lundi 3 février 2020

Tile / Stendell


En 2018 les américains de TILE avaient profondément marqué les esprits – en tous les cas le mien – avec un deuxième album de noise-rock racé, lourd et puissant, précisément comme je les aime. Il avait fallu attendre pas moins de cinq années entre ce Come On Home Stranger et son prédécesseur You Had A Friend In Pennsylvania aussi l’annonce de la parution dès la fin 2019 d’un nouvel enregistrement de Tile fut aussi surprenante que chargée d’espoir. Quoi ? Les trois petits gars d’Allentown remettaient déjà ça ? Incroyable, moi qui les prenais uniquement pour des types faisant de la musique en  dilettante, le cœur à vif et la rage au ventre pour lutter contre l’ennui d’une vie (des fois j’imagine même que les musiciens qui jouent dans les groupes que j’apprécie particulièrement ont des jobs qui n’ont strictement rien à voir : livreur de plateaux-repas pour les entreprises ou collectivités, ouvrier dans une fabrique de badges, magasinier ou fleuriste, par exemple, c’est vraiment n’importe quoi). Bref... peut-être est-ce l’arrivée du batteur Mickael Dumof (depuis l’album Come On Home Stranger) qui galvanise ainsi un groupe qui jusqu’ici n’a fait aucun sans faute. 



 
Un an et demi et un changement de label plus tard Tile nous balance donc ce Stendell au format atypique puisqu’il s’agit d’un LP monoface de cing titres. Pas de quoi râler pour autant puisque la qualité est plus qu’au rendez-vous. Je vais même en profiter tout de suite pour faire mon coup préféré – oui celui-ci j’adore vraiment le faire – du « meilleur disque du groupe à ce jour ». Pourtant il n’y a là aucune fanfaronnerie ni bravade de ma part : la première écoute de Stendell a été plus que lumineuse. Toutes celles qui ont suivi – et il y en a eu beaucoup depuis – n’ont fait que confirmer mon amour grandissant pour un disque et un groupe que j’estime tout particulièrement. Et encore une fois je vais me lamenter sur les quelques cinq milles kilomètres qui séparent Allentown et la Pennsylvanie de l’Europe et de la ville où j’habite : j’aimerais un jour assister à un concert de Tile autrement qu’en regardant une vidéo sur les internets.
Avec Stendell Tile ne se contente pas de faire et de refaire ce à quoi le groupe nous a habitués depuis déjà de nombreuses années. Ce nouveau disque est non seulement au dessus de tout ce qu’il a déjà enregistré mais également dans le peloton de tête de la cohorte de groupes de noise-rock qui peuplent le nord et l’est des États-Unis. Je dirais même que Tile semble avoir atteint (provisoirement, je l’espère…) l’apogée de son style entre puissance, lourdeur et mélodie. C’est bien ce cocktail sulfureux et imparable que nous propose Stendell : des rythmiques écrasantes, des riffs implacables et grésillants et du chant braillé, toujours avec un minimum d’idées par titre mais des idées qui font systématiquement mouche et qui rappellent que sans mélodie et/ou accroche une bonne composition ne saurait en être vraiment une.
Tile va tellement plus loin avec ce nouveau disque qu’il se rapproche de plus en plus de l’excellence bruit / écrasement / hypnose / mélodie d’un Hammerhead auquel le trio fait penser à de nombreuses occasions (Scarf Of Vain) mais dont il se démarque à la fois par plus de concision et des tempos plus ralentis. L’intro de Numerator 7 est également l’occasion de chatouiller le côté swamp de la chose avant de retrouver cette bonne vieille rage épidermique et pesante dont Tile est un expert et dont Kyle’s Paperclip est la parfaite quintessence. Stendell n’est peut-être qu’un demi-album mais c’est un disque à part entière, un disque de noise-rock aussi sale que captivant, de la plus belle façon qui soit.

[Stendell est publié à 250 exemplaires en vinyle transparent d’une couleur indéterminée et tachée de rouge et d’un peu de blanc (oui c’est super laid) par Corpse Flower – le bonhomme à l’origine de ce label a malheureusement annoncé que pour raisons personnelles il cessera toute activité en 2020 après deux ultimes parutions… merci pour tout Kenneth]