Je pensais prendre un peu plus mon temps,
après tout les beaux jours arrivent à la vitesse d’un cheval au galop faisant
une course folle avec le dérèglement climatique (devinez qui va gagner ?) et
cela me donne plutôt envie de faire un footing de descendre un pack de
bières entre amis ou de pratiquer le cannabis thérapeutique les doigts de pieds
en éventail. Mais non : il y a des retours aux affaires qui font plus plaisir
que d’autres et celui de SOFY MAJOR est de ceux là, donc
autant parler tout de suite et maintenant du nouveau disque du trio clermontois
qui vient de paraitre sur le label polonais Antena krzyku (qui abrite
également Pigeon, Wailin Storms, Tuscoma, Alabaster ou Buzz Rodeo, que du beau
monde). Total Dump est le
quatrième album de Sofy Major et il sort
plus de trois années après un Waste
qui à mon goût commençait à trop sentir le ronronnement des amplis surchauffés et
la coulée en pente douce. Un changement de guitariste, quelques bonnes grosses gueules
de bois et presque autant de trous noirs plus tard, Total Dump vient remettre les choses en ordre.
Il y a cependant de bonnes chances pour que
toutes celles et tous ceux qui ont jusqu’ici boudé Sofy Major continuent à faire de même : pour Total Dump le groupe a certainement
voulu jouer la sécurité en faisant une nouvelle fois appel à la même équipe
technique que pour l’album précédent, sessions d’enregistrement au studio Black
Box*, Dave Curran d’Unsane et de Pigs à l’enregistrement et au mixage et Carl
Saff au mastering – par contre Andrew Schneider qui avait mixé Waste en 2015 mais également enregistré Idolize en 2012 dans des conditions
complètement rocambolesques pour ne pas dire totalement folles** n’est plus de
la partie. Pourquoi parler de tout cela ? Parce qu’il y a un son Sofy Major et que celui-ci est
immédiatement reconnaissable dès les premières secondes du disque, dès cette
entrée en matière (l’éponyme Total Dump)
qui – après un bref et hilarant extrait de discours d’un ancien président de la
république française démontrant que parler langliche n’est vraiment pas donné à
tout le monde – rappelle pourquoi Sofy
Major tient toujours le haut du pavé : le son est massif et limpide, mettant
parfaitement en valeur une composition qui joue en même temps les cartes de la
lenteur implacable, de la lourdeur et celle de la mélodie.
D’ailleurs Total Dump est bourré de compositions mid tempos et c’est dans ce
registre là que Sofy Major excelle
le plus, bien que le groupe ne s’interdise pas quelques courses-poursuites (Strike, Tumor-o-rama, la première partie de Panamarama et surtout Giant
Crush Crash). Les qualités principales d’un titre de Sofy Major résident presque toujours dans la combinaison déjà décrite un
peu plus haut : en alliant la lourdeur et la puissance d’un Unsane avec un
fort attrait mélodique saupoudré de stoner gominé le trio détient presque la
recette miracle. Mais contrairement à ce qui s’était passé pour Waste voilà une recette qui ressemble à
tout sauf à une méthode trop appliquée, parlons donc plutôt d’identité. Et cette
identité c’est aussi celle d’un chant de mercenaires que rien ne semble pouvoir
effrayer, d’autant plus que depuis que le groupe a changé de guitariste Sofy Major ne possède pas un mais deux véritables
chanteurs (OK : l’un s’occupe de brailler dans le micro plus souvent que
l’autre). Soit le bassiste et le guitariste*** alternent fougueusement soit ils
se mettent à l’unisson, deux pratiques qui se répètent inlassablement tout au
long de Total Dump sans que l’on ait cependant
le sentiment que Sofy Major en abuse.
Voilà une façon de faire qu’il conviendrait de définir par sa nature très efficace et pour
une fois je ne rechignerai pas trop à employer un gros mot pareil (efficace...), de toute
façon le résultat obtenu est toujours à la hauteur et du meilleur effet.
Mais ce n’est pas tout. Tout en continuant
de briller grâce à sa science aiguë de l’étalage de gros riffs qui tachent, la guitare distille savamment
poison et venin sous la forme d’interventions (suites d’arpèges ou solos
intrusifs) pour contrebalancer le côté monolithique de la musique du groupe. La
section rythmique – qui a toujours été l’un des gros points forts chez Sofy Major – peut alors continuer à faire
son sale boulot d’écrasement, la guitare est là pour lancer ses salves brulantes
de noise-rock et électriser toujours plus l’atmosphère. Total Dump ne comporte aucune faille ni aucune faiblesse et
pourtant je ne saurais non plus blâmer son côté bloc de granit inattaquable, le
niveau général élevé des compositions et l’entente évidente entre les trois
musiciens faisant le reste, conférant au disque son côté « force vive ».
Me voilà donc réconcilié, même si je n’étais pas non plus réellement fâché,
avec un groupe qui vient de publier son meilleur album à ce jour : Total Dump est aussi puissant que
brillant, aussi accrocheur qu’irrésistible. Une vraie torpille.
[Total Dump est publié en vinyle par Deadlight Entertainment et Antena Krzyku (Europe) mais également Corpse Of Flower pour
l’Amérique du Nord]
* célèbre studio fondé aux débuts des
années 90 du côté d’Angers par le regretté Iain Burgess
** en octobre 2012 l’ouragan Sandy avait
complètement détruit le studio de Schneider à Brooklyn ainsi que tout le
matériel de Sofy Major, ce qui
n’avait pas empêché le groupe de mettre son disque en boite puis d’enchainer
avec une tournée américaine de trois semaines
*** lequel est chanteur dans Alabaster
et, pour la petite histoire, il a également tenu la batterie aux débuts de
Sofy Major, par exemple on peut
l’entendre sur un split 10’ partagé avec les lyonnais de One Second Riot (2007…)