mercredi 29 juillet 2020

Psychic Graveyard / A Bluebird Vacation




J’avais (gentiment) fait la fine bouche au sujet de Loud As Laughter, premier album de Psychic Graveyard publié en 2018 par Skingraft. C’est quand même absolument dingue cette capacité que j’ai à toujours vouloir trouver la petite bête au sujet d’un disque qui pourtant aurait du me plaire – au plutôt : avait absolument tout pour me plaire. Mais une fois de plus j’ai eu totalement raison avec mes petites remarques de chipoteur parce que A Bluebird Vacation, successeur brillant de Loud As Laughter, est d’un tout autre niveau. Oh il ne s’en faut pourtant pas de beaucoup, A Bluebird Vacation n’a rien de fondamentalement différent, non, par contre il est très largement supérieur en tous les domaines à un premier album qui avait lui du mal à trouver sa propre voie et à se libérer de l’ombre tutélaire des précédents groupes des éminents membres de PSYCHIC GRAVEYARD.
Je le répète malgré tout, Psychic Graveyard est la réunion au sommet d’Eric Paul (Arab On Radar, Chinese Stars et Doomsday Student), de Paul Vieira (également Chinese Stars et Doomsday Student) et de Nathan Joyner (Some Girls, All Leather). Et je rajoute le batteur Charles Ovett qui ne joue pourtant pas sur
A Bluebird Vacation, les parties de batteries ayant été assurées par l’ingénieur du son et producteur Seth Manchester – oui Charles n’est là que pour les concerts. Mise à part cette petite entorse au code d’honneur et de bonne conduite A Bluebird Vacation présente une musique bien plus compacte et bien plus soudée. Ce qui faisait ses quelques défauts est désormais presque oublié ; et ce qui faisait toutes ses qualités a encore pris de l’ampleur. Même si on peut encore y penser, Psychic Graveyard s’affranchit dignement d’Arab On A Radar et – surtout – de The Chinese Stars dont le groupe était musicalement le plus proche, le plus compatible. L’ambiance est de plus en plus quasiment systématiquement aux sonorités synthétiques et électroniques et souvent la guitare de Paul Vieira disparait complètement ou plus exactement lorsque elle apparait et redevient discernable elle sonne comme elle n’avait encore jamais sonné, comme une machine.
Ce n’est pas une raison pour fuir à toutes jambes : moi non plus je n’aime pas les guitares trop trafiquées, je préfère les guitares qui grésillent et qui hurlent mais pas de ça sur
A Bluebird Vacation, plutôt des nappes sonores constamment rampantes et effroyablement malsaines. Des murs de sons d’origine indéterminée qui surgissent comme d’un bouclier magnétique invisible, des pointes lazerisées lancées droit devant, des vortex synthétiques qui étranglent l’auditeur. Ce deuxième album est un disque éprouvant. Et dépressif. Comme on pouvait déjà le pressentir avec Loud As Laughter*. Mais là on atteint des sommets dans l’effondrement psychique – OK : est-ce que j’ai réussi à deviner le sens du nom du groupe ? – et dans la noirceur, même lorsqu’elle semble chargée de cette autodérision et de ce sens de l’automutilation mentale dont Eric Paul s’est fait une spécialité depuis tant d’années. C’est la grande force de A Bluebird Vacation mais c’est une force contraignante, décourageante peut-être si on cherche à aller un peu plus loin que la musique, à aller au delà de l’écoute. Psychic Graveyard n’est donc pas qu’un groupe de noise tramée synthétique. C’est une sorte d’hydre monstrueuse dont on devine qu’elle cherche à nous hurler quelque chose, quelque chose qui ressemblerait à un cauchemar empoisonné, alors que les paroles écrites par Eric Paul font clairement froid dans le dos.

[A Bluebird Vacation est publié en vinyle par Deathbomb Arc]

* et comme c’était déjà le cas avec le A Self Help Tragedy, dernier (?) album de Doomsday Student, en 2016…