mercredi 20 octobre 2021

Cherubs : Slo Blo 4 Frnz & Sxy

  


 

Mode d’emploi à l’attention de celles et ceux qui utilisent encore l’objet-disque pour écouter de la musique : ce nouvel enregistrement de CHERUBS est censé tourner en 45 tours. Et il ne contient que cinq titres, ce qui en fait un EP de dix huit minutes et demi. La précision est essentielle. Parce que – attention, divulgachage 2.0 – on peut aussi s’amuser à le jouer en 33 rpm. Mais surtout parce qu’écouter Slo Blo 4 Frnz & Sxy à la « bonne vitesse  » (en 45, donc) c’est comme se faire prendre par la main par le guitariste/chanteur Kevin Whitley et sa voix inimitable, suraigüe et éventuellement agaçante, parfois complètement à côté de la plaque, toujours bien perchée, psychotique, insupportable. Alors que la (sur)production, le mix gonflé et la faiblesse de trop de titres du précédent album Immaculada High finissaient par souligner toutes les limites du chant de Whitley, Slo Blo 4 Frnz & Sxy fait exactement l’inverse. Comme si les trois Cherubs avaient retenu les leçons de leurs erreurs passées et que surtout ils avaient arrêté de se poser trop de questions.
Avec Slo Blo 4 Frnz & Sxy on retrouve enfin totalement les Cherubs que l’on a toujours aimés et, pour la première fois depuis la reformation du groupe en 2014, on ne sera plus tenté de faire les inévitables comparaisons avec les enregistrements de ses débuts, ceux des années 90 sur le label Trance Syndicate. Et c’est une sacrée bonne nouvelle. Pour un groupe maudit qui avait explosé en plein vol, laissant le pilote automatique bloqué en mode autodestruction après un album tout simplement gigantesque – le sinistrement nommé Heroin Man – on ne pouvait rêver mieux, même si cette résurrection providentielle ne touchera sans doute que les déjà fans du groupe et que je me doute bien que dans les chaumières personne d’autre n’en aura grand-chose à foutre d’un petit groupe d’Austin / Texas dont l’héritage musical n’est essentiel que pour les amateur·trices de noise-rock.
J’exagèrerais malgré tout un peu en affirmant que dans Slo Blo 4 Frnz & Sxy tout est du même niveau. La première face est de très haute volée avec le très visqueux mais imparable Die Robbin’ ainsi que les très courts A Pair Of Pear Tarts et Lazy Snakes et son riff de guitare irrésistiblement tournoyant. Cherubs est littéralement au top de sa forme, la batterie est implacable, la basse monstrueuse, la guitare fait des carnages, ça groove à mort, ça fait mal aux oreilles, c’est complètement le bordel… bref c’est tout simplement parfait. La face B présente une anomalie une curiosité de taille avec Sooey Pig (Sad), un titre acoustique avec uniquement le petit Kevin accompagné de sa seule guitare et qui pleurniche comme un violon incontinent. Oui ça fait un peu bizarre au milieu de tout le reste, oui en comparaison on dirait presque que Neil Young chante comme Pavarotti un soir de plein Lune mais il ne faut pas s’arrêter aux apparences : à leurs façons, le chant et la guitare de Kevin Whitley sur Sooey Pig (Sad) sont tout aussi tordus, déviants, mal barrés que d’habitude mais surtout… totalement touchants. Est-ce que, dans le processus d’écriture, les compositions de Cherubs prennent d’abord cette forme acoustique avant de (tré)passer au traitement électrique ? Si la réponse est oui, j’aimerais bien écouter de telles versions.
Sooey Pig (Sad) possède une autre qualité, celui de détourner notre attention et de faire baisser notre garde : Little Barely Pieces (pop-O-Pies) débaroule derrière sans prévenir et c’est un véritable carnage. Le genre de titre monolithique et un peu long où on sent que les trois Cherubs se font réellement plaisir, à l’image de la guitare qui multiplie les salves incandescentes et du chant plus que jamais égosillé. Un vrai beau final pour un disque pas loin d’être parfait. Ce genre de final dont on rêverait aussi pour un soir de concert, comme une dernière impression fulgurante qui bousille nos dernières résistances, nous donne du baume au cœur et illumine une journée de merde. Et, pour en terminer avec les détails techniques, on peut lire sur la pochette de Slo Blo 4 Frnz & Sxy « hitz on 45 for 33 plezur »… ce qui évidemment incite à réécouter le disque à la mauvaise vitesse, celle d’un LP classique, et permet de se rendre compte qu’effectivement la musique de Cherubs n’a vraiment pas besoin de ça pour être l’une des plus poisseuses et des plus collantes que l’on puisse espérer.

[Slo Blo 4 Frnz & Sxy est publié en vinyle rouge transparent par Relapse records – pour trouver le site marchand de ces gens utilise donc ton moteur de recherche préféré]