mercredi 19 juin 2019

The Great Sabatini / Great Falls – split 12'


Malgré ses onze années d’existence THE GREAT SABATINI est un groupe qui fait trop peu parler de lui. Pour être honnête, si en 2014 feu le label clermontois Solar Flare n’avait pas publié Dog Years je n’aurais jamais entendu parler de ce groupe de Montréal ni de son troisième (?) album. Depuis cette bande de joyeux barbus a sorti l’excellent et toujours très versatile Goodbye Audio que je ne désespère pas de trouver un jour en dur et en vrai mais les conditions et les frais de port transatlantiques sont devenus tellement difficiles ces dernières années que pour l’instant je me contente d’écouter cette petite pépite en streaming grâce à la page b*ndc*mp du groupe (c’est curieux comme la mondialisation fonctionne beaucoup mieux pour le commerce lucratif des objets numériques et autres téléphones intelligents fabriqués en Asie par des ouvriers sous-payés à l’aide de matériaux extraits des sols africains par des esclaves ouvriers encore plus sous-payés que les premiers).
Quoi qu’il en soit The Great Sabatini a également participé à un split en compagnie de Great Falls, publié au tout début de cette année 2019 par Hex records. L’affiche est des plus alléchantes et le résultat est, disons-le tout de suite, carrément excitant. Chacun des deux groupes propose deux titres : à propos de The Great Sabatini j’ai parlé un peu plus haut de versatilité, caractéristique qu’il est peut être plus difficile à cerner lorsqu’on a que deux compositions à écouter tant le groupe aime d’ordinaire passer du bon gros sludge bien gras au noise-rock bien épais et ne semble jamais s’interdire aucune incartade ni aucune étape intermédiaire entre les deux du moment que ça défouraille. Avec Bleeder Of The pack (le jeu de mot de ce titre me fait hurler de rire) et l’à peine moins excitant Entartete Kunst le cahier des charges est cependant bel et bien rempli par The Great Sabatini qui confirme ainsi la constante progression de sa musique et prouve que le format court lui va tout aussi bien que celui d’un album multiforme. 




Il est temps maintenant de parler du disque en lui-même, parce que l’objet est extrêmement réussi : le vinyle est marbré rose/rouge translucide et gravé d’un sillon uniquement sur sa première face. La seconde est entièrement occupée par une illustration également gravée – « etched B-side » en anglais – et s’amuser avec les reflets et les effets de lumière au travers du vinyle révèle plein de nuances dont il est impossible de se lasser. Evidemment on ne peut pas jouer au magicien des couleurs et écouter le disque en même temps. Tant pis. On peut remarquer une plage intermédiaire ne portant pas de titre entre les deux compositions de The Great Sabatini et celles de Great Falls … en fait il s’agit d’un locked groove c’est-à-dire un sillon fermé. En général ce genre de blague se trouve à la fin de la face d’un vinyle mais là il n’y a rien d’autre à faire que de se lever et de déplacer la tête de lecture de sa platine de quelques millimètres pour passer à la suite et pouvoir écouter les deux morceaux de GREAT FALLS.
Le trio de Seattle a également publié un disque en 2018, son quatrième : le double LP A Sense Of Rest, conjointement chez Corpse Of Flowers et Throatruiner. Un album dont on peut affirmer sans se tromper qu’il constitue à ce jour le meilleur enregistrement de Great Falls et qui a convaincu les éternels retardataires que celui-ci n’était pas que le groupe actuel d’anciens membres de Kiss It Goodbye et de Playing Enemy (OK : Playing Enemy était un truc franchement génial mais la nostalgie c’est mal, non ?). Demian Johnston, Shane Mehling et Phil Petrocelli continuent ici sur leur lancée avec deux compositions inédites qui raviront les déjà fans et – je l’espère – convaincront tous les autres, Great Falls étant un exemple d’excellence suprême en matière de noise hardcore avec un fort penchant pour le chaos viscéral et l’étalage de tripes en mode émotions à vif… Our Lonely Old Year et surtout Dancing In Black And White sont vraiment deux nouveaux indispensables en provenance d’un groupe d’exception et particulièrement prolifique (depuis 2009 et en dehors de ses quatre albums Great Falls a publié presque une trentaine de CDr, de splits, de cassettes et autres). Autrement dit : ce très beau split 12’ est un incontournable et on ne peut que remercier Hex Records qui cette année s’était déjà illustré en assurant l’édition nord américaine de Life Cinema, le quatrième album des anglais d’USA Nails.