dimanche 22 septembre 2019

Comme à la radio : Grand Plateau






Aujourd’hui dans notre grande série peut-on parler d’un disque et d’un groupe dont on connait particulièrement bien l’un des membres voici GRAND PLATEAU. Traduction : le copinage est-il une bonne chose ? ou bien faut-il s’en cacher ? Évidemment que non. Je dirais même qu’en matière de musique(s) cela fonctionne souvent comme cela. C’est ce que l’on appelle pudiquement le « réseau », celui que l’on met des années à se faire et que l’on passe de longs moments à entretenir à grands coups d’apéros cosmiques et de concerts débridés – sauf lorsque on a trop de problèmes d’intégration relationnelle comme moi.
Comme je ne touche aucun pot-de-vin lorsque j’écris une chronique, comme aucun espace publicitaire ne vient perturber la lecture de cette gazette internet et comme la plupart des disques chroniqués ici reflètent des pratiques musicales et économiques basées sur la débrouillardise, la solidarité, le non-profit et l’échange je ne vais donc pas me gêner pour vous toucher deux mots de Broom Wagon, tout premier album enregistré par Grand Plateau, donc, un groupe dont mon ami Damien est le guitariste et le chanteur.






Casual Act, premier enregistrement de Grand Plateau, date déjà de 2011. Il aura donc fallu près de huit années avant que le trio lyonnais ne décide de se lancer dans l’aventure d’un premier album. Et parler d’aventure n’est pas un vain mot, le groupe ayant mis plus d’une année entre le début de l’enregistrement et la sortie physique – en CD uniquement – de Broom Wagon, le tout en complète autoproduction. Je vous passe les difficultés techniques et parfois humaines que ces trois garçons ont rencontrées, l’important c’est le résultat obtenu.
On peut traduire Broom Wagon par « voiture balai ». Entre ça, le nom du groupe et l’artwork du disque il ne fait aucun doute que Grand Plateau est un groupe de faux sportifs qui plus est adeptes d’un rock très noisy et tirant sur l’emo – l’emo de Fugazi, c’est à dire qui ne vise qu’à faire passer des émotions, même de travioles, et non pas à couiner et chougner dans les bras de notre meilleur ami parce que l’amour de notre vie est parti, parce que notre gel pour cheveux habituel a changé de parfum ou parce que notre personnage préféré de série a été assassiné à la fin de l’épisode 11 de la 6ème saison. Une référence émophile à laquelle je rajouterais des choses encore plus romantiques du type Rodan/June Of 44.
Le chant est plutôt rare ici, il ne répond pas aux impératifs du couplet/refrain et souvent il intervient après de longs développements instrumentaux pendant lesquels la guitare tisse des entrelacs mi atmosphériques mi acides appuyés par une section rythmique solide voire même primordiale. C’est le genre de choses auxquelles je fais toujours attention : l’enregistrement respecte très bien l’équilibre entre les trois instruments et à ce titre Broom Wagon sonne parfaitement, à la fois ample et précis tout en gardant la simplicité et le côté direct nécessaire à une telle musique.
Pour en revenir au chant, son côté juvénile rajoute une bonne couche de fébrilité (un peu de vraie vie quoi, ça change des hurleurs et des rageux qui enculent la société à longueur de textes que personne ne comprend) ce qui n’empêche pas l’instrumental N2 d’être l’un de mes titres préférés de Broom Wagon avec sa progression dramaturgique mais jamais grandiloquente. Juste avant Barbwire et son intro aussi chancelante qu’un vieux blues aura presque eu raison de moi et de mon petit cœur solitaire. Et juste après Chiens conclut de manière magistrale un disque sans fioritures ni faux-semblants : Grand Plateau fait tout simplement partie de la cohorte de « petits groupes » qui font réellement vivre la musique pour ce qu’elle est et doit être : des idées, des instants, des témoignages, du partage.