Il y a quelques jours l’un de mes
groupes préférés du moment – je veux dire : un groupe de maintenant que
j’ai découvert un peu par hasard et que depuis j’apprécie par dessus tout – a
donné un concert à une poignée de kilomètres seulement de chez moi. Mais il n’y
a rien eu à faire, je n’ai vraiment pas pu me libérer ce jour là et me rendre à
ce concert ; je n’ai pas pu gouter en live et en vrai* à toute la fureur et à toute
la noirceur qu'à la maison YC-CY est si bien arrivé à insuffler à ses deux premiers enregistrements.
Chienne de vie… Qui donc a dit qu’il n’y a pas que la musique dans la
vie ?
YC-CY
donc. Je crois que cela se prononce [ouaille si si ouaille] mais
qu’importe : Todestanz
(prononcez cette fois « danse de la mort »), premier véritable album
du groupe après une très bonne démo en 2016, donnerait presque le sentiment de
jamais entendu. J’écris « presque » parce que nous sommes en 2018 et
que cela fait très longtemps qu’en matière de musiques électriques tout a déjà
été fait et refait, dit et rabâché, copié et imité, honoré ou piétiné. L’important
c’est l’art et la manière, la façon de le faire, la façon de donner, de
transmettre. Et c’est là que YC-CY se distingue du commun des mortels, entre acharnement
illuminé, sauvagerie obscure et générosité à tous les étages. Tous Morts, Tous Égaux disait le poète.
Et avec YC-CY c’est exactement de cela dont il s’agit.
Ces quatre suisses viennent pourtant
d’un pays chargé historiquement en foutraqueries musicales et autres extrémités
sonores mais ils font plus qu’impressionner avec Todestanz, bien loin des obscénités hardcore, tentatives métallurgistes
sans imagination et autres grinderies tant prisées du côté du canton de Genève (par exemple). La
musique du groupe n’est pas vraiment noise non plus (et pourtant) et puis surtout
elle possède un petit côté swamp / goth assez étonnant… j’allais même écrire
death rock, cette musique qui n’existe que dans l’esprit de quelques illuminés
rétrogrades toujours à la recherche du cadavre de Rozz Williams dans la vallée
de la mort**. Mais il y a vraiment de ça : la guitare chez YC-CY sonne très
souvent comme à nulle autre pareille, rappelant certes celle du grand théâtre
de la douleur mais pas que. Les années passées et l’oubli dans les souvenirs,
loin de figer ce qui n’aurait pu être qu’une pale tentative d’imitation, ont
donné naissance à quelque chose de réellement intrigant – et d’original.
Parce que YC-CY ne s’arrête pas en si
bon chemin, refuse de tourner en rond, ne piétine pas bêtement en attenant son
tour. Ses musiciens ont évidemment peut-être écouté du hardcore, du
metal, de la noise, peut-être même du screamo (si si) mais là non plus ils ne
réitèrent pas. Ils débroussaillent, ils mélangent, ils laminent mais surtout
ils savent laisser du bordel, de l’âpreté et de la tension partout là où il en
faut, c'est-à-dire là où nous, pauvres auditrices et auditeurs du disque, nous
y attendons le moins. Les chansons de YC-CY peuvent prendre des tournants
vraiment inattendus (Phobetor par
exemple) et le groupe a plus d’un tour dans son sac – la multiplication des
chants, quelques zigouigouis pas vraiment bruitistes mais qui intriguent voire
agacent juste ce qu’il faut, l’urgence rampante des compositions, les lignes de
basse volcaniques, cette batterie qui lâche rien et cette guitare donc… oui toujours
ces sons de guitare qui vrillent tout mais, encore une fois, font toute la différence,
apportent ces quelques suppléments d’importance et ce truc essentiel qui manquent
à tellement de groupes pourtant de bonne volonté. YC-CY est définitivement très
largement au dessus du lot. Et Todestanz
est un disque que je vais écouter et chérir pendant vraiment très longtemps.
Rien que ça.
[Todestanz
est publié en vinyle par l’excellent label et mailorder allemand X-Mist, lequel label
en a profité pour rééditer en LP la première démo
de YC-CY – c’est ce que l’on appelle une double peine, profitez-en]
* pour une fois je vais être
optimiste : YC-CY jouera le 11 mai à Marseille et le 12 à Freycenet dans
le cadre de la croisière héroïque du Pakebot…
** non je n’ai pas écrit
ou même pensé le nom d’Anasazi