Il y a des disques qui vous tombent dessus un peu hasard alors que vous ne vous y attendiez pas vraiment et qui vous font très (très) mal. Et même que l’on en redemande immédiatement. Vas-y fais moi souffrir. No You de RAINBOW GRAVE est de ceux là. Bon… le hasard n’est pas le seul responsable dans toute cette histoire. Tout d’abord No You a été publié par God Unknown records, label britannique responsable de single series à se rouler par terre* ; ensuite Rainbow Grave est un groupe originaire de Birmingham / Angleterre et comprend dans ses rangs un certain John Pickering mais également Nicholas James Bullen. Le premier était bassiste puis le chanteur de Doom, mythique groupe anglais de d-beat/hardcore crust/etc. Le second a été le tout premier bassiste et tout premier chanteur de Napalm Death – c’est lui que l’on peut entendre sur la première face de Scum enregistrée en aout 1986** aux côtés de Mick Harris et de Justin Broadrick, futur Godflesh – mais il a également participé à l’aventure Scorn aux côtés de ce même Mich Harris jusqu’en 1994 et le génial album Ellipsis. Je me suis parfois demandé ce que Nicholas Bullen avait fait bien pu foutre depuis ces premiers hauts (mé)faits ***, le bonhomme trainant cette réputation d’avoir souvent été le mec un peu trop incontrôlable voire instable et que l’on sacrifiait trop facilement pour continuer à aller de l’avant sans lui.
J’ai au moins une réponse en ce qui concerne les années 2018 et 2019**** : Bullen joue de la guitare et chante dans Rainbow Grave. John Pickering tient l’autre guitare. Le line-up du groupe est complété par Nathan Warner à la basse et James Commander à la batterie. Auxquels il convient d’ajouter Benjamin Thomas dont le saxophone apparait sur deux titres de No You. Je ne sais vraiment pas ce qui a poussé ces quatre là à appeler leur groupe Rainbow Grave… un nom sans aucune connotation ni référence, du moins à ma connaissance. Ce qui est certain c’est que la musique de Rainbow Grave n’a strictement rien à voir avec les premiers groupes de Bullen et de Pickering : pas de d-beat, pas de crust et pas de grind avec blast beats effrénés à l’horizon mais au contraire une musique aussi lourde – heavy – que possible, plutôt lente, ultra saturée par la distorsion et la crasse, une musique sale et violente, vicieuse et viscérale, sans concession et impitoyable. Haineuse, presque, ou qui en tous les cas transpire la misanthropie.
Je pense à tous ces groupes complètement fous, désaxés, autodestructeurs et malsains qui ont émaillé l’histoire des musiques électriques déviantes, à commencer par Drunk With Guns pour le côté répétitif, Flipper pour la défonce musicale et même Brainbombs, surtout lorsque le saxophone apparait sur le désormais incontournable Year Zero et le psychotique Assassin Of Hope. Sans oublier Head Of David – certes nettement moins malsain et taré que tous les groupes qui viennent d’être cités – pour les lignes de basse complètement incroyables qui sont en grande partie responsables du caractère pachydermique et oppressant de la musique de Rainbow Grave. Un peu comme les Stooges période Fun House ralentissant au maximum et alourdissant à l’extrême la moindre de leurs idées de composition. Tout suinte la lourdeur et même plus que la lourdeur : No You transpire l’animosité, l’hostilité et la répulsion contre un monde qui nous le rend bien. No You est le disque fielleux et rageux de l’année, peut être même bien le disque de l’année tout court. Ce qui pour un truc aussi volontairement sauvage et nihiliste ressemble à un vrai paradoxe. J’aime les paradoxes.
Je pense à tous ces groupes complètement fous, désaxés, autodestructeurs et malsains qui ont émaillé l’histoire des musiques électriques déviantes, à commencer par Drunk With Guns pour le côté répétitif, Flipper pour la défonce musicale et même Brainbombs, surtout lorsque le saxophone apparait sur le désormais incontournable Year Zero et le psychotique Assassin Of Hope. Sans oublier Head Of David – certes nettement moins malsain et taré que tous les groupes qui viennent d’être cités – pour les lignes de basse complètement incroyables qui sont en grande partie responsables du caractère pachydermique et oppressant de la musique de Rainbow Grave. Un peu comme les Stooges période Fun House ralentissant au maximum et alourdissant à l’extrême la moindre de leurs idées de composition. Tout suinte la lourdeur et même plus que la lourdeur : No You transpire l’animosité, l’hostilité et la répulsion contre un monde qui nous le rend bien. No You est le disque fielleux et rageux de l’année, peut être même bien le disque de l’année tout court. Ce qui pour un truc aussi volontairement sauvage et nihiliste ressemble à un vrai paradoxe. J’aime les paradoxes.
[No You a été initialement publié en vinyle de couleur indéterminée et franchement dégueulasse***** par God Unknown records ; le repressage, toujours sur le même label, est en vinyle noir]
* parmi tous les groupes au programme de ces single series citons Gnod, MoE, Sly & The Family Drone, White Hills, Part Chimp, Kuro, Bruxa Maria, Action Beat, The Blind Shake, Dead Neanderthals, Casual Nun, Mainliner, Agathe Max, Acid Mothers Temple, Silent Front, Henry Blacker, Hey Colossus… n’en jetez plus ! God Unknown records en est déjà à sa quatrième série de splits et ce ne sont presque que des incontournables !
** la seconde face de Scum a elle été enregistrée en mai 1987 par le line-up Lee Dorian/Bill Steer/Shaine Embury/Mick Harris
*** et le site internet de Nicholas Bullen nous apprend que depuis cette très lointaine époque il a fait des tonnes de trucs dans les domaines de la musique ou de la vidéo
**** en 2018 Rainbow Grave a publié le single Sex Threat b/w You Are Nowhere dont les deux titres ne figurent pas sur No You, à bon entendeur…
***** officiellement la couleur c’est « pink marble » moi j’appellerai plutôt ça « gasoil », ce mélange imbuvable obtenu avec du pastis, du sirop de grenadine et du sirop de menthe