Parlons encore une
fois, et ce ne sera peut-être pas la dernière, du label de Minneapolis Learning Curve
records avec un split 7’ regroupant Gaytheist
d’un côté et Intercourse de l’autre.
Il fut un temps – disons à la fin du siècle dernier et au tout début de
celui-ci – où les splits étaient un excellent moyen de découvrir des nouveaux groupes et de la nouvelle musique, non ? Mais ça c’était avant les internets et
l’air conditionné digital pouvant alimenter le moindre recoin de la planète
connectée en musique encodée, prête à l’emploi c’est-à-dire prête à être
éventuellement jetée à la poubelle sitôt écoutée car hâtivement jugée impropre à
la consommation. D’où la fameuse phrase que de nos jours plus personne ne
prononce parce qu’elle décrit un automatisme comportemental complètement passé
dans les mœurs de tout un chacun : « ouais j’ai écouté un peu juste
pour me faire une idée du truc puis je suis passé à autre chose ».
On ne répétera
pourtant jamais assez que la musique c’est aussi et surtout une question de
temps : celui de l’écouter, de la réécouter, de l’aimer (ou pas) et d’y
revenir peut-être, un jour. L’avantage suprême du format physique et donc de
l’objet-disque n’est pas le fétichisme ni le matérialisme mais bien celui de
poser une vraie balise temporelle. Ceci fonctionne également avec les livres.
Bon, et puis il y a une autre raison qui font que les splits 7’ sont désormais plus
rares, malgré le léger rebond idéologique et consumériste de ces dernières
années autour du format vinyle : un 7’ / 45 tours coûte extrêmement cher à
fabriquer et donc son prix à la revente l’est tout autant alors que c’est un
format qui ne comporte que peu de titres. Conclusion : les splits 7’ ne
courent plus vraiment les rues.
J’aurais bien
voulu que la musique de GAYTHEIST
soit aussi drôle que le nom du groupe mais je trouve ces trois petits gars de
Portland / Oregon un tout petit peu patauds et convenus, pas seulement à cause
d’un manque d’originalité notoire mais disons que j’ai le sentiment qu'il manque ce
petit quelque chose qui fait toute la différence et génère un surplus
d’excitation par rapport aux autres groupes du cru. La musique
du trio tire plus vers le punk que vers le noise-rock et c’est sûrement ce qui
me perturbe : j’aurais voulu plus de grésillements, de la saleté, du sang
et du stupre. Cela ne signifie pas que Cracks
et Summon Me soient de mauvaises
compositions, non pas du tout du tout, mais je m’attendais à un peu mieux, bien que
certains éléments fassent carrément le boulot – j’adore les lignes de basse,
par exemple (ce n’est pas un secret que j’ai toujours été très client des
grosses lignes de basse). Par contre Gaytheist
a déjà une solide discographie derrière lui, donc je n’ai plus qu’à me plonger dedans,
peut-être pour y trouver quelque enregistrement qui me comblera davantage.
C’est une toute autre histoire avec INTERCOURSE
qui se révèle bien plus méchant et beaucoup plus teigneux. Hardcore. Et c’est
ce qui me plait vraiment chez ce groupe de New Haven / Connecticut qui cite
aussi bien les Cows que Deadguy parmi toutes ses influences. Tu vois le
genre ? Du foutraque et du violent en même temps. De la rage vicieusement canalisée
comme il faut mais pas de trop non plus. Last
Cigarette Wrong End ne dure peut-être qu’une minute mais il s’agit d’une
minute de pure colère teigneuse, les guitares ont un côté perturbateur qui me
ravit tandis que le chanteur me postillonne à la gueule toutes les insultes
covidées du monde. Puis arrive une reprise de… Black Flag. Un groupe tellement copié
et repris qu’en général on finit par ne plus y faire trop attention sauf que la
version que torche Intercourse
de My War – grand classique s’il en
est – me donne à chaque fois la chair de poule, utilisant les mêmes arguments
que ceux de Last Cigarette Wrong End :
chant de boucher en manque, guitares de malades, rythmique terrassière. Aussi
malsain qu’entrainant et une belle réussite.
[ce split est publié en vinyle noir (200 exemplaires) ou en vinyle rouge
et vert (100 exemplaires) par Learning Curve records]