Ce disque
retranscrit une expérience très intéressante : la réinterprétation par COILGUNS, un
groupe (disons) très électrique, de certaines compositions solo de son chanteur LOUIS JUCKER. Lorsqu’on connait un
peu la musique de ce dernier et lorsqu’on connait le déchainement dont il est également
capable au sein de ces mêmes Coilguns
il y a quand même de quoi être très intrigué. Mais je ne vais pas trop perdre
de temps non plus à faire les présentations… juste : au risque de froisser
la modestie de cette bande de jeunes gens j’affirmerais que Coilguns est l’un des tout meilleurs
groupes actuels de hardcore noise métallisé (etc.) de l’hémisphère nord, du
moins c’est l’un de mes préférés dans le genre. Voilà. Est-ce que tu la sens
mon « objectivité » poindre le bout de son nez à la lecture de cette
chronique ?
Comme pour
tromper tout le monde Louis Jucker &
Coilguns Play Kråkeslottet & Other Songs From The Northern Shores démarre
par un We Will Touch Down –
initialement enregistré pour l’EP Some Of
The Missing Ones paru en 2015 – doté d’une intro presque bluesy et somme
toute globalement assez calme. Il n’y a presque pas de batterie sur ce titre, les
guitares sont bien présentes mais jamais tonitruantes et surtout le chant de Louis Jucker est bien plus grave et
bien plus posé que lorsqu’il est tout seul (et il ne se met pas à brailler non
plus comme avec les Coilguns). Seagazer, l’une des meilleures
compositions tirées de Kråkeslottet,
débarque tout de suite après et la machine se met alors davantage en branle, comme
prise de gros frissons. Mais on reste toujours éloigné du chaos viscéral et
habituel du groupe, malgré la tension qui monte au fur et à mesure du titre et
la partie finale de guitare très noisy.
Sur Play Kråkeslottet Coilguns se révèle pleinement en tant
que formation classique de rock (oui), avec un caractère épais et robuste, soucieuse
de donner le meilleur d’elle-même et d’œuvrer au service des compositions plutôt
que de tout exploser sur son passage – tu me diras : les deux n’étaient pas
forcément incompatibles. On sent un réel investissement de la part de Jona Nido
(guitare), Donatien Thiévent (synthétiseur, basse et voix) et Luc Hess
(batterie), les trois musiciens s’appropriant la musique de Louis Jucker comme la leur. Cela peut donner
des titres très enlevés tels que The
Stream et le plus sombre Back From
The Mine ou d’autres bien touffus comme A
Simple Song et The Woman Of The Dunes.
Play Kråkeslottet concrétise aussi
et d’une façon différente les talents de chanteur de Louis Jucker, souvent un peu crooner poppy-destroy, plus rarement un peu
funambule (Storage Tricks et surtout Merry Dancers, magnifique composition retrouvant
tout le côté intimiste et poétique de sa musique).
J’avoue que j’ai un peu triché en écrivant tout cela parce que je savais déjà à
quoi m’attendre, ayant assisté en février 2019 à un concert
de Louis Jucker & Coilguns. Un vrai beau souvenir – non, je ne ferai
aucune remarque à ce sujet et en rapport avec la crise sanitaire actuelle et
les restrictions qui en découlent, tout ceci est beaucoup trop désespérant –
mais, honnêtement, la découverte et l’écoute de Play Kråkeslottet ont également été un grand moment. Même si les
notes au dos de la pochette précisent que tout a strictement été enregistré tel
que joué lors des concerts, sans arrangements supplémentaires effectués en
studio : cela ne m’a pas empêché d’être surpris…
Et puis… je sais
bien que ni le chanteur ni le groupe ne font exactement deux fois la même
chose, de la même façon (mais c’est aussi pour cette raison qu’on les apprécie)
pourtant j’aimerais bien ou plutôt je rêverais qu’un jour tout ce beau monde
remette ça et donne une suite à ce formidable Louis Jucker & Coilguns Play Kråkeslottet. Et refasse des
concerts sous cette forme, évidemment. Merci.
[Louis Jucker & Coilguns Play
Kråkeslottet & Other Songs From The Northern Shores est publié en
vinyle rouge membrane par Hummus records]