vendredi 26 mars 2021

Louis Jucker & Coilguns / Play Kråkeslottet & Other Songs From The Northern Shores



Ce disque retranscrit une expérience très intéressante : la réinterprétation par COILGUNS, un groupe (disons) très électrique, de certaines compositions solo de son chanteur LOUIS JUCKER. Lorsqu’on connait un peu la musique de ce dernier et lorsqu’on connait le déchainement dont il est également capable au sein de ces mêmes Coilguns il y a quand même de quoi être très intrigué. Mais je ne vais pas trop perdre de temps non plus à faire les présentations… juste : au risque de froisser la modestie de cette bande de jeunes gens j’affirmerais que Coilguns est l’un des tout meilleurs groupes actuels de hardcore noise métallisé (etc.) de l’hémisphère nord, du moins c’est l’un de mes préférés dans le genre. Voilà. Est-ce que tu la sens mon « objectivité » poindre le bout de son nez à la lecture de cette chronique ?






Comme pour tromper tout le monde Louis Jucker & Coilguns Play Kråkeslottet & Other Songs From The Northern Shores démarre par un We Will Touch Down – initialement enregistré pour l’EP Some Of The Missing Ones paru en 2015 – doté d’une intro presque bluesy et somme toute globalement assez calme. Il n’y a presque pas de batterie sur ce titre, les guitares sont bien présentes mais jamais tonitruantes et surtout le chant de Louis Jucker est bien plus grave et bien plus posé que lorsqu’il est tout seul (et il ne se met pas à brailler non plus comme avec les Coilguns). Seagazer, l’une des meilleures compositions tirées de Kråkeslottet, débarque tout de suite après et la machine se met alors davantage en branle, comme prise de gros frissons. Mais on reste toujours éloigné du chaos viscéral et habituel du groupe, malgré la tension qui monte au fur et à mesure du titre et la partie finale de guitare très noisy.

Sur Play Kråkeslottet Coilguns se révèle pleinement en tant que formation classique de rock (oui), avec un caractère épais et robuste, soucieuse de donner le meilleur d’elle-même et d’œuvrer au service de
s compositions plutôt que de tout exploser sur son passage – tu me diras : les deux n’étaient pas forcément incompatibles. On sent un réel investissement de la part de Jona Nido (guitare), Donatien Thiévent (synthétiseur, basse et voix) et Luc Hess (batterie), les trois musiciens s’appropriant la musique de Louis Jucker comme la leur. Cela peut donner des titres très enlevés tels que The Stream et le plus sombre Back From The Mine ou d’autres bien touffus comme A Simple Song et The Woman Of The Dunes. Play Kråkeslottet concrétise aussi et d’une façon différente les talents de chanteur de Louis Jucker, souvent un peu crooner poppy-destroy, plus rarement un peu funambule (Storage Tricks et surtout Merry Dancers, magnifique composition retrouvant tout le côté intimiste et poétique de sa musique).
J’avoue que j’ai un peu triché en écrivant tout cela parce que je savais déjà à quoi m’attendre, ayant assisté en février 2019 à un concert de Louis Jucker & Coilguns. Un vrai beau souvenir – non, je ne ferai aucune remarque à ce sujet et en rapport avec la crise sanitaire actuelle et les restrictions qui en découlent, tout ceci est beaucoup trop désespérant – mais, honnêtement, la découverte et l’écoute de Play Kråkeslottet ont également été un grand moment. Même si les notes au dos de la pochette précisent que tout a strictement été enregistré tel que joué lors des concerts, sans arrangements supplémentaires effectués en studio : cela ne m’a pas empêché d’être surpris…

Et puis… je sais bien que ni le chanteur ni le groupe ne font exactement deux fois la même chose, de la même façon (mais c’est aussi pour cette raison qu’on les apprécie) pourtant j’aimerais bien ou plutôt je rêverais qu’un jour tout ce beau monde remette ça et donne une suite à ce formidable Louis Jucker & Coilguns Play Kråkeslottet.  Et refasse des concerts sous cette forme, évidemment. Merci.


[Louis Jucker & Coilguns Play Kråkeslottet & Other Songs From The Northern Shores est publié en vinyle rouge membrane par Hummus records]