vendredi 4 septembre 2020

Meurtrières / self titled





Le cas de MEURTRIÈRES est complètement à l’opposé de toute forme de pose : voilà une bande de (presque) jeunes gens qui depuis des années jouent ou ont joué dans des groupes de punk (au sens large : cela va de Télécommande à Gasmask Terrör en passant par Pinku Saido et les toujours très vivants Scimmia et Zone Infinie) et qui ont décidé de partager leur goût pour le heavy metal avec tout le sérieux, cette fois, de la sincérité*... 
Je me rappelle d’une conversation avec le batteur de Meurtrières : je me prenais lamentablement les pieds dans les années de parution des premiers albums d’Iron Maiden – ceux que je préfère, avec le regretté Clive Burr à la batterie – décalant tout selon mes souvenirs plus que chancelants et lui me remettant les idées en place en même temps que la chronologie exacte de disques qui ont pourtant marqué mes premiers émois musicaux, au collège. Et puis si je te dis que l’un des deux guitaristes de Meurtrières est très fan de Phil Lynott et de Thin Lizzy mais aussi de King Diamond et de Mercyful Fate tu comprendras sûrement que parmi les membres de ce groupe on a des goûts prononcés et assumés comme tels.
Ce qui est frappant à l’écoute du premier enregistrement de Meurtrières c’est la référence principalement au heavy metal anglais de la fin des années 70 / du tout début des années 80 et à une musique certes épique mais ardente : on pense évidemment aux débuts d’Iron Maiden – nous y revoilà – avec ces constructions par paliers, les deux guitares qui se répondent, les riffs impériaux en cascades, les rythmiques au galop, le souffle héroïque et une énergie que rien ne semble pouvoir atténuer. On dépasse largement le cadre trop limité et un peu cliché du « heavy metal joué par des punks » ce qui dans les faits correspond certes à la vérité mais le projet derrière Meurtrières me semble avant tout dicté par les idées de plaisir et de passion, le groupe réussissant à retranscrire via sa musique et via un enregistrement brut et cinglant tout l’enthousiasme qu’il porte en lui. Et enthousiaste je le suis aussi complètement.
Mais ce qui me ravit encore plus chez Meurtrières c’est le chant féminin, vif et accrocheur, porteur d’une énergie et de textes intelligents qui jouent subtilement sur deux tableaux : celui des références habituelles et presque obligées du heavy metal tendance médiévale ; celui de la condition et de la place des femmes. En se servant d’un contexte historique marqué les textes amènent donc à des réflexions sur notre société très masculine et patriarcale actuelle. L’intelligence du détournement d’une imagerie très arrêtée stylistiquement pour aboutir à quelque chose de complètement opposé est peut-être bien l’élément le plus punk du disque – je ne cacherai pas que le côté viriliste et macho-sexiste du heavy metal m’avait conduit à ne plus vraiment en écouter mais qu’avec les textes de Meurtrières je me sens plus qu’à mon aise… Je suis d’autant plus dégouté et déçu d’avoir tout récemment appris que la chanteuse avait quitté le groupe. Peut-être que les quatre autres membres arriveront à trouver un ou une nouveau/nouvelle chanteur/chanteuse mais pour l’instant et – ce quelles qu’en soient les raisons – ce départ constitue pour moi un immense gâchis, si on repense à toutes les potentialités et promesses d’avenir de Meurtrières. Tristesse.

[le premier mini album sans titre de Meurtrières est publié en vinyle par Gates Of Hell]


* je connais un cas assez similaire à celui de Meurtrières : les californiens de Saviours, un groupe monté par deux anciens Yaphet Kotto et dont les trois premiers albums sont insurpassables dans le genre