vendredi 12 mars 2021

Tabatha Crash / Twist


 




Avec un nom de groupe en forme de référence de vieux aux années 90 et de blague potache (c’est presque aussi réussi que Charogne Stone ou que Clit Eastwood), TABATHA CRASH ne pouvait qu’attirer mon attention de vieux bougon renfrogné et cloitré à la maison entre deux piles de disques ou de bouquins et attendant des jours meilleurs. Tu rajoutes une photo de pochette avec un bobtail bien baveux et visiblement prêt à tout pour une partie de léchouilles endiablées et le tour est presque joué. Mais en fait, ce qu’il faut surtout retenir c’est que Tabatha Crash est né des cendres des excellents Sons Of Frida – dont le Tortuga est resté dans toutes les mémoires – puisque on y retrouve le guitariste / chanteur / trompettiste Benoit Malevergne ainsi que le batteur Thierry Cottrel. Quant à la basse elle est tenue par Geoffrey Jégat qui me semble t-il jouait lui aussi aux tout débuts de ces mêmes Sons Of Frida… Une suite logique, en quelque sorte, et un line-up en théorie typiquement noise-rock.
Twist
est le deuxième enregistrement publié par le groupe. Il conviendrait de parler de mini album puisque celui-ci ne contient que six titres pour tout de même vingt-cinq minutes de coït ininterrompu. Je vais commencer par avouer que je n’avais écouté son prédécesseur sans titre que d’une oreille assez lointaine et distraite et que maintenant je m’en mords un peu les doigts. Tant pis, je rattraperai mon retard avec ce Twist bien mené, bien tourné, bien ourlé et doté d’une qualité sonore bien meilleure parce qu’offrant plus de clarté et de lisibilité, bref d’efficacité – au passage signalons que l’enregistrement et le mixage sont le fait de Manu Laffeach (il a bossé avec Shub, Poutre, Marylin Rambo, Ultracoït et tant d’autres) tandis que le mastering est l’œuvre du wizzzzard Cyril Meysson (Magrava, Satan, etc.).
Difficile cependant de limiter les trois musiciens de Tabatha Crash au seul registre du noise-rock à papa et maman. Toujours au rayon années 90 et musiques de vieux et de vieilles, le trio semble aussi très largement puiser son inspiration dans le post hardcore. Mais le vrai post hardcore, canal historique, pas celui des saloperies progressives vouées au culte lunaire ou au dieu solaire mais celui des groupes du label Dischord et qui donnera l’emo avant que cela ne dégénère en musique pleurnicharde, complaisante et peignée au gel à fixation forte. L’énergie est constamment présente mais il s’agit donc d’une énergie toujours finement enclenchée – si tu veux de la bourrinade à la queue-leu-leu va plutôt voir ailleurs –, apportant son lot important de subtilités et d’attraits mélodiques.
Les six compositions de Twist pourraient avoir l’air de rien – je veux dire par là qu’elles ne rentrent pas frontalement dans le lard pour tout dévaster et repartir sans laisser plus d’impressions que celles de la gratuité et de la facilité – mais elles sont plutôt du genre à s’immiscer avec assurance, à se faire une place au chaud et à rester bien dans la tête. Fast End est caractéristique de cette façon de faire, pleine de conviction et de détermination mais aussi de souplesse et de séduction. D’allant et d’intelligence. Au rayon des positions intenables et extravagantes Tabatha Crash ne remportera peut-être pas le premier prix d’excellence – la décence m’interdit absolument de traduire « twist » dans un tel contexte – mais le trio gagne celui de l’agilité et de la persuasion.



[Twist est publié en vinyle par Araki et Zéro Egal Petit Intérieu