. La
face B présente une anomalie une curiosité de taille avec Sooey Pig (Sad), un titre acoustique
avec uniquement le petit Kevin accompagné de sa seule guitare et qui pleurniche
comme un violon incontinent. Oui ça fait un peu bizarre au milieu de tout le
reste, oui en comparaison on dirait presque que Neil Young chante comme
Pavarotti un soir de plein Lune mais il ne faut pas s’arrêter aux
apparences : à leurs façons, le chant et la guitare de Kevin Whitley sur Sooey Pig (Sad) sont tout aussi tordus,
déviants, mal barrés que d’habitude mais surtout… totalement touchants. Est-ce
que, dans le processus d’écriture, les compositions de Cherubs prennent d’abord cette forme acoustique avant de
(tré)passer au traitement électrique ? Si la réponse est oui, j’aimerais bien écouter
de telles versions.
Sooey Pig (Sad) possède une autre
qualité, celui de détourner notre attention et de faire baisser notre garde :
Little Barely Pieces (pop-O-Pies)
débaroule derrière sans prévenir et c’est un véritable carnage. Le genre de
titre monolithique et un peu long où on sent que les trois Cherubs se font réellement plaisir, à l’image de la guitare qui
multiplie les salves incandescentes et du chant plus que jamais égosillé. Un
vrai beau final pour un disque pas loin d’être parfait. Ce genre de final dont
on rêverait aussi pour un soir de concert, comme une dernière impression fulgurante
qui bousille nos dernières résistances, nous donne du baume au cœur et illumine
une journée de merde. Et, pour en terminer avec les détails techniques, on peut lire sur la pochette de Slo Blo 4 Frnz & Sxy « hitz
on 45 for 33 plezur »… ce qui évidemment incite à réécouter le disque à la mauvaise
vitesse, celle d’un LP classique, et permet de se rendre compte qu’effectivement
la musique de Cherubs n’a vraiment pas
besoin de ça pour être l’une des plus poisseuses et des plus collantes que l’on
puisse espérer.
[Slo Blo 4 Frnz
& Sxy est publié en vinyle rouge transparent par Relapse records –
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