On le sait
depuis longtemps, Weasel Walter ne fait rien comme personne et surtout il
aime surprendre son monde, même lorsqu’il a la bonne idée – un peu sournoise
malgré tout – de vouloir nous prévenir avant. Pour Negative
Infinity, quelque chose comme le 666ème album des FLYING LUTTENBACHERS à ce jour, on
aurait pu s’en tenir au simple avertissement lancé par le musicien
multi-instrumentiste : « Brutal Prog is back ! », une menace
aussi claire et expéditive que le Death Metal is Free Jazz d’il y a quelques années
(et dont, personnellement, je ne me suis toujours pas remis). Mais pas grand-chose
ne nous préparait réellement au déluge de Negative
Infinity, surtout après le très surprenant – et vraiment réussi – Shattered Dimension d’il y a deux ans,
prenant une nouvelle fois les fanatiques et autres adorateurs des Flying Luttenbachers à rebrousse-poil.
Première surprise de taille : Weasel Walter ne joue pas de batterie sur Negative Infinity et c’est Sam Ospovat
qui s’y colle. On connait déjà le travail de celui-ci avec Enablers et surtout
avec Unnatural Ways, le fantastique trio d’Ava Mendoza dont il reforme ici la
même section rythmique complètement folle en compagnie du bassiste Tim Dahl (de
Child Abuse). Au début écouter un disque des Flying Luttenbachers sans Walter à la batterie peut sembler un peu
étrange mais on s’y fait rapidement : Ospovat tient parfaitement son rôle
et assure tout ce qu’il faut avec son jeu certes plus droit et plus
conventionnel que celui du taulier, ce qui ne l’empêche pas non plus de
tricoter comme un incube malveillant.
Deuxième surprise, l’une des deux guitares est
tenue par une certaine Katie Battistoni – complètement inconnue au bataillon
jusqu’ici – et qui sinon compose, enregistre et publie sous le nom de Katy The Kyng des pop songs
parlant de sexe, d’amitié et de relations humaines en général, non sans un
humour mordant voire ironique. Dernière surprise (pour l’instant), Weasel
Walter s’occupe donc de la deuxième guitare. Le reste du line-up comprend enfin
le saxophoniste Matt Nelson qui a intégré le groupe depuis sa reformation en
2019, marquant ainsi le grand retour des instruments à anches dans la musique
des Flying Luttenbachers, ce qui
personnellement me ravit particulièrement.
Negative
Infinity est un disque génialement infernal et témoignage de l’appétit insatiable
de Weasel Walter – encore cette fois unique auteur de toutes les compositions du
disque – pour les enchevêtrements et les empilements ultra soniques. Ici il n’y
a presque pas de place pour l’improvisation, pas trop de longs solos en
lévitation mais des structures extrêmement
élaborées et complexifiées nées d’un esprit particulièrement machiavélique
et dignes d’un tortionnaire des tumultes de l’extrême. La musique est donc d’une densité extravagante,
comme bourrée de milliers de notes à la minute, de riffs incendiaires, de
breaks et de rythmes qui défilent à une vitesse difficilement supportable, à la
croisée des styles musicaux chers à Walter (no-wave, metal extrême, free jazz
et, bien sûr, prog).
De Fury Of The
Delusion et ses incroyables avalanches et contre-avalanches en forme de
roller coaster jusqu’à la pièce maitresse On
The Verge Of Destruction et ses dix neuf minutes complètement mais
généreusement épuisantes, Negative
Infinity n’est pas l’album ultime des Flying
Luttenbachers – parce qu’on espère toujours que Weasel Walter ira encore
plus loin la prochaine fois, même si c’est pour prendre une direction encore
différente – mais l’un de mes préférés… Oui, affirmons que Negative Infinity est un grand album parmi les grands et qu’il mérite sa place au sein des tout meilleurs enregistrements du groupe de Walter le démiurge du chaos. Si tu as eu le courage de lire cette chronique jusqu’au bout tu sais aussi qu’aujourd’hui tu vas pouvoir faire quelque chose de ta petite vie et écouter plus que de raison ce disque en forme de bande-son idéale d’un monde absurde et d’une humanité en train de se regarder crever.
[Negative Infinity est publié en CD
et en vinyle par ugEXPLODE et God records]