C’est déjà hier. Jamais
je n’écoute les disques de Mr BUNGLE, même si un
exemplaire CD de Disco Volante et
peut-être même du premier album sans titre de cette bande de zozos californiens
trainent quelque part chez moi en attendant d’être revendus sur un site
spécialisé à l’intention des acharnés de musique sur support physique obsolète.
Dans mon petit panthéon personnel des groupes détestés Mr Bungle occupe cependant une place à part : il s’agit du projet de Mike Patton que j’exècre le moins. Voilà, ça c’est dit. Mais
reprenons depuis le début, ou presque, avec les vraies démos de monsieur Bousille, j’en ai
compté quatre, enregistrées entre 1986 et 1989, publiées sous la forme de
cassettes aujourd’hui revendues à prix d’or sur le site mentionné plus haut par
des types qui s’y connaissent sacrément en business. Tu penses bien que j’en ai
jamais eu rien à foutre de ces démos que par ailleurs on trouve très facilement
dans les abimes des internets, en P2P.
Pourtant si
j’avais eu la curiosité d’écouter la première version de The Raging Wrath Of The Easter Bunny, celle de 1986, j’aurais
découvert que Mr Bungle était à
l’origine un groupe de thrash… de thrash déjà un peu déviant – il y a quelque
touches fantaisistes comme du kazoo, de la trompette, etc. – mais de thrash
quand même. Il faut dire aussi que c’était l’époque qui voulait ça :
Metallica n’était pas encore une sombre merde orchestrée par un groupe de
névrosés toxicos, Nuclear Assault tenait le haut du pavé avec son formidable premier
album (Game Over) aux côtés d’Exodus
et du génial Bounded By Blood et
Slayer publiait avec Reign In Blood
l’album de metal le plus brutal de tous les temps, du moins à ce moment là… Bref
on est en 1986, je suis en classe de première, j’ai de l’acné mais pas trop, j’hésite
encore entre une carrière de metalhead laborieux et un avenir radieux de punk
bourgeois, je me branle souvent dans mon lit parce que la meuf avec laquelle je
sors ne veut pas coucher avec moi – rétrospectivement je ne peux que lui donner
raison – et Mike Patton (chant), Trey Spruance (guitare) et Trevor Dunn (basse)
à l’époque accompagnés de Jed Watts (batterie) jouent la musique du moment : du
thrash metal.
Le son de cette première cassette est vraiment tout pourri mais n’empêche pas
de déceler quelques plans absurdes et décalés qui feront quelques années plus
tard la renommée de Mr Bungle, comme
le final d’Hypocrites reprenant Peter Gunn. Et tous ces (très) jeunes musiciens possédaient un sacré niveau, je pense notamment à Trey
Spruance déjà très à l’aise avec tous ses doigts. Mais il est intéressant de
mettre The Raging Wrath Of The Easter
Bunny en parallèle avec Goddammit I
Love America ! publié en 1988 : ce n’est déjà plus le même groupe
et le thrash fantasy a cédé la place à une sorte de fusion funky vaguement
métallisée totalement indigeste. Beurk.
Avançons
maintenant de quelques années et passons au troisième millénaire. Nous sommes
en juin 2020 et Mr Bungle balance
sur b*ndc*mp un nouveau titre, une reprise de USA d’Exploited. Il n’en fallait pas plus pour affoler les foules.
Mais le plus étonnant est le line-up qui a enregistré ce titre : Scott Ian
(Anthrax, S.O.D.) et Dave Lombardo (Slayer) ont rejoint le groupe,
respectivement à la guitare rythmique et à la batterie. Des vieux briscards du
thrash des 80’s. J’aime tellement la version originale de ce morceau – j’aime
tout l’album Troops Of Tomorrow
d’Exploited – que je ne ferai aucun commentaire désobligeant sur
l’interprétation qu’en donne Mr Bungle.
L’important était de bien prendre note que le groupe s’était reformé et qu’un
album allait suivre.
Cet album a été publié fin octobre 2020 et il s’intitule The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo. Il consiste en un
réenregistrement de la première démo de Mr
Bungle à laquelle ont été rajoutés une poignée de titres supplémentaires
dont une reprise de Corrosion Of Conformity (Loss For Words, le titre d’ouverture de Animosity) et une autre de S.O.D. (Speak English Or Die, ici remodelé en Habla Español O
Muere). Le son de l’enregistrement est monstrueux, le groupe est aux
taquets et surtout The Raging Wrath Of
The Easter Bunny Demo est beaucoup plus thrash que sa version initiale, flirtant
constamment avec le crossover d’un… S.O.D. Difficile souvent de ne pas penser
aux Stormtroopers Of Death en écoutant un disque qui résume l’un des plus
fabuleux paradoxes de notre époque : celui de faire du faux neuf avec du
vrai vieux.
On retrouve quelques manières typiques de Mr Bungle (les coups de sifflet sur Bungle Grind, la reprise de La Cucaracha) et tout le disque, malgré le
gros son au scalpel des guitares (Scott Ian est l’un des meilleurs guitaristes
rythmiques du genre), malgré la rapidité d’exécution et les solos de guitare
complètement hallucinants de Trey Spruance, dégage un côté cartoon propre aux
simagrées habituelles des groupes de monsieur Patton qui ici se montre pourtant
relativement sobre. Allons-y même carrément : The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo est aussi sexy qu’une
partouze de zombies proctologues et aussi festif qu’un yorkshire enfermé dans
un four à micro-ondes réglé sur sa puissance maximum et explosant en de jolis
geysers de chairs sanguinolentes. Cela me dépasse quand même un peu, cette
vision du thrash en mode joyeux et purement divertissant. Mais c’est un
fait : The Raging Wrath Of The
Easter Bunny Demo c’est de la musique de vieux jouée par des vieux et pour
des vieux, tout le monde attendant avec sourire et légèreté une mort certaine. Masturbation.
[The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo est publié en double vinyle, en CD, en cassette, le tout avec tellement de variantes que cela me donne mal à la tête, par Ipecac recordings]