lundi 9 avril 2018

Skull Defekts / self titled


Il y a des mots que je n’ai pas envie d’écrire. Des choses que je ne voudrais pas savoir. Mais c’est un fait : ce cinquième* album sans titre des Skull Defekts sera le tout dernier du groupe. Il faut dire aussi que les norvégiens n’avaient pas donné beaucoup de preuves réelles et tangibles d’activité depuis près de quatre années et l’album Dances In Dreams Of The Known Unknown, leur dernier disque enregistré avec Daniel Higgs au chant… Depuis le chanteur-troubadour américain est parti, il ne donne pas non plus beaucoup de signes de vie en ce moment, bien planqué dans son Maryland natal ou je ne sais où, et cela m’étonnerait qu’un jour il ait cette idée que beaucoup espère pourtant de réactiver les inestimables Lungfish**.  Mais passons… C’est peu dire que la rencontre Higgs / Skull Defekts était une belle rencontre. Quelque chose de tellement évident et de tellement consubstantiel était né de la collaboration entre le barbu prédicateur et les sauvages scandinaves ***. Mais, désormais, la seule chose que Daniel Higgs semble avoir faite pour ce nouvel album sans titre, c’est la belle illustration crânienne de la pochette. Tout le reste n’est plus que de l’histoire ancienne. Sans oublier Jean-Louis Huhta (percussions et électronique) qui avait déjà quitté les Skull Defekt lorsque le groupe a commencé à réfléchir à cet ultime enregistrement, quelque part en 2016.




Des Skull Defekts il ne reste donc désormais – et provisoirement – que Joachim Nordwall (ex Kid Commando) à la guitare et à la voix, Daniel Fagge Fagerström à la guitare et au chant ainsi que Henrik Rylander (ancien de Union Carbide Productions ****) à la batterie. Auxquels il faut ajouter une nouvelle recrue : Mariam Wallentin (chant). Un line-up resserré pour un disque concentré et testamentaire. Un disque qui ne surprend pas beaucoup. Mais qui ne déçoit absolument pas. On y retrouve ces guitares flamboyantes à l’électricité mordante et au psychédélisme industriel – si, c’est possible ; ces rythmiques tribales et oppressantes ; ces sonorités entre électronique piquante et bruitisme  assourdissant.
Les quelques nouveautés – et encore – sont à mettre au crédit de quelques apparitions fantomatiques d’un piano égrainant parfois des notes parcellaires et mettant toujours plus en avant la mélancolie un peu dure obscurcissant la musique du groupe ; et puis le chant de Mariam Wallentin (apparaissant sur une partie des compositions seulement) qui cependant ne révolutionne en rien la place des mots au sein de la musique des Skull Defekts et s’intègre parfaitement dans l’ensemble (un tiers d’instrumentaux compose le disque, ratio plutôt commun chez le groupe). On peut regretter les longues litanies et psalmodies signées Daniel Higgs ainsi que son timbre de voix et sa diction si particulière mais on peut également saluer l’efficacité imparable d’un album qui concilie plus que jamais grandiloquence abrupte et âpreté luxuriante.
Alors… si malgré toutes ses indéniables qualités cet ultime album possède un petit goût d’amertume c’est uniquement dans la tête du fan. Dans la mienne, en l’occurrence. Les Skull Defekts ont d’après Joachim Nordwall mis tout ce qu’ils avaient dans ce dernier enregistrement. Comme pour marquer le coup. Pour partir sur la note la plus positive possible. Pour que nous puissions garder dans notre cœur et notre mémoire l’image d’un groupe très largement au dessus du lot. Aventureux. Sans compromission. Sauvage. Tourmenté. Mélodique, aussi… Oui les Skull Defekts étaient un grand groupe. Un groupe qui dorénavant n’existe plus. Et ça, je n’arrive pas à m’y faire ni à l’accepter. Chienne de vie.

[cet album sans titre est publié en vinyle et CD par Thrill Jockey]

* je ne compte que les albums « de groupe » donc j’exclus de cette énumération restrictive tous les disques de bidouilles enregistrés avec un line-up incomplet des Skull Defekts de même que les quelques EP ou splits parus tout au long de la carrière du groupe
** je rappelle que Lungfish n’a jamais été officiellement dissous et que Feral Hymns, le dernier album des américains, date de 2005
*** et à ce titre il faut écouter et réécouter l’indispensable album Peer Amid des Skull Defekts (2011)
**** les quatre magnifiques albums de Union Carbide Productions ont eux été réédité en 2014 avec tout le savoir-faire nécessaire et qui plus est en vinyle… il serait largement temps de rendre aux norvégiens la place qu’ils méritent, tout en haut