Mais qu’est-il arrivé à EYEHATEGOD ? J’avoue que la question me taraude à l’écoute d’A History Of Nomadic Behavior, seulement
le sixième album du groupe en plus de trente années d’existence. Réduit à
quatre depuis la mort du batteur Joe LaCaze en 2013 et le départ du guitariste
Brian Patton en 2018, le groupe qui a littéralement inventé le sludge avec In The Name Of Suffering (1990) et Take As Needed For Pain (1993) doit
faire face à une double obligation : continuer à vivre et renoncer à l’autodestruction
permanente. Côté vie, on saluera la résurrection du chanteur Mike Williams dont
personne ne donnait très cher de la peau jusqu’à ce qu’il se fasse greffer un
nouveau foie et se voit contraint de lever le pied sur ses sordides addictions.
Aux côtés du guitariste Jimmy Bower il a donné naissance à un nouveau disque
déconcertant, où pas grand-chose ne dépasse. Une musique dont la saleté grasse
et perverse et le nihilisme ont été poliment nettoyés, où les paroles des
chansons sont presque totalement intelligibles et où les riffs sentent parfois le
vieux hard-rock sudiste repeint à l’antirouille. Je ne suis pas triste. Je
préférerai toujours la vie… mais je ne peux pas vraiment aimer un disque à la
production aussi lisse et aussi propre, un disque redondant à peine sauvé
du naufrage par un Mike Williams n’ayant pas encore tout à fait oublié qu’il
fut jadis le roi du chaos. Il y a une contrepartie à l’attirance pour les
gouffres et les chutes interminables comme il y en a une aux renoncements
nécessaires et aux sages décisions.