lundi 7 décembre 2020

Mr Bungle / The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo

 

C’est déjà hier. Jamais je n’écoute les disques de Mr BUNGLE, même si un exemplaire CD de Disco Volante et peut-être même du premier album sans titre de cette bande de zozos californiens trainent quelque part chez moi en attendant d’être revendus sur un site spécialisé à l’intention des acharnés de musique sur support physique obsolète. Dans mon petit panthéon personnel des groupes détestés Mr Bungle occupe cependant une place à part : il s’agit du projet de Mike Patton que j’exècre le moins. Voilà, ça c’est dit. Mais reprenons depuis le début, ou presque, avec les vraies démos de monsieur Bousille, j’en ai compté quatre, enregistrées entre 1986 et 1989, publiées sous la forme de cassettes aujourd’hui revendues à prix d’or sur le site mentionné plus haut par des types qui s’y connaissent sacrément en business. Tu penses bien que j’en ai jamais eu rien à foutre de ces démos que par ailleurs on trouve très facilement dans les abimes des internets, en P2P.
Pourtant si j’avais eu la curiosité d’écouter la première version de The Raging Wrath Of The Easter Bunny, celle de 1986, j’aurais découvert que Mr Bungle était à l’origine un groupe de thrash… de thrash déjà un peu déviant – il y a quelque touches fantaisistes comme du kazoo, de la trompette, etc. – mais de thrash quand même. Il faut dire aussi que c’était l’époque qui voulait ça : Metallica n’était pas encore une sombre merde orchestrée par un groupe de névrosés toxicos, Nuclear Assault tenait le haut du pavé avec son formidable premier album (Game Over) aux côtés d’Exodus et du génial Bounded By Blood et Slayer publiait avec Reign In Blood l’album de metal le plus brutal de tous les temps, du moins à ce moment là… Bref on est en 1986, je suis en classe de première, j’ai de l’acné mais pas trop, j’hésite encore entre une carrière de metalhead laborieux et un avenir radieux de punk bourgeois, je me branle souvent dans mon lit parce que la meuf avec laquelle je sors ne veut pas coucher avec moi – rétrospectivement je ne peux que lui donner raison – et Mike Patton (chant), Trey Spruance (guitare) et Trevor Dunn (basse) à l’époque accompagnés de Jed Watts (batterie) jouent la musique du moment : du thrash metal.

Le son de cette première cassette est vraiment tout pourri mais n’empêche pas de déceler quelques plans absurdes et décalés qui feront quelques années plus tard la renommée de Mr Bungle, comme le final d’Hypocrites reprenant Peter Gunn. Et tous ces (très) jeunes musiciens possédaient un sacré niveau, je pense notamment à Trey Spruance déjà très à l’aise avec tous ses doigts. Mais il est intéressant de mettre The Raging Wrath Of The Easter Bunny en parallèle avec Goddammit I Love America ! publié en 1988 : ce n’est déjà plus le même groupe et le thrash fantasy a cédé la place à une sorte de fusion funky vaguement métallisée totalement indigeste. Beurk.

 


 

Avançons maintenant de quelques années et passons au troisième millénaire. Nous sommes en juin 2020 et Mr Bungle balance sur b*ndc*mp un nouveau titre, une reprise de USA d’Exploited. Il n’en fallait pas plus pour affoler les foules. Mais le plus étonnant est le line-up qui a enregistré ce titre : Scott Ian (Anthrax, S.O.D.) et Dave Lombardo (Slayer) ont rejoint le groupe, respectivement à la guitare rythmique et à la batterie. Des vieux briscards du thrash des 80’s. J’aime tellement la version originale de ce morceau – j’aime tout l’album Troops Of Tomorrow d’Exploited – que je ne ferai aucun commentaire désobligeant sur l’interprétation qu’en donne Mr Bungle. L’important était de bien prendre note que le groupe s’était reformé et qu’un album allait suivre.
Cet album a été publié fin octobre 2020 et il s’intitule The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo. Il consiste en un réenregistrement de la première démo de Mr Bungle à laquelle ont été rajoutés une poignée de titres supplémentaires dont une reprise de Corrosion Of Conformity (Loss For Words, le titre d’ouverture de Animosity) et une autre de S.O.D. (Speak English Or Die, ici remodelé en Habla Español O Muere). Le son de l’enregistrement est monstrueux, le groupe est aux taquets et surtout The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo est beaucoup plus thrash que sa version initiale, flirtant constamment avec le crossover d’un… S.O.D. Difficile souvent de ne pas penser aux Stormtroopers Of Death en écoutant un disque qui résume l’un des plus fabuleux paradoxes de notre époque : celui de faire du faux neuf avec du vrai vieux.
On retrouve quelques manières typiques de Mr Bungle
(les coups de sifflet sur Bungle Grind, la reprise de La Cucaracha) et tout le disque, malgré le gros son au scalpel des guitares (Scott Ian est l’un des meilleurs guitaristes rythmiques du genre), malgré la rapidité d’exécution et les solos de guitare complètement hallucinants de Trey Spruance, dégage un côté cartoon propre aux simagrées habituelles des groupes de monsieur Patton qui ici se montre pourtant relativement sobre. Allons-y même carrément : The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo est aussi sexy qu’une partouze de zombies proctologues et aussi festif qu’un yorkshire enfermé dans un four à micro-ondes réglé sur sa puissance maximum et explosant en de jolis geysers de chairs sanguinolentes. Cela me dépasse quand même un peu, cette vision du thrash en mode joyeux et purement divertissant. Mais c’est un fait : The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo c’est de la musique de vieux jouée par des vieux et pour des vieux, tout le monde attendant avec sourire et légèreté une mort certaine. Masturbation.

 

[The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo est publié en double vinyle, en CD, en cassette, le tout avec tellement de variantes que cela me donne mal à la tête, par  Ipecac recordings]