J’avais (gentiment) fait la fine bouche
au sujet de Loud As Laughter, premier album de
Psychic Graveyard publié en 2018 par Skingraft. C’est quand même absolument
dingue cette capacité que j’ai à toujours vouloir trouver la petite bête au
sujet d’un disque qui pourtant aurait du me plaire – au plutôt : avait
absolument tout pour me plaire. Mais une fois de plus j’ai eu totalement raison
avec mes petites remarques de chipoteur parce que A Bluebird Vacation, successeur brillant de Loud As Laughter, est d’un tout autre niveau. Oh il ne s’en faut
pourtant pas de beaucoup, A Bluebird Vacation
n’a rien de fondamentalement différent, non, par contre il est très largement
supérieur en tous les domaines à un premier album qui avait lui du mal à
trouver sa propre voie et à se libérer de l’ombre tutélaire des précédents
groupes des éminents membres de PSYCHIC GRAVEYARD.
Je le répète malgré tout, Psychic Graveyard est la réunion au sommet d’Eric Paul (Arab On Radar, Chinese
Stars et Doomsday Student), de Paul Vieira (également Chinese Stars et Doomsday
Student) et de Nathan Joyner (Some Girls, All Leather). Et je rajoute le
batteur Charles Ovett qui ne joue pourtant pas sur A Bluebird Vacation, les parties de batteries ayant été assurées par
l’ingénieur du son et producteur Seth Manchester – oui Charles n’est là que pour
les concerts. Mise à part cette petite entorse au code d’honneur et de bonne
conduite A Bluebird Vacation
présente une musique bien plus compacte et bien plus soudée. Ce qui faisait ses
quelques défauts est désormais presque oublié ; et ce qui faisait toutes
ses qualités a encore pris de l’ampleur. Même si on peut encore y penser, Psychic Graveyard s’affranchit
dignement d’Arab On A Radar et – surtout – de The Chinese Stars dont le groupe
était musicalement le plus proche, le plus compatible. L’ambiance est de
plus en plus quasiment systématiquement aux sonorités synthétiques et
électroniques et souvent la guitare de Paul Vieira disparait complètement ou
plus exactement lorsque elle apparait et redevient discernable elle sonne comme
elle n’avait encore jamais sonné, comme une machine.
Ce n’est pas une raison pour fuir à toutes jambes : moi non plus je n’aime
pas les guitares trop trafiquées, je préfère les guitares qui grésillent et qui
hurlent mais pas de ça sur A Bluebird Vacation, plutôt des nappes sonores constamment rampantes et effroyablement
malsaines. Des murs de sons d’origine indéterminée qui surgissent comme d’un
bouclier magnétique invisible, des pointes lazerisées lancées droit devant, des
vortex synthétiques qui étranglent l’auditeur. Ce deuxième album est un disque
éprouvant. Et dépressif. Comme on pouvait déjà le pressentir avec Loud As Laughter*. Mais là on atteint
des sommets dans l’effondrement psychique – OK : est-ce que j’ai réussi à
deviner le sens du nom du groupe ? – et dans la noirceur, même lorsqu’elle
semble chargée de cette autodérision et de ce sens de l’automutilation mentale
dont Eric Paul s’est fait une spécialité depuis tant d’années. C’est la grande
force de A Bluebird Vacation mais
c’est une force contraignante, décourageante peut-être si on cherche à aller un
peu plus loin que la musique, à aller au delà de l’écoute. Psychic Graveyard n’est donc pas qu’un groupe de noise tramée
synthétique. C’est une sorte d’hydre monstrueuse dont on devine qu’elle cherche
à nous hurler quelque chose, quelque chose qui ressemblerait à un cauchemar empoisonné, alors
que les paroles écrites par Eric Paul font clairement froid dans le dos.
[A Bluebird Vacation est publié en
vinyle par Deathbomb Arc]
* et comme c’était déjà le cas avec le A Self Help Tragedy, dernier (?) album
de Doomsday Student, en 2016…