lundi 19 juillet 2021

Unsane : Improvised Munitions & Demo

 

Je ne vais pas regretter UNSANE, officiellement et cette fois-ci (semble-t-il) définitivement séparé depuis 2019. Il s’agit surtout du groupe américain que j’ai vu le plus de fois en concert, sur pas moins de trois décennies différentes, et également de l’une des quatre ou cinq formations US qui ont forgé mon amour pour les guitares qui font mal et / ou qui font peur (à l’autre bout du prisme se trouvent Sonic Youth et les Swans des années 80, Dazzling Killmen et Arab On Radar). Alors autant dire que la bande à Chris Spencer a été tellement importante et a tellement fait pour moi – sans le savoir, bien sûr – qu’aujourd’hui Unsane c’est avant toute chose une avalanche de souvenirs : la découverte du premier album sans titre (1991) et de Total Destruction (1993), la première fois que j’ai vu le groupe dans une salle minuscule des pentes de la Croix Rousse à Lyon, la tournée avec Grotus, celle avec Neurosis, etc… jusqu’aux concerts de reformation des années 2010 où Unsane n’avait pas forcément toujours de nouvel album à défendre mais se faisait un malin plaisir de revisiter son répertoire et d’interpréter quelques uns de ses vieux titres – j’allais écrire « succès » mais je ne voudrais pas trop abuser – pour ses fans. Que c’est bon d’être vieux, dans ces cas là. Et c’est sans regret, donc.
Mais il y a une histoire que je ne connaissais pas, une histoire datant d’avant le premier album et tournant autour de sept titres enregistrés en 1989 et que tout le monde croyait perdus pour toujours. A cette époque Unsane c’était Chris Spencer (guitare et voix), Pete Shore (basse) et Charlie Ondras (batterie). Et Improvised Munitions aurait du être leur premier 12’, publié sur un label du nom de Short Circuit et à l’existence très éphémère, le temps de produire une poignée de vinyles dont le Consumer Revolt de Cop Shoot Cop. Le boss de Short Circuit a disparu du jour au lendemain après avoir refilé un test pressing d’Improvised Munitions à Spencer. Le type était un tox et n’a jamais réapparu : on suppose qu’il est mort d’une overdose sous un pont d’autoroute ou qu’il a été liquidé par un dealer rancunier à qui il devait de l’argent. Comble de malchance, les collocs d’alors de Spencer avaient le même problème de drogue et lui ont volé le seul exemplaire test d’Improvised Munitions encore en circulation pour financer leur dose du jour… L’histoire aurait pu s’arrêter là si une autre copie du disque n’avait miraculeusement et récemment refait surface, rachetée il y a des années dans un magasin de disques d’occasion par un type très soigneux et amateur de musique : un vinyle en parfait état et qui a servi de base pour la première véritable édition d’Improvised Munitions.







Les sept titres du disque sont tous connus, ils figureront plus tard sur le premier album d’Unsane, certains 7’ ou sur la compilation Singles 89-92 mais les versions sont toutes différentes et… carrément plus sauvages et plus visqueuses. Peut-être est-ce aussi du à la qualité du son, retravaillé d’après un vinyle mais la nature roots de chez roots du rendu confère au disque un charme vénéneux et un attrait difficilement égalable. Là encore, je ne voudrais pas avoir l’air d’exagérer mais découvrir Improvised Munitions m’a fait un peu le même effet que l’écoute du premier album du groupe en 1991 : Unsane sera toujours Unsane et merci à Wharton Tiers, l’homme qui a enregistré ces deux disques. Je n’en dirais pas autant de la démo de 1988 et de ses quatre titres complètement inédits qui ont été rajoutés juste après sur le disque. Le groupe, déjà bien en place, n’a toutefois pas encore totalement trouvé sa voie : dans l’absolu ces quatre titres sont très bons mais pour du Unsane disons que cela semble encore un peu faiblard… le trio n’était alors qu’un groupe très prometteur.
La suite tout le monde la connait : Charlie Ondras meurt tragiquement d’une overdose en 1992 (décidemment…), il sera remplacé par Vinnie Signorelli tandis que Pete Shore disparaitra complètement de la circulation pour laisser la place à Dave Curran en 1994. Pour en revenir à notre sujet, la pochette d’Improvised Munitions & Demo est simple, banale et même décevante. Pas ou peu d’informations. Pas d’insert avec le vinyle et pas de photos, sauf pour la version CD du disque qui reprend celle déjà utilisée pour le premier album. Mais on s’en contentera. Et on attend la suite : Lamb Unlimited est un label créé par Spencer pour documenter et faire perdurer la musique d’Unsane. Outre Improvised Munitions & Demo, le premier album et la compilation Singles 89-92 initialement publiés par Matador records (aux U.S.) et City Slang (en Europe) mais aussi la plupart des enregistrements du groupe – quid de Total Destruction ? – sont à nouveau disponibles, au moins en version numérique et c’est déjà ça. Mais une véritable réédition en vinyle serait tellement la bienvenue.