mercredi 10 mars 2021

Chicaloyoh / L'Inventaire Des Disparitions


 

Aimer un disque est une chose. Trouver les mots justes – ou les mots dont on pense qu’ils sonneront juste – pour décrire son ressenti et peut-être réussir à expliquer pourquoi en est une autre. Si tant est qu’une telle tentative soit réellement envisageable ou même acceptable. Avec L’inventaire Des Disparitions c’est presque mission impossible. Enregistré au cours de l’année 2019, disponible sur les internets dès le mois de novembre de cette même année pour finalement bénéficier d’une parution en vinyle tardive et surtout bien trop confidentielle à mon goût en novembre 2020 (mais ce sont les règles injustes de la pandémie et de la crise sanitaire actuelles), L’inventaire Des Disparitions est un album envoûtant.
Une fois de plus serais-je tenté de dire mais ce serait inapproprié. Car avec CHICALOYOH on ne sait jamais à quoi s’attendre vraiment. Alice Dourlen ne fait jamais deux fois le même disque. Elle surprend toujours et sans doute est-ce là l’un des buts qu’elle recherche avec sa musique, ses enregistrements, ses textes, ses peintures, bref avec son Art : nous surprendre et se surprendre elle-même, constamment. Merde à l’ennui mais pas à n’importe quel prix et surtout pas n’importe comment. Et surtout pas en renonçant à quoi que ce soit d’elle. S’il y a de la provocation et du défi dans les disques de Chicaloyoh et en particulier dans L'Inventaire Des Disparitions c’est principalement du au caractère effronté et à l’audace d’une artiste qui n’en fait donc qu’à sa tête.






L’inventaire Des Disparitions n’est sûrement pas un disque facile. Je trouve la musique de Chicaloyoh toujours aussi belle, toujours aussi poétique et de plus en plus mystérieuse – mystérieuse puisque, encore une fois, elle ne se laisse pas faire – mais sur ce nouvel album je la trouve également plus dure et plus sombre. À fleur de peau malgré la lumière. Toujours en évolution et en plein élan, oscillant entre ce bleu enflammé et ce rouge pénétrant. As-tu remarqué toute l’importance de ces deux couleurs dominantes sur la pochette du disque ? Alors que celle de Jaune Colère n’était qu’unité éclatante et solaire (lorsque je relis la chronique qui lui est consacrée, je ne peux que constater que, présentement, je réutilise toujours les mêmes arguments et toujours les mêmes mots au sujet des disques de Chicaloyoh… ainsi cette nouvelle tentative pourra te sembler bien répétitive et incomplète !).
L’inventaire Des Disparitions est également le disque le plus varié d’Alice. Les compositions sont souvent très courtes, condensant même parfois en deçà des deux minutes toute une architecture très personnelle. La musique de Chicaloyoh donne plus que jamais cette impression perpétuelle de mouvement(s) et de recherche, pourtant ce que l’on écoute ressemble bel et bien à un accomplissement. Ne serait-ce pas là la description la plus proche que l’on puisse trouver d’une musique aussi expérimentale – car celle de Chicaloyoh l’est assurément –, une musique entre poésie chantée, instrumentations lunaires, bruissements industriels, grincements colorés et collages sonores ? L’inventaire Des Disparitions cultive un sens inné de l’exploration mais aussi celui de l’affirmation. Si on peut être ici bousculé ou même décontenancé on est également complètement sous le charme d’une telle magie.

Ce ne sont là que des mots écrits malgré tout, des mots qui sonnent banalement et anodinement : L’inventaire Des Disparitions vole largement au dessus. Et ce n’est jamais pour rien.



[L’inventaire Des Disparitions est publié en vinyle par Màgia Roja – nb : le disque comporte deux titres en plus par rapport au b*ndc*mp]