jeudi 25 février 2021

Ona Snop / Intermittent Damnation

 

Avec toute cette invasion actuelle de post punk britannique plus ou moins revivaliste on en oublierait presque que l’Angleterre est une vraie terre de contrastes (non, ceci n’est pas un slogan touristique et publicitaire). Et surtout, au Nord, une terre de désolation économique et sociale : la haine de la machine et de l’oppression industrielle et politique est un phénomène forgé de ce côté-là, celui des hauts fourneaux et des usines sidérurgiques depuis longtemps fermées. Il s’agit donc aussi d’un endroit où sont nés quelques uns des groupes parmi les plus extrêmes et les plus impressionnants de l’histoire musicale. Mais aussi parmi les plus revendicatifs.
Je parle de metal mais surtout de ce qu’il a engendré de plus acharné, de plus dense et de plus dangereux en s’hybridant mutuellement avec le punk et le crust. Au delà de la belle vitrine historique représentée par Napalm Death – ma foi encore plutôt convaincant après toutes ces années d’activité – il existe quantité de groupes parfaitement dingues et particulièrement jouissifs. Je me rappelle par exemple de Horsebastard, un groupe de grind originaire de Liverpool, complètement ahurissant de folie furieuse et découvert dans une cave lyonnaise lors d’un
concert subtilement organisé par les Dirty Seven Conspiracy.




Ce sont à peu près les mêmes gens que l’on retrouve derrière Dirty Seven Conspiracy et le label / distro Lixiviat records (en tous les cas ils ont le même attaché de presse, un petit gars au sourire particulièrement convaincant). Un label qui a publié il y a seulement quelques semaines de cela Intermittent Damnation, le deuxième LP d’ONA SNOP, une formation qui nous vient toujours du Nord de l’Angleterre mais cette fois-ci de Leeds et que les spécialistes qualifieront aisément de powerviolence ou de fastcore rotant du grind à l’occasion. OK… si tu veux. Mais moi, tu le sais sûrement déjà, je m’en fous toujours un peu des étiquettes et des nuances subtilement adéquates qu’elles sont censées apporter à ce qu’elles prétendent décrire, même si je dois encore une fois avouer qu’il s’agit d’un positionnement purement idéologique et plutôt confortable puisque en définitive je n’y connais pas grand-chose dans toutes ces musiques de crusty-barbares. Mais passons, je ne vais pas non plus encore répéter les mêmes considérations totalement inintéressantes dès que ça cause de crust-truc ou de grind-machin.

Ce que je retiens principalement des formidables et des plus que géniaux Ona Snop et d’Intermittent Damnation ce sont dix-sept compositions de malades, ultra rapides, ultra concises, ultra structurées et débordant de breaks spectaculaires tombant toujours au bon moment. Dix-sept titres en à peu près vingt minutes et gorgés de riffs d’une clarté merveilleusement machiavélique, souvent pas très éloignés de ce thrash si cher à mon cœur de vieil adolescent. Un découpage dans le vif et sans bavures tellement saignant et tellement jubilatoire qu'il me donnerait presque envie de demander un couteau à viande électrique pour mon prochain anniversaire (rassure-toi c’est dans longtemps et d’ici là j’ai le temps de changer d’avis). 
Intermittent Damnation n’est pas autre chose qu’une grosse bombe offensive de hardcore caparaçonné et densifié, entre excès de vitesse quasi permanent et grosse pression hydraulique à tous les niveaux. Autrement dit cela reste rugueux et très punk dans l’esprit tout en conservant toute la rectitude millimétrée et toute l’efficacité offensive du metal. Avec un surplus de grosse déconnade derrière tout ça (encore un des effets secondaires du thrash ?), impression que ne démentiront ni la pochette très fluo-flash ni le livret d’une vingtaine de pages qui accompagne le disque. Evidemment si le dernier album en date de Mr Bungle est pour toi l’incontournable sommet de l’extrémisme musical actuel et si ton rêve le plus cher est de pouvoir enfin assister à un concert de ce groupe de rentiers estivaux lors de la prochaine édition du Hell Fest en 2024, tu peux tout de suite oublier Ona Snop : l’écoute d’Intermittent Damnation risquerait de te faire tellement souffrir que tu ne comprendrais même pas pourquoi.