Cette pochette de disque formée
de déclinaisons colorisées d’une même photo d’identité de WILL GUTHRIE –
un peu à la façon d’un Warhol s’amusant avec les images figées et démultipliées de stars des
années 50/60 – est plutôt drôle et très bien vue. Elle résume la difficulté de
présenter correctement le bonhomme, sorte de défi à la fois très simple et très compliqué. Parce
que le portrait ainsi dressé restera toujours incomplet : batteur /
percussionniste australien et vivant du côté de Nantes depuis une bonne
quinzaine d’années, Will Guthrie est sinon boulimique du moins d’une
curiosité insatiable et on ne compte plus ses enregistrements (en solo ou en
groupe) ni ses multiples collaborations avec la crème mondiale des musiques
expérimentales et improvisées. Cela vous pose un musicien qui pourtant reste
d’une constante modestie – et dans ce cas précis la modestie n’interdit pas de
savoir où on veut aller : l’ambition purement artistique est une qualité
véritable.
Lorsque j’ai croisé Will Guthrie lors d’un récent
concert à Lyon je lui avais parlé de son prochain disque
à paraitre chez Kythibong et il m’avait juste répondu, tout sourire et minimisant
son travail, « ouah c’est juste un genre de mixtape, c’est pour
m’amuser ». Genre je n’ai rien foutu, c’est du recyclage et je n’ai aucun
mérite. Remettons tout de suite les points sur les i. En effet People Pleaser part II n’est pas qu'un enregsitrement
d’instrumentiste au sens strict du terme mais un disque de montages et de
bidouilles, quelque chose entre le cut-up ludique et la création sonore, une
bande-son sans images, un patchwork plus ou moins fantaisiste mais signifiant,
une sorte de jeu de pistes. La batterie et les percussions que l’on peut
entendre à de très nombreux moments sur People Pleaser part II proviennent
essentiellement – mais pas que – d’extraits, de samples, de manipulations, etc. :
l’objet du disque n’est pas de nous faire entendre une simple
performance de musicien, au sens de gestuelle et d’action instrumentales.
Faisant suite à un premier
volume publié en 2018 par l’excellent label Black Truffle,
ce second volet s’impose par encore plus de fantaisie et de trouvailles. Oui on
peut affirmer que Will Guthrie a sans doute bien rigolé en imaginant et
concevant les douze vignettes de People Pleaser part II mais nous
aussi. Carrément, même, le disque nous renvoyant aux montages parfois
irrésistiblement drolatiques et imaginatifs de Stock Hausen & Walkman,
mélangeant les sources sonores sans a priori ni fausse pudeur et détournant à
sa façon des musiques du monde entier. Toujours sur la pochette apparait une
liste de noms de musiciens et compositeurs dont on peut deviner qu’ils sont à
l’origine de certaines parties de People Pleaser part II ou qu’en tous
les cas ils reflètent l’éclectisme musical de Will Guthrie. Ainsi Razen
côtoie Roxy Music tandis que Booba fait la causette à Bill Evans…
On relèvera surtout le tempérament physique du disque. Comme déjà mentionné, de
nombreux passages incluent des sons de batterie ou de percussions diverses –
parce que l’on ne se refait pas, hein – et le tout est allégrement bidouillé,
trafiqué et mélangé à moult autres sources sonores mais sans perte de
substance, la dynamique du disque ne faiblit pas et notre intérêt non plus. C’est
la vivacité du propos qui interpelle plus que tout, même aux moments les plus
calmes et les plus poétiques (comme ceux aux résonnances balinaises et
tibétaines). J’irai même jusqu’à parler d’une démarche organique, finalement
pas si éloignée que cela des sensations brutes et mouvementées que procure un
concert en solo du batteur-instrumentiste Will Guthrie… Donc, mon cher Will, avec People
Pleaser part II nous sommes bien au delà d’une simple mixtape et ton disque
révèle surement beaucoup plus de choses que ce que tu voudrais nous faire
croire… Et surtout People Pleaser part II est une vraie réussite.
[People Pleaser Part II est publié en vinyle par Kythibong]