mercredi 10 juin 2020

Gouge Away / Consider b/w Wave Of Mutilation






Il y a des disques qui se bonifient grandement avec le temps et Burnt Sugar de Gouge Away est de ceux-là. En relisant la chronique que je lui ai consacré il y a un an et demi je me suis rendu compte que – comme d’habitude – elle est beaucoup trop longue, qu’elle s’étale pour ne rien dire et que cet album tout nerveux et tout à vif aurait largement mérité une chronique express d’une phrase ou deux seulement, une centaine de mots amplement suffisants pour vanter tous les mérites d’un bon petit disque. Ah oui : je n’ai pas fait que me replonger dans la dite chronique, j’ai aussi scrupuleusement réécouté Burnt Sugar… autant de conscience et d’application puisque les cinq GOUGE AWAY sont de retour avec un nouveau disque, cette fois un 45 tours dont les deux faces sont inédites.
Ce n’est pas souvent que je m’intéresse de près à un single parce que leurs prix sont de plus en plus élevés ; c’est un phénomène touchant l’ensemble de l’édition phonographique professionnelle suite à l’effet de mode de ces dernières années autour du vinyle et du au fait que les majors de l’industrie du disque se sont aperçues qu’il y avait là à nouveau un gros filon bien juteux – la conséquence est que le prix moyen de la galette de 7’ augmente toujours plus et que je n’en achète presque plus. Consider b/w Wave Of Mutilation n’échappe pas à la règle inflationniste : le label Deathwish le vend à un prix qui donne mal au ventre même si je dois reconnaitre que question présentation l’objet a de la gueule avec son vinyle de couleur (jaune ou transparent), sa pochette cartonnée épaisse, sa pochette intérieure soignée avec photo du groupe, paroles et notes, ce qui est extrêmement rare pour un 45 tours.
Trêve de polémiques**. Consider représente la face mid-tempo de Gouge Away, une composition tenace et épaisse servie par deux guitares vrillées et une rythmique bien posée offrant une voie royale au chant hurlé de la chanteuse Christina Michelle. C’est simple, c’est efficace, c’est réussi mais ce n’est pas tout. Sur sa dernière minute le rythme de Consider s’en va en ralentissant, les guitares s’estompent un peu, la rythmique s’allège et le screamo light du groupe laisse la place à quelque chose de plus évanescent voire de plus vaporeux, le chant suivant le mouvement en se muant en vocalises aériennes de plus en plus lointaines. Voilà donc ce à quoi peut ressembler Gouge Away lorsque le groupe décide de devenir un peu plus mystérieux, ou plutôt un peu plus étrange. Si ce final en courant d’air te fait un peu penser aux défunts Pixies* et bien saches que je suis de ton avis…
… Mais s’appeler Gouge Away est une chose. Reprendre une composition du groupe de Black Francis et de Kim Deal en est une autre. Les intentions sont peut-être bonnes mais il faut bien avouer que la version sans esprit ni âme de Wave Of Mutilation des Pixies qui occupe la face B de ce single est dispensable. Oser s’attaquer à un tel monument est certes culotté mais cela ne suffit pas. Finalement c’est lorsque Gouge Away glisse des petits bouts de lutins joyeux au milieu de son merdier énervé – comme ce qu’il fait sur le final de Consider, donc – qu’il rend le meilleur hommage possible au groupe qui a composé et écrit la chanson dont Gouge Away a tiré son nom. Et ouais.

* oui « défunts », parce que les Pixies actuels et sous perfusion ne sont qu’une ignoble farce
** pour nuancer : les bénéfices tirés de la vente de Consider seront reversés au Rescue International Committee en aide aux réfugiés et aux migrants