mercredi 27 mai 2020

Wailin Storms / Rattle


Les deux premiers mini-albums de Wailin StormsBone Colored Moon en 2012 et Shiver en 2014 – témoignent de débuts fortement influencés pas le Gun Club et bien que le groupe soit rapidement passé à autre chose j’ai toujours trouvé et je trouve encore ces deux enregistrements bluesy et roots toujours aussi passionnants. Ils ont été regroupés en 2017 sur une même réédition CD chez Antena Krzyku, tu me diras que c’est toujours mieux que rien bien qu’une ressortie sur un bon vieux vinyle qui craque et qui transpire eût été largement préférable. Un jour, peut-être, va savoir…
Ce qui est intéressant c’est l’élargissement progressif du line-up de Wailin Storms, au départ simple duo pour la mise en boite de Bone Colored Moon avec uniquement Justin Storms (au chant et à la guitare) accompagné du batteur David Daniels ; puis en trio avec le remplacement de David Daniels par Yancy Stabenicio et l’adjonction du bassiste Eric Messina. Depuis le premier album – le très acclamé One Foot In The Flesh Grave en 2015 – la composition du groupe s’est stabilisée autour de Justin Storms avec Todd Warner à la guitare lead et aux chœurs, Steve Stanczyk à la basse et Mark Oates à la batterie. Ce sont les mêmes musiciens qui ont ensuite enregistré Sick City (2017) puis Rattle, paru en mars 2020 : WAILIN STORMS est au fil des années et des albums devenu un véritable groupe et parallèlement sa musique n’a cessé de gagner en cohérence et en cohésion. Avec une deuxième guitare partant régulièrement en vrille et une section rythmique stable, dense et compacte la musique du groupe s’est surtout considérablement étoffée et durcie, Wailin Storms trouvant sa voie et s’y tenant, sorte de noise rock marécageux aux forts relents swamp et même goth. 





Il existe un peu deux écoles d’appréciation au sujet de groupe : il y a celles et ceux qui ne jurent que par le côté torturé et fiévreux de One Foot In The Flesh Grave – il est vrai qu’après les deux premiers enregistrements ce tout premier album long format a été un véritable choc – et celles et ceux qui préfèrent le côté plus direct, plus cru, plus punk finalement, de Sick City. Mais est-il réellement nécessaire de choisir ? Aujourd’hui Wailin Storms poursuit sur la même lancée, celle d’un rock rugueux et mystique, crépusculaire et nerveux, sombre et passionné. Si tu apprécies à peu près tout ce qu’il y a entre le Gun Club et 16 Horsepower en passant par These Immortal Souls et consorts, si tu affectionnes le côté surchauffé un peu sudiste (Wailin Storms est originaire de Caroline du Nord), les odeurs de marécages, les histoires passionnelles et les guitares électriques qui égrainent des riffs et des mélodies tenant autant de l’élixir voodoo que du poison mortel il y a fort à parier que Wailin Storm saura combler toutes tes attentes. D’autant plus que Rattle est la parfaite synthèse entre ses deux prédécesseurs, autrement dit avec ce troisième album le groupe de Justin Storms a réussi à conjuguer la passion dévorante de One Foot In The Flesh Grave et le côté plus direct et plus naturel de Sick City.
Le son de Rattle est énorme. Non pas que l’album soit surgonflé et qu’il déborde d’effets de manches inutiles ou d’esbrouffades sans nuances mais au contraire il crépite comme un feu ardent, prend le vent et ploie sous ses effets contraires avant de recommencer à brûler de plus belle. Rattle est un véritable brasier, un théâtre de vies brisées mais qui ne renoncent pas. Ce son il est en grande partie du à J. Robbins (Jawbox, Government Issue, Burning Airlines etc.) que l’on savait déjà producteur et ingénieur du son doué mais là il s’est littéralement surpassé, offrant enfin à Wailin Storms et à Rattle le son qu’il méritait, ample et précis mais jamais baveux bien que noyé de réverbération et de saleté. En particulier le chant très invasif de Justin Storms – un jour un vieil ami m’a avoué qu’il lui faisait un peu penser à celui de Bertrand Cantat (RIP) et je dois avouer qu’il n’a pas tout à fait tort – est parfaitement à sa place, ses gueulantes ultra-théâtralisées ne risquant plus trop d’étouffer tout le reste. Mais malgré tout son éclat et toute sa splendeur Rattle reste un album sombre et tempétueux, étincelant d’une lumière noire à rendre aveugle les golgoths éperdus et les chauves-souris des cavernes. Un album dépressif peut-être bien, colérique également, torturé et tortueux c’est certain, une pièce maitresse assurément.

[Rattle est publié en CD et en vinyle (rouge) par Gilead Media et Antena Krzyku]